
Le premier vice-gouverneur de la BDL, Wassim Manssouri, lors d'une conférence de presse à Beyrouth, le 31 juillet 2023. REUTERS/Mohamed Azakir
Après de longues hésitations et de nombreuses rumeurs sur une éventuelle démission, le voilà enfin décidé à assumer « le lourd fardeau » de la succession de Riad Salamé, le gouverneur sortant de la banque centrale. Wassim Manssouri a accepté le « job » lundi, non sans avoir placé en amont, à l’occasion d’une conférence de presse, certaines conditions pour qu’il puisse mener à bien sa mission, notamment une couverture légale pour continuer de dépenser des réserves obligatoires et une coopération de la part de l’exécutif et du législatif pour pouvoir mettre en place le chantier de réformes nécessaire.
Jusqu’ici vaguement connu des Libanais, son nom est depuis quelques mois sur toutes les lèvres. Trônant à côté de celle de Riad Salamé, la signature de Wassim Manssouri est apposée sur les billets de livres libanaises imprimés après son accession au poste de premier vice-gouverneur de la Banque du Liban, le 10 juin 2020. Un poste auquel il avait été nommé par son cousin lointain, le président du Parlement Nabih Berry, pour deux raisons : son appartenance à la communauté chiite, critère obligatoire pour l’accession à cette position, et son profil de technocrate polyglotte. C’est d’ailleurs cette même appartenance communautaire et sa proximité de Nabih Berry qui ont fait longtemps planer de sérieux doutes sur l’hypothèse qu’il puisse succéder à M. Salamé, Nabih Berry ayant répété à l’envi qu’il ne souhaitait pas que la communauté chiite assume les conséquences d’une telle responsabilité dans un contexte aussi problématique sur le plan financier.
Dans les milieux de Aïn el-Tiné, on assurait à qui veut l’entendre qu’au moindre faux pas, c’est au moins la moitié de la République qui pointera du doigt le gouverneur « chiite ». Un argument qui ne convainc pas les sceptiques. « Ce n’est qu’un jeu de rôle entre Amal et le Hezbollah. Wassim Manssouri est l’homme de Berry. Le chef d’Amal est son parrain politique par excellence », assure un ancien collaborateur du vice-gouverneur, laissant entendre qu’il s’agit d’un bluff servant à camoufler la réalité. « Après le ministère des Finances, obtenu à l’arraché par la communauté chiite, c’est aujourd’hui la direction de la banque centrale qui va leur échoir », commente, anonymement, un ancien ministre chrétien.
Armé du Code de la monnaie et du crédit qui prévoit qu’en cas de vacance à la tête de la banque centrale, c’est le premier vice-gouverneur qui prend les rênes, Wassim Manssouri a fini par se plier aux desiderata de plusieurs formations politiques qui ne voyaient d’autre solution que celle de le voir prendre les rênes de la BDL, le temps qu’un président soit élu et qu’un nouveau gouvernement soit mis en place pour désigner un nouveau gouverneur. Fait inédit : Wassim Manssouri est ainsi devenu le premier gouverneur chiite de l’histoire du Liban.
« Un homme de l’ombre »
Mais qui est donc Wassim Manssouri, qui est apparu aujourd’hui pour la première fois au grand public pour annoncer son programme ? Ancien boursier du programme de mobilité doctorale de l’Agence universitaire de la francophonie au Liban, grâce auquel il a parachevé son doctorat à l’Université de Montpellier en France en droit public avec une spécialisation en droit constitutionnel, ancien directeur de la faculté francophone de droit à l’Université libanaise, où il enseigne toujours « de manière bénévole », et fondateur de son bureau d’études, Manssouri & Associates, spécialisé dans le droit des affaires, où il aurait « hâte » de reprendre ses activités, Wassim Manssouri est « l’un des meilleurs profils que Nabih Berry a réussi à mettre en avant », note sous le couvert de l’anonymat un avocat fiscaliste. Il incarne la figure du technocrate laïc dont a besoin le chef du Parlement pour redorer son image. « Je n’ai réalisé que j’étais chiite que lorsque j’ai été proposé au poste de vice-gouverneur », se plaît-il à dire à son entourage. Wassim Manssouri est surtout « un passionné de droit constitutionnel », une expertise qui en a fait le conseiller juridique du chef du Parlement dont il fut également l’avocat, ayant représenté à plusieurs occasions le mouvement Amal devant les tribunaux. C’est d’ailleurs ce que lui reprochent certains juristes et économistes qui se demandent comment son parcours de juriste pourrait l’habiliter à tirer les cordons de la bourse et prendre la tête de la BDL.
Pour sa défense, une source proche de la BDL indique qu’en tant que vice-gouverneur, il a principalement rempli un rôle de « régulation et de législation », tout comme les trois autres vice-gouverneurs d’ailleurs qui ne peuvent pas non plus se targuer d’avoir une formation en finance. Wassim Manssouri aurait néanmoins acquis ses connaissances dans ce secteur du temps où il a servi de conseiller à Ali Hassan Khalil. C’est lui qui a conduit tous les pourparlers au Liban avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. « C’est un expert en terrorisme financier, un homme de l’ombre, discret et très efficace », confie un juriste financier qui l’a côtoyé à quelques occasions.
« Depuis qu’il était sur les bancs de l’université, il rêvait de devenir ministre », raconte un étudiant qui l’a connu. « Ses rapports avec Ali Hassan Khalil étaient d’ailleurs liés à son souhait de prendre sa place », assure pour sa part un de ses anciens collègues. Pendant plus de sept ans, Wassim Manssouri fut le proche « conseiller » de Ali Hassan Khalil, ministre des Finances en 2014 dans le gouvernement de Tammam Salam jusqu’en décembre 2016, puis jusqu’en janvier 2020 sous Saad Hariri.
Rupture ou continuité ?
Mais c’est surtout la question de sa « proximité » avec Riad Salamé qui se posait avec acuité. Wassim Manssouri sera-t-il disposé à rompre avec cet héritage ? « Salamé l’a peut-être proposé pour lui succéder dans l’espoir qu’il sera clément avec lui une fois aux commandes », confie un ancien responsable de la BDL. « Personnellement, j’ai de bonnes relations avec lui. Professionnellement, nous avons beaucoup de désaccords », raconte pour sa part Wassim Manssouri devant ses visiteurs.
Il y a une dizaine de jours, M. Manssouri et les trois autres vice-gouverneurs se sont rendus au Parlement pour présenter leur programme à la commission de l’Administration et de la Justice et solliciter leur collaboration. « Il faut passer à une autre politique, qui est d’arrêter totalement de financer l’État », a martelé aujourd’hui M. Manssouri. Mais la classe politique, au premier rang de laquelle Nabih Berry, n’a, en principe, aucun intérêt à ce qu’il y ait une rupture avec la politique monétaire menée jusqu’à présent par Riad Salamé.
Que DIEU garde et protège Wassim Mansouri. Sa compétence n’a d’égale que son savoir faire et son honnêteté. Mieux, il faudrait que Nabil Berry le protège en se dégageant de lui, et non en le prenant sous son aile. Pas de zaïms à son entourage, il y’a des subordonnés responsables à qui s’adresser.
20 h 50, le 04 janvier 2024