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Économie - Décryptage

Comment lire les bilans de la Banque du Liban ? (I/II*)

Les bilans de la BDL contiennent des informations sur ses actifs, son passif et ses capitaux propres, et livrent ainsi un aperçu de sa rentabilité. Nos collègues de « L’Orient-Today » ont détaillé les informations que ces documents comptables présentent.

Comment lire les bilans de la Banque du Liban ? (I/II*)

Dernier bilan intermédiaire de la BDL. Source : Banque du Liban

Si vous n’êtes pas un analyste financier ou un économiste spécialiste des questions libanaises, il est probable que vous n’ayez jamais examiné la publication bimensuelle du bilan de la banque centrale du pays, la Banque du Liban (BDL).

Or, en dehors des déclarations occasionnelles faites par certains responsables devant les médias, ces documents comptables sont les seuls éléments accessibles au public qui permettent d’évaluer de manière tangible la santé financière de cette institution dans le contexte de grave crise que traverse le pays. L’Orient Today se penche sur ces déclarations pour expliquer ce qu’elles révèlent et, peut-être plus important encore, ce qu’elles peuvent cacher.

Que contiennent les bilans de la BDL ?

Les bilans de la BDL contiennent des informations sur ses actifs, son passif et ses capitaux propres, livrant ainsi un aperçu de sa rentabilité. Tout ce qui peut être détenu ou contrôlé par l’institution pour produire de la valeur est considéré comme un actif, tandis que le passif désigne ses engagements financiers (dettes envers les créanciers notamment). Les capitaux propres de la BDL (qui figurent dans la colonne du passif) représentent les biens qui appartiennent au domaine public, tels que le capital de la banque centrale.

Lire la deuxième partie de ce décryptage

Comment lire les bilans de la Banque du Liban ? (II/II*)

Un bilan doit toujours être équilibré et le terme de « bilan » est basé sur le fait que les actifs doivent à chaque fois être égaux au passif plus les capitaux propres.

Les composantes du bilan de la BDL sont rapportées en livres libanaises et les rentrées en dollars sont enregistrées en livres au taux de change officiel de 1 507,5 livres par rapport au dollar. Il est donc possible de déchiffrer ce document sans avoir à tenir compte des multiples taux de change qui sont apparus depuis le début de la crise.

Actifs : ce que la BDL affirme posséder

Les principaux avoirs de la banque se composent d’environ 286,6 tonnes de réserves d’or, d’actifs étrangers, d’un portefeuille de titres et de ce qu’elle décrit dans ses bilans comme « autres actifs ».

La première ligne de n’importe quel bilan de la BDL nous indique la valeur de l’or qu’elle détient – environ 17,58 milliards de dollars, selon le dernier bilan, ce qui en fait l’une des plus grandes réserves d’or de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Cependant, bien que la quantité des réserves d’or de la BDL reste inchangée – en 1986, les députés ont interdit la vente des ressources en or détenues par la banque centrale à moins que le Parlement n’adopte une loi à cet effet, ce qu’il n’a jamais fait –, la présence physique d’une grande partie de ces réserves n’a pas été publiquement vérifiée ces dernières années.

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Des états financiers audités et un rapport des auditeurs produits par Deloitte et Ernst & Young en 2018, vu par L’Orient Today, montrent que les auditeurs étaient incapables de procéder à un « inventaire physique » d’environ 60 % de l’or détenu par la banque, en raison de « limitations liées à une politique d’accessibilité complexe réservée exclusivement aux cadres supérieurs de la banque ». En effet, en décembre, des parlementaires ont déclaré que ces restrictions imposées aux auditeurs signifient qu’une partie importante des réserves d’or de la BDL n’a pas pu être comptabilisée depuis 1996.

Juste en dessous des réserves d’or se trouve la ligne du bilan la plus souvent mise en avant dans le débat public : les actifs étrangers de la BDL, soit les fameuses réserves de devises qui servent notamment à financer les mécanismes de subventions aux importations. Ces actifs se composent principalement de réserves de change en dollars, du portefeuille de prêts en devises accordés aux banques et des titres de dette en devises fortes émis par l’État (les eurobonds), qui totalisent actuellement 21,1 milliards de dollars. Or, sur ce total, 5,03 milliards de dollars ne sont pour l’instant pas recouvrables, dans la mesure où l’État a fait défaut sur le remboursement des eurobonds en mars 2020. Dans une perspective plus large, les actifs étrangers de la banque, évalués à 42 milliards de dollars début 2018, n’ont cessé de diminuer de bilan en bilan, chutant d’environ 539 millions de dollars rien qu’en mai dernier.

