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Économie - Politique monétaire

Les réserves de change de la Banque du Liban en hausse depuis l’arrivée de Manssouri

La BDL a arrêté d'employer le concept de « revenus de seigneuriage » largement utilisé avant que le premier vice-gouverneur n'en prenne les rênes.

Les réserves de change de la Banque du Liban en hausse depuis l’arrivée de Manssouri

L'agence de la Banque du Liban à Jounieh. Photo P.H.B.

Le 31 juillet dernier, le premier vice-gouverneur de la Banque du Liban, Wassim Manssouri, devenait gouverneur par intérim de l’institution, les autorités n’ayant pas pu s’entendre dans les temps pour désigner un successeur en bonne et due forme à Riad Salamé, en place depuis trente ans.

Depuis cette date, et sans que l’on puisse en déduire un quelconque lien de cause à effet, les réserves en devises du pays ont augmenté, passant de 8,573 milliards de dollars à 9,321 milliards au 31 décembre 2023. Soit 748 millions de dollars ajoutés en 5 mois dans le bas de laine du pays, à en croire le bilan intermédiaire de la BDL et ses annexes publiés ce jeudi.

Cela exclut l’or dont la valeur atteint près de 19,2 milliards de dollars, selon nos calculs en prenant les chiffres en livres libanaises fournis et le taux de change officiel de 15 000 LL pour un dollar en vigueur depuis le 1er février 2023. Ce niveau particulièrement élevé est porté par des cours mondiaux qui ont enchaîné les pics à la fin de l’année dernière, au-dessus de la barre des 2 000 dollars l’once.

Il exclut aussi les 5,03 milliards de dollars d’eurobonds sur lesquels le Liban a fait défaut en 2020 et qui en valent actuellement moins du dixième de leur valeur nominale. Selon le directeur du département de recherche de Bank Audi, Marwan Barakat, la valeur de ces titres d’une dette que le Liban n’a toujours pas restructurée est redescendue à 6 cents pour un dollar (ou 6 % de leur valeur). « Ils étaient légèrement remontés pendant l’été, atteignant 7,5 à 8 cents à un moment, mais la guerre à Gaza a mis fin à ce frémissement », explique-t-il. À noter qu’il s’agit des prix sur le marché secondaire, soit entre personnes qui détiennent ces titres.

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Le montant correspondant aux réserves de change est donc en hausse, malgré le contexte marqué par une crise persistante et les retombées de la guerre à Gaza, alors qu’il avait diminué lors des premiers mois du mandat du gouverneur par intérim au plus fort d’un été réussi pour le secteur touristique.

Pour le directeur du département de recherche de Byblos Bank, Nassib Ghobril, plusieurs facteurs expliquent cette hausse : 

• Il y a d’abord le fait que la BDL refuse, depuis l’arrivée du gouverneur par intérim, d’utiliser ses réserves pour financer l’État, un message martelé à plusieurs reprises par l’institution ;

• Vient ensuite le fait que la BDL place une partie de ces réserves à l’étranger où les taux d’intérêt ont été énormément relevés, notamment en Europe et aux États-Unis, dans un contexte inflationniste ;

• Avec l’effondrement consommé de la livre libanaise et la paralysie du secteur bancaire que l’absence de réforme a aggravée, l’économie s’est presque totalement dollarisée, tandis que les transferts vers le Liban ne se sont pas effondrés malgré la guerre ;

• Les entreprises vendent une partie de leurs dollars pour payer des impôts et taxes qui sont progressivement ajustés au taux de change du marché depuis fin 2022, après avoir été longuement bloqués à l’ancienne parité officielle de 1 507,5 LL pour un dollar, détruite par la crise qui s’est déclenchée en 2019.

Nassib Ghobril souligne en outre que, selon le bilan intermédiaire fourni, la quantité de livres libanaises en circulation atteint près de 58,1 mille milliards au 31 décembre, contre près de 80,2 mille milliard un an plus tôt, juste avant que le taux de change ne dévisse comme jamais pour passer de 40 000 LL à 140 000 LLL en l'espace de trois mois. Il s’est depuis replié aux environs de 90 000 LL et est resté plus ou moins stable depuis.

Enfin, il est aussi très probable que la BDL et les autorités aient d’une manière ou d’une autre réussi à contrôler les réseaux d’agents de change dans le pays, limitant ainsi la spéculation dans un écosystème économique et financier toujours en crise, dans lequel les banques ne prêtent toujours pas ou peu et qui peine à attirer suffisamment d’investissements.

