
Une cigogne blessée, secourue par l'Association libanaise pour les oiseaux migrateurs. Photo fournie par Michel Sawan
Chaque année, le passage des cigognes migratrices au-dessus du Liban s'accompagne de carnages dont les auteurs n'hésitent pas à s'afficher sur les réseaux sociaux. Cette année n'a malheureusement pas dérogé à la règle. Plusieurs vidéos ont été diffusées en ligne jeudi, dont une tournée dans le Akkar, au Liban-Nord, selon la propriétaire d'un compte qui l'a publiée sur Instagram et qui se présente comme une militante écologiste. On y voit des hommes sur une colline tirant à bout portant sur un ban de cigognes en plein vol, et les corps des volatiles touchés tomber sur le sol. La vidéo montre ensuite les mêmes hommes accourir pour récupérer les oiseaux abattus.
D'autres massacres de cigognes ont été constatés ces derniers jours, toujours au Liban-Nord, par Michel Sawan, directeur de l'Association libanaise pour les oiseaux migrateurs, notamment à Denniyé. Il affirme qu'une quarantaine d'oiseaux auraient été tués et abandonnés dans cette région.
Selon M. Sawan, son association soigne une centaine d'oiseaux blessés à chaque saison migratoire, de mars à avril pour celle du printemps et de septembre à octobre pour l'automne.
1. Quelle trajectoire amène les cigognes au-dessus du Liban ? Et quels dangers les guettent ici ?
Au printemps, les cigognes migrent d'Afrique vers l'Europe, et traversent le Liban en passant au-dessus de la côte (ce qui les amène à voler au-dessus de certaines régions du Liban-Nord, ndlr), à la recherche d'un climat moins chaud. En automne, elles font le voyage inverse et passent au-dessus de la Békaa.
Sauf qu'il y a un vrai problème au Liban, parce que certains tirent sur les oiseaux migrateurs sans aucune explication logique. Ils disent tout simplement qu'ils n'y peuvent rien et démentent le faire pour se défouler. Les cigognes abattues sont ensuite jetées, parce qu'elles ne sont pas comestibles.
Par ailleurs, des chasseurs capturent des cigognes vivantes pour les garder comme animaux de compagnie ou les revendre. Certains pensent que les cigognes sont comme les poules, qu'elles débarrasseront le jardin des vers ou des escargots. D'autres achètent des chouettes ou encore des pélicans et les gardent chez eux. Le Liban est une plaque tournante du trafic d'animaux, dont certains arrivent d'Iran, de Syrie ou d'Irak avant d'être revendus dans les pays du Golfe.
2. Quelles mesures ont été mises en place pour lutter contre ce fléau ?
Notre association effectue des tournées sur le terrain avec la police, mais les moyens de la troupe sont assez limités. Nous avons même été amenés à réparer un véhicule de police nous-mêmes pour pouvoir effectuer ce travail. Il n'y a pas assez de policiers pour nous accompagner, mais certains nous soutiennent au sein des institutions étatiques.
Lorsque nous repérons un ban d'oiseaux, nous le suivons en voiture pour essayer de le protéger des chasseurs. Certains ont été arrêtés, avant d'être rapidement relâchés à cause de pressions politiques. Notre action couvre les régions de Terbol, Hilane, Bousit, Beit Aoukar et Kfar Habou, toutes au Liban-Nord.
Nous travaillons également de pair avec l'ambassade de Pologne (la cigogne étant un oiseau très apprécié dans l'imaginaire polonais, ndlr) et l'IFAW (International Fund for Animal Welfare), le fonds international pour la protection des animaux.
Un Busard des roseaux (Circus aeruginosus) blessé, secouru par l'Association libanaise pour les oiseaux migrateurs. Photo fournie par Michel Sawan
3. Quel impact ces massacres ont-ils sur la population de cigognes ?
Les cigognes sont monogames et ne pondent que tous les 4 à 5 ans. Donc, lorsqu'on tue un des partenaires, on condamne l'autre à la mort aussi, ce qui veut dire qu'on aura tué une génération d'oiseaux. Beaucoup de femelles sont tuées et de nombreux oiseaux sont blessés par les chasseurs lorsqu'ils volent au-dessus du Liban.
Notre association reçoit et traite beaucoup d'oiseaux touchés, mais la plupart succombent à leurs blessures. Nous accueillons une centaine d'oiseaux à chaque saison migratoire.
Inutile de dire que nous avons une très mauvaise réputation à l'étranger et nous renvoyons une image négative du pays par le biais de ce genre d'actions.
On massacre bien des innocents alors pourquoi pas les animaux et tout ce qui y vit dans ce pays où plus rien n’a de valeur à part la mort et les destructions, pour joindre l’au delà où une vie meilleure les attends.
11 h 57, le 24 mars 2024