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De plus, le bilan ne fournit pas de chiffre précis concernant les réserves de change de la BDL, qui étaient évaluées à 15,8 milliards de dollars début avril, selon une déclaration du ministre des Finances sortant, Ghazi Wazni, à Reuters. Bien que L’Orient Today ait contacté à plusieurs reprises le bureau du gouverneur de la banque centrale pour des détails sur les réserves de l’institution, celui-ci n’a fourni aucune information concernant le montant des réserves de devises qu’elle détient ou sur la fraction de ces réserves que représentent les réserves obligatoires en dollars que les banques commerciales ont placées auprès d’elle pour couvrir 14 % des dépôts en devises qu’elles détiennent, conformément à ce qu’impose la réglementation.

La troisième ligne d’actifs montre la valeur du « portefeuille de titres » de la banque centrale qui, dans le cas de la BDL, se réfère principalement à sa détention de bons du Trésor – des prêts au gouvernement en livres. La valeur de ce portefeuille s’élève à 61 878 milliards de livres.

Les eurobonds sont sur une ligne différente, car ils sont en devises étrangères et donc enregistrés comme « actifs étrangers », alors que cette partie de la dette est en livres.

La quatrième ligne indique de son côté le montant des « prêts au secteur public », c’est-à-dire les prêts aux agences gouvernementales et aux entreprises publiques. Le fait que le montant inscrit sur cette ligne soit de 0 – une situation qui dure depuis juillet 2013 – ne veut pas dire que la banque centrale a cessé de prêter aux organismes publics, mais simplement que ces prêts sont très probablement enregistrés dans le « portefeuille de titres ».

La ligne suivante présente, elle, le total des « prêts au secteur financier local » – un actif représentant principalement la somme non réglée en livres que la BDL a prêtée aux banques commerciales, un élément-clé des opérations d’ingénierie financière controversées de la BDL. Cette ligne est évaluée à 21 140 milliards de livres.

La sixième est appelée « ajustements de valeur », qui reflète la variation de la valeur de l’or et des devises étrangères de la banque par rapport à leur prix d’achat traditionnel, conformément à l’article 115 du code de la monnaie et du crédit. Cette entrée affiche également 0 dans la section des actifs depuis 2011, mais elle a augmenté du côté du passif, atteignant environ 18 770 milliards de livres, et reflétant l’augmentation des prix de l’or sur le marché international au fil des ans.

Viennent ensuite, sur la ligne suivante, les « actifs provenant d’opérations de change d’instruments financiers » – une entrée qui décrit les transactions effectuées par la BDL pour préserver la parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar. Ces opérations étaient enregistrées dans le poste « autres actifs » jusqu’en novembre 2015, date à laquelle la BDL a séparé cette ligne dans sa comptabilité en deux sections. La ligne est stable à environ 18 000 milliards de livres depuis 2018. Cette dernière somme représente des pertes « résultant d’années de transactions financières déficitaires opérées par la BDL, visant à défendre (la parité officielle) », comme le décrivait le plan de redressement financier du gouvernement libanais adopté en avril 2020 en amont des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI).

L’avant-dernière ligne est pour le moins cryptique, avec un montant de 77 800 milliards de livres désignant une catégorie intitulée « autres actifs » de la BDL. Selon cette dernière, celle-ci inclut les « opérations d’open market » et le « seigneuriage » – les bénéfices réalisés par la banque centrale sur la différence entre la valeur d’un billet émis et le coût de son impression.

La réalité de ce chiffre et des actifs auxquels il se rapporte est pour le moins floue, une singularité relevée en août 2019 par l’agence de notation financière Fitch, qui avait jugé qu’elle « pourrait représenter en partie un solde comptable ». Plus direct, Andy Khalil, chercheur et commentateur économique, a, lui, affirmé à L’Orient Today que « ce compte représente les pertes enregistrées au bilan de la BDL ».

Enfin, la dernière ligne sur la colonne des actifs se rapporte aux immobilisations de la BDL – terrains, biens immobiliers, machines et équipements –, qui sont évaluées à environ 402 milliards de livres, selon le dernier bilan de la BDL.

