Le problème de fond, qui retarde la rédaction définitive de la déclaration ministérielle et le vote de confiance, reste entier. Réuni à Baabda sous la présidence de Michel Sleiman, le Conseil des ministres s'est penché sur la question, sans parvenir à surmonter l'obstacle majeur sur lequel avait déjà buté la commission de rédaction de la déclaration ministérielle, à savoir la place de la résistance au sein des institutions, sachant que le Hezbollah réclame pour elle une totale liberté d'action, qu'il clame comme un « droit du peuple », tandis que le 14 Mars ne conçoit pas que l'État, symbole de la volonté collective, cède à une entité quelconque une part de sa souveraineté. Aucune des cinq ou six formules proposées et débattues hier, notamment une formule avancée par Ali Hassan Khalil, n'ont réussi à satisfaire les deux camps en présence, ni d'ailleurs la référence à une phrase utilisée par Gebran Bassil au cours de la réunion du Conseil arabe des ministres des Affaires
étrangères qui vient de se tenir au Caire et que M. Sleiman a semblé juger recevable.
Exaspéré par l'impasse qui, à l'évidence, n'est plus linguistique mais touche à l'essentiel, Tammam Salam a annoncé, en cours de séance, son intention de démissionner. Il y a finalement renoncé à la demande pressante du chef de l'État et de plusieurs ministres. Ce renoncement ressemble toutefois à une « suspension », puisque le renvoi de la réunion à aujourd'hui n'a pas fixé d'heure précise et sera tributaire des « contacts qui seront engagés dans la nuit et ce matin », selon le ministre de l'Information, Ramzi Jreige, qui a rendu compte de la séance. C'est donc une démission avec « suspension d'effets ».
Si le Conseil des ministres se réunit aujourd'hui, ce sera donc après la prière du vendredi, sachant en outre que le 14 Mars commémore aujourd'hui le 9e anniversaire de l'intifada de l'Indépendance et que Saad Hariri pourrait créer la surprise dans le discours qu'il pourrait prononcer à cette occasion. On conseille à M. Salam d'attendre ce mot, avant de se prononcer définitivement sur une démission.
Les conciliabules d'hier ont été prolongés, et entravés, par de nombreux entr'actes au cours desquels les ministres réunis ont consulté au téléphone les chefs de leurs blocs ou pris des sandwiches. L'une de ces interruptions a été mise à profit par le président Sleiman et M. Salam, pour faire le point. Les deux hommes s'étaient d'ailleurs concertés avant la réunion, et M. Sleiman, sensible à la frustration croissante du Premier ministre, avait ouvert le débat en affirmant qu'il est inadmissible qu'une phrase – un mot, selon M. Bassil – empêche un gouvernement d'entrer en fonctions.
En matinée, le chef de l'État avait par ailleurs consulté un certain nombre de constitutionnalistes sur la date butoir de 30 jours figurant à l'article 64 de la Constitution, comme délai accordé à un gouvernement pour rédiger sa déclaration ministérielle. Délai de forclusion impératif ou délai incitatif, le débat a fait rage sur les télévisions, sachant que le président de la Chambre, outrepassant ses prérogatives, s'était permis de trancher publiquement en affirmant qu'il s'agit d'un délai de forclusion.
Selon des constitutionnalistes, ce n'est pas à M. Berry qu'il appartient de le dire, mais au Conseil constitutionnel ou, à tout le moins, à la Chambre. Dans ces mêmes milieux, on affirme en outre que le mandat de 4 ans de M. Berry s'est achevé avec l'expiration du mandat de la Chambre et que la prorogation du mandat de cette dernière ne s'applique pas ipso facto à son propre mandat. Sa prise de position, ajoute-t-on, est une forme « d'instrumentalisation de la loi » à des fins politiques.
Placé devant cette menace et soucieux d'éviter que la controverse sur la déclaration ministérielle ne se double d'une polémique sur l'interprétation de l'article 64, le chef de l'État a avancé hier tous les arguments dont il dispose en faveur d'un assouplissement des positions en présence. Il a notamment affirmé qu'il est impensable que le Liban se rende au sommet arabe prévu le 25 mars sans gouvernement. En outre, il a souligné l'urgence d'une coopération effective des ministres avec le Groupe international d'appui au Liban et que les fonds accordés par ces pays, dont la Finlande, dont le président visite en ce moment le Liban, ne le seront pas si un gouvernement en bonne et due forme ne les négocie pas avec les gouvernements étrangers concernés.
Dans son discours de préambule, M. Sleiman a également fait part de l'impatience de l'opinion et de la nécessité de ne pas la décevoir, ajoutant que la communauté internationale n'était pas moins impatiente de voir surmonté l'obstacle en question. Il faisait ainsi en partie allusion à deux appels téléphoniques matinaux du patriarche Béchara Raï à MM. Tammam Salam et Nabih Berry, dans lesquels il les pressait de tout faire pour que les efforts de conciliation aboutissent. En marge du déjeuner offert au président finlandais, M. Berry avait souscrit à ce désir et s'était réuni avec M. Salam, pour une ultime concertation avant le Conseil des ministres.
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Quelle MaSSekharrâh-mascarade !
14 h 14, le 14 mars 2014