La journée de mercredi a été sanglante dans la ville de Nabatiyé, directement prise pour cible par Israël pour la deuxième fois depuis le début des hostilités entre le Hezbollah et Israël, le 8 octobre 2023. Après quatre raids violents dans des villages à proximité de Nabatiyé, une attaque a été menée en soirée sur un bâtiment résidentiel de la ville, tuant au moins sept membres d'une même famille et trois membres du Hezbollah qui se trouvaient dans l'immeuble, selon des informations obtenues par notre correspondant auprès de sources sécuritaires.
Le raid mené en soirée visait Ali Mohammad Debs, un responsable militaire au sein du parti chiite qui avait échappé à une première tentative d'assassinat, lorsque son véhicule avait été visé le 8 février, également à Nabatiyé.
Le Hezbollah a officiellement confirmé jeudi la mort de Debs, ainsi que de deux autres combattants, sans spécifier si c'était bien lui qui avait péri dans l'attaque contre l'immeuble résidentiel. Contactée par L'Orient-Le Jour, une porte-parole du parti chiite n'était pas disponible pour commenter.
Selon le média saoudien al-Hadath, Debs avait des liens avec l'armée de l'air iranienne et avait même participé à la construction de systèmes de défense aérienne fabriqués en Syrie.
« J'ai peur de perdre mon emploi »
La ville de Nabatiyé, qui compte près de 120.000 habitants, est l'une des plus grandes localités du Liban-Sud et le chef-lieu du caza et du mohafaza portant le même nom. Cette ville, qui abrite de nombreux commerces et établissements scolaires et universitaires, est un fief important pour le Hezbollah, qui y dispose d'une large base populaire. Les dernières violences survenues dans la région constituent une escalade dangereuse, Nabatiyé se situant à plus de 50 km de la région de Naqoura, à la frontière avec Israël, alors que les affrontements étaient plutôt concentrés dans la zone frontalière jusque-là.
Avec cette frappe, Israël semble déterminé à atteindre ses cibles, même si cela signifie qu'il faut frapper plus en profondeur, quitte à faire des victimes civiles. « L'attaque israélienne sur Nabatiyé est une réponse à une frappe menée mercredi par le Hezbollah contre la localité israélienne de Safed qui a touché le bataillon 91 de l'armée israélienne », explique à L'OLJ le général à la retraite Elias Hanna.
Une situation qui inquiète les habitants, une escalade plus grave risquant de déplacer des pans entiers de population, Nabatiyé étant beaucoup plus peuplée que les villages frontaliers évacués jusqu'à présent. « J'ai peur de perdre mon emploi d'enseignante si je quitte la ville », réagit Diana, une mère de famille de 30 ans. « Pour l'instant, je reste ici. Si la situation empire, on verra alors où se réfugier », confie-t-elle à L'OLJ. Iqbal, une autre habitante de la ville, est déterminée à rester chez elle. « J'ai très peur, mais je vais rester ici. Je pense qu'ils vont s'en tenir à des réponses calculées », indique-t-elle.
« Contraintes » américaines et iraniennes
Malgré le caractère inédit des frappes de Nabatiyé, le général Elias Hanna minimise l'impact de ces incidents et écarte toute possibilité de voir le conflit s'étendre à d'autres régions libanaises. « Il y a des contraintes mises en place par les Etats-Unis dans ce conflit. Les Israéliens ont une certaine marge de liberté mais ils ne peuvent pas aller très loin non plus », analyse cet ancien militaire.
Il en va de même, selon lui, en ce qui concerne le Hezbollah, qui se serait vu signifier par l'Iran de calmer le jeu. « La visite du chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian (la semaine dernière) au Liban, servait également à calmer la situation » du côté du front du Liban-Sud, ajoute-t-il.
Pour le général Hanna, les frappes de mercredi s'inscrivent dans le cadre d'une « escalade avant la désescalade ». « Avec tout ce qui se passe à Gaza, Israël ne peut pas élargir la guerre sur le front du Liban-Sud. Il mène donc une escalade calculée. Le Hezbollah, lui, lance des attaques préventives pour se prémunir face à Israël et dissuader l'Etat hébreu de s'en prendre à lui une fois qu'il en aura fini avec le Hamas », conclut-il.
"« J'ai très peur, mais je vais rester ici. Je pense qu'ils vont s'en tenir à des réponses calculées », indique-t-elle"... eh oui, chaque libanais et libanaise, sont devenus des devins, des stratèges et/ou des analystes de guerre et paix, faute de pouvoir déguerpir ce guêpier malsain qu'est devenu le pays de cendres anciennement pays du cèdre...
03 h 16, le 18 février 2024