C’est le plus lourd bilan de civils tués au Liban depuis le début des hostilités entre le Hezbollah et Israël au Liban-Sud, le 8 octobre 2023. Le mercredi 14 février, 7 civils ont trouvé la mort dans un appartement de la ville de Nabatiyé, au sud, dans le district du même nom qui avait été peu visé jusque-là. Deux autres membres de la même famille, un père et son fils, ont été hospitalisés.
Trois combattants du Hezbollah, dont un responsable militaire, Ali el-Debs, se trouvaient au rez-de-chaussée de l’immeuble visé, dans la rue Marjeyoun, quartier el-Midane, et ont été tués par le même missile lancé sur le bâtiment à partir d’un drone. Ils étaient apparemment la cible de l’attentat.
La famille de Hussein Berjaoui, né en 1967, se trouvait au premier étage. En ce mercredi particulièrement sanglant, trois autres civils, une femme, son fils et son beau-fils, ont été tués dans une autre frappe israélienne sur le village de Sawaneh, Marjeyoun (Liban-Sud), ce qui porte le bilan total à dix civils en une journée.
A l’autre bout du fil, la voix de Salam Berjaoui, moukhtar (fonctionnaire local) de Nabatiyé, est triste et résignée. « Hussein était mon cousin. C’était un honnête homme, qui a élevé ses deux fils et deux filles de son commerce de pièces détachées de voitures, qu’il trouvait sur le marché local ou importait d’Allemagne ».
Ce qui explique le lourd bilan de la frappe, c’est que la famille était réunie pour un iftar, repas de rupture de jeûne, organisé à cette date à l’occasion d’une fête religieuse, et bien que le Ramadan n’ait pas encore commencé. Hussein était en compagnie de son épouse Amal Audeh, née en 1969, de sa fille Amani, trentenaire résidant avec ses parents, de son autre fille Zeinab venue avec son mari Ali Amer, du village de Saksakié (caza de Saïda), et leurs deux enfants Mahmoud et Hussein. La sœur de Hussein était également là, Fatmé Ahmad Berjaoui, avec sa fille Ghadir Abbas Tarhini. Les deux fils de Hussein, Moustapha et Ali, n’étaient pas présents avec leurs familles.
« C’est une hécatombe, on a retrouvé les corps au fur et à mesure lors de recherches qui ont duré toute la nuit », poursuit le moukhtar. Pour certains, il a fallu procéder à une analyse ADN pour les identifier, dit-il. Deux seulement, Ali Berjaoui et son fils cadet Hussein, ont été sortis vivants des décombres et hospitalisés. La photo du petit Hussein, le visage ensanglanté mais vivant, a également été très partagée.
Sur la toile, d’émouvants hommages ont été rendus aux victimes. « Amani, la fiancée de Nabatiyé, ma camarade sur les bancs de l’école, ma complice des fous rires durant les récréations. Une jeune femme polie et créative, que Dieu ait ton âme ! », écrit Malak Srour sur X. À L’Orient-Le Jour, Malak, résidant aux États-Unis et diplômée en psychologie criminelle, dit se souvenir d'« une jeune femme douce, discrète, sage ». À peine trentenaire, Amani était employée de la « Lebanese International University » (LIU) à Nabatiyé.
Une photo de sa sœur cadette de deux ans, Zeinab, avec ses fils, est également très partagée sur les réseaux sociaux. Une photo du petit Mahmoud circule aussi, avec un message de son village Saksakié qui déplore la perte du jeune garçon.
« Nous sommes habitués aux crimes d’Israël »
Même si toutes les informations, celles de notre correspondant au sud Mountasser Abdallah tout comme l’AFP, entre autres, font état de la présence des trois membres du Hezbollah dans le même immeuble, le moukhtar Salam Berjaoui assure qu’ « il n’y avait aucune cible militaire dans les parages, à ma connaissance ». « Hussein Berjaoui n’était affilié à aucun parti et n’a jamais été politisé », insiste-t-il.
Interrogé sur l’état d’esprit de la population après ce lourd bilan de civils, l’élu parle d'« une grande tristesse qui enveloppe Nabatiyé et le reste du Sud ». « Les habitants sont dégoûtés et profondément peinés, mais ils sont déterminés à rester chez eux », dit-il. « Après tout, les Israéliens nous ont habitués à ces actions criminelles, cela fait depuis 1948 qu’ils bombardent le sud », lance-t-il.
Des États-Unis où elle réside depuis ses années d’université, Malak Srour dit vivre intensément tous les événements au Liban, elle dont le frère a été blessé par l’explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020. Aujourd’hui, elle voit sa Nabatiyé bien-aimée ensanglantée. « En exil, nous ressentons les chocs au centuple », lâche-t-elle.
Si HB veut épargner la vie des civils innocents il doit cesser de les utiliser comme bouclier humain en gangrenant la quartiers résidentiels et en postant des chars et de des lance-missiles au pied de leur résidences. Il n’a rien à cirer des morts bien au contraire, il veut que l’opinion locale adhère à sa cause en s’apitoyant sur le sort de ces femmes et enfants qui meurent à cause de lui. Lui qui veut sauver un autre pays sur leur dos et sans leur approbation. Combien de citoyens approuvent la prise en otage du peuple pour en faire un bouclier derrière lequel il se cache?
12 h 58, le 16 février 2024