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Cannibalismes

La révolution est comme Saturne :
elle dévore ses propres enfants
(Georg Büchner, La Mort de Danton)

Qu'elle soit civile ou incivile, ethnique, religieuse ou autre, une guerre est une guerre, avec son cortège de mort, de destruction, d'atrocités et d'exodes. Qu'en serait-il alors quand elle s'agrémente, comme aujourd'hui autour de nous, d'une guerre dans la guerre ?


Car c'est bien en (re)lâchant dans la nature des milliers de jihadistes qui croupissaient dans ses geôles que Bachar el-Assad a transformé en sanglant foutoir, en scène de luttes intestines, une opposition syrienne qui, au départ, tirait gloire et avantage de sa diversité idéologique. En prime, le dictateur de Damas réussissait à se poser en champion de la résistance à la déferlante islamiste, laquelle a vite fait de déborder sur l'Irak voisin. Écarté par les Américains, apparemment lâché par les Iraniens, c'est de ce même et équivoque statut que vient d'être dessaisi l'ancien Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, dont la politique outrageusement sectaire a conduit à la débandade de son armée face aux fulgurantes percées des colonnes de Daech.


En attendant que se mette en place la relève, c'est à un début de génocide que sont livrées les minorités chrétiennes, yazidis et autres. Tout cela pour la honte d'un Occident qui, par veulerie, courte vue ou franche stupidité, n'aura cessé, depuis l'invasion de l'Irak de 2003, de commettre erreur sur erreur, pour en venir à s'effarer maintenant de la dimension potentiellement planétaire du péril jihadiste.


On n'attendait pas le verdict sans appel de l'ancienne secrétaire d'État, Hillary Clinton, pour le déplorer : tout aussi catastrophiques que l'aventurisme de George W. Bush auront été l'indécision, la frilosité, la passivité de Barack Obama refusant d'armer à temps l'opposition syrienne plurielle et se livrant aujourd'hui, aux portes du Kurdistan, à ces mêmes frappes aériennes dont il menaçait, mais sans grand sérieux, le régime de Damas. Trop peu, trop tard : faute d'avoir mis les bouchées doubles au bon moment, c'est au cannibalisme que les puissances auront voué les peuples d'une région offrant un éventail sans pareil de croyances et de civilisations millénaires.


Parangon du genre, notre pays n'est pas pour autant à l'abri de ce vent de folie meurtrière. Encore plus dangereux cependant que les incursions de Daech ou les tensions sectaires est l'acharnement que mettent les Libanais à défigurer, à saccager ce qui leur tient lieu de gage de survie, à savoir la démocratie et la primauté de l'État dans ses diverses institutions. Impuissant à élire un président, le Parlement n'a aucun mal en revanche à se reconduire lui-même. Abreuvés par les démagogues de promesses impossibles à tenir, les syndicats contrôlent la rue, contraignent le ministre de l'Éducation à d'incessantes reculades, menacent de plonger le Liban dans le noir le plus total.


Ce n'est pas du cannibalisme, çà ?

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

La révolution est comme Saturne :elle dévore ses propres enfants(Georg Büchner, La Mort de Danton)
Qu'elle soit civile ou incivile, ethnique, religieuse ou autre, une guerre est une guerre, avec son cortège de mort, de destruction, d'atrocités et d'exodes. Qu'en serait-il alors quand elle s'agrémente, comme aujourd'hui autour de nous, d'une guerre dans la guerre ?
Car c'est bien en...