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Si Wassim Manssouri a mis un point d’honneur à communiquer plus que son prédécesseur sur le montant des réserves, il a cependant arrêté de le faire en les décomposant comme il le faisait lors de ses premiers mois de mandat, en mettant en exergue le solde issu de la la différence entre les réserves utilisables et les engagements en cours – qu’il a un temps détaillé. « Il ne publie plus ces détails », constate Nassib Ghobril.

« On ne peut par exemple pas déduire en utilisant les données du bilan intérimaire s’il reste quelque chose de l’enveloppe de plus de 1,1 milliard de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) accordés par le Fonds monétaire international (FMI) et dont il ne restait plus grand-chose à fin septembre (ce que confirme le dernier bilan détaillé publié par Wassim Manssouri en 2023, NDLR) », ajoute-t-il.

À défaut de détailler son bilan, le gouverneur a cependant joint un communiqué dans lequel il expose plusieurs points visant à démontrer que la BDL a entrepris de renforcer la transparence de ses pratiques comptables.

• Il se réfère d’abord à un bulletin publié par la Banque des règlements internationaux (n° 68 du 7 février 2023) pour justifier la légitimité de sa méthodologie en matière d’enregistrement des pertes réalisées et non réalisées par les banques centrales. La BRI est la Banque centrale des banque centrales.

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• Il indique aussi qu'il a arrêté d’avoir recours au concept de « revenus de seigneuriage » largement utilisé par son prédécesseur pour mitiger les pertes sur les bilans de la BDL. Une décision prise le 20 décembre dernier par le conseil central de l’institution et qui implique que « tous les intérêts différés » sur les achats et les ventes d’obligations par la Banque centrale (on parle de Open Market Operations ou OMOs) sont désormais reportés dans une nouvelle ligne de compte intitulée « Deferred Open-Market Operations ».

• Enfin, la BDL affirme être en train de collaborer avec le FMI sur un projet d’évaluation des mesures de protection financière de l’institution (Safeguards assessments) répondant à une méthodologie instituée par le Fonds dès 2000. Comme écrit sur son site, l’objectif est « d'atténuer les risques d'utilisation abusive des ressources allouées par le Fonds et de déclaration erronée des données monétaires des programmes dans le cadre des accords conclut (avec lui) ». Ce projet a récemment été lancé, selon une source bien informée.

Le 31 juillet dernier, le premier vice-gouverneur de la Banque du Liban, Wassim Manssouri, devenait gouverneur par intérim de l’institution, les autorités n’ayant pas pu s’entendre dans les temps pour désigner un successeur en bonne et due forme à Riad Salamé, en place depuis trente ans.Depuis cette date, et sans que l’on puisse en déduire un quelconque lien de cause à effet, les...

commentaires (4)

Wassim Mansouri peut se targuer d’être meilleur gestionnaire que Riad Salemé. Attendons la suite. Pourvu qu’on laisse Wassim Mansouri faire son travail comme bon lui semble et qu’il écarte tous les zaïms qui veulent l’approcher, y compris les responsables de l’état libanais.

Mohamed Melhem

20 h 20, le 04 janvier 2024

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Commentaires (4)

  • Wassim Mansouri peut se targuer d’être meilleur gestionnaire que Riad Salemé. Attendons la suite. Pourvu qu’on laisse Wassim Mansouri faire son travail comme bon lui semble et qu’il écarte tous les zaïms qui veulent l’approcher, y compris les responsables de l’état libanais.

    Mohamed Melhem

    20 h 20, le 04 janvier 2024

  • Rendez nous notre pognon et ensuite continuez vos magouilles entre vous. Je peux citer des noms et des faits mais les modérateurs de l’OLJ vont le censurer car ce sont des trouillards

    Lecteur excédé par la censure

    19 h 07, le 04 janvier 2024

  • On s’en fout de tous ces bilans et toutes ces pratiques de macaques, ce qu’on veut, c’est notre pognon qu’on a confié aux banques qui en ont fait un usage défectueux. Dirigeants politiques, banquiers, politiciens hauts fonctionnaires= bande organisée de mafiosi qui travaillent en étroite collaboration pour voler l’argent des déposants.

    Lecteur excédé par la censure

    19 h 03, le 04 janvier 2024

  • Et si c'était, indépendamment du quota ( mesure ridicule s'il en est) le gouverneur idoine qu'il fallait pour le Liban..sauf si l'on venait à decouvrir qu'il avait malencontreusement oublié au fond de sa valise 90000€ ...

    C…

    15 h 22, le 04 janvier 2024

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