Le total de l’ensemble de ces lignes est de 237 590 milliards de livres.

Passif : ce que la BDL affirme devoir

Le passif de la BDL comprend principalement des dépôts à la banque centrale et des livres imprimées en circulation en dehors de la banque centrale.

La première ligne de ce côté du bilan montre que la quantité de « livres physiques en circulation hors de la BDL » – un passif du bilan de la BDL – a été multipliée par plus de six depuis le début de l’été 2019, quand des brèches ont commencé à apparaître dans le secteur bancaire « résilient » du Liban. La monnaie en circulation est ainsi passée de quelque 5 900 milliards de livres en juin 2019 à environ 39 900 milliards de livres le 31 mai dernier.

« Ce montant a augmenté à un rythme accéléré, principalement en raison du différentiel entre le taux de change de la BDL de 3 900 livres pour un dollar sur les dépôts en dollars et l’ancrage officiel de 1 507,5 livres pour un dollar », explique Andy Khalil. À ce stade, la banque centrale devrait donc imprimer 2,6 fois plus de livres juste pour que les clients des banques libanaises puissent retirer leurs dépôts en dollars au taux de 3 900 livres – une possibilité qui leur est offerte depuis avril 2020 par la BDL, officiellement pour compenser en partie les restrictions bancaires qu’ils subissent depuis l’automne 2019.

La deuxième ligne du passif représente les « dépôts du secteur financier » à la BDL, soit un élément du passif dû aux banques commerciales, pour un total de 161 850 milliards de livres. Ces fonds représentent l’argent des déposants, en livres et en devises étrangères, que les banques placent à la banque centrale, bénéficiant souvent de taux d’intérêt élevés.

Juste en dessous figure la ligne regroupant les « dépôts du secteur public » à la BDL, un passif dû aux institutions publiques d’une valeur de 8 870 milliards de livres. Cette somme représente les dépôts du secteur public à la banque centrale, dont la plupart sont placés sous forme de dépôts à vue – de l’argent qui peut techniquement être retiré à tout moment, avec un intérêt faible ou nul. L’État utilise généralement ces dépôts à vue pour transférer des fonds entre le ministère des Finances et d’autres ministères et entités de l’État.

La quatrième ligne désigne un registre « d’ajustement de valeur » pour les passifs de la BDL, qui reflète les fluctuations de la valeur de l’or de la BDL au fil du temps par rapport à son prix d’achat. Pour des raisons juridiques, cela est enregistré comme sa propre ligne dans le passif de la BDL, pour un montant associé de 18 770 milliards de livres.

La ligne suivante, intitulée « autres passifs », est ni plus ni moins le pendant des « autres actifs » et comprendrait une partie des revenus de seigneuriage inutilisés et des charges à payer, pour un total atteignant actuellement 2 880 milliards de livres.

La dernière ligne du passif comprend pour sa part le capital de la BDL, qui représente la valeur comptable de la banque : actuellement, 5 350 milliards de livres.

Enfin, en bas du bilan, les totaux des passifs et des capitaux propres sont additionnés pour obtenir 237 590 milliards de livres, un montant qui est donc identique au total des actifs de BDL.

*Cet article est le premier volet d’un décryptage qui en compte deux. Le second volet sera publié dans notre édition de lundi. Il a été initialement publié en anglais par « L’Orient Today » le 7 juin 2021 et a été mis à jour avant publication.



Si vous n’êtes pas un analyste financier ou un économiste spécialiste des questions libanaises, il est probable que vous n’ayez jamais examiné la publication bimensuelle du bilan de la banque centrale du pays, la Banque du Liban (BDL). Or, en dehors des déclarations occasionnelles faites par certains responsables devant les médias, ces documents comptables sont les seuls éléments...

commentaires (4)

DES BILANS DOUTEUX. D,APRES RIAD SALAME KELLO 3ALA MA YOURAM. PAS DE PROBLEME. DES CHIFFRES PLEINS L,ASSIETTE MAIS PAS D,ELEMENTS. DES POLICHINELLES.

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 10, le 28 juin 2021

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Commentaires (4)

  • DES BILANS DOUTEUX. D,APRES RIAD SALAME KELLO 3ALA MA YOURAM. PAS DE PROBLEME. DES CHIFFRES PLEINS L,ASSIETTE MAIS PAS D,ELEMENTS. DES POLICHINELLES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 10, le 28 juin 2021

  • On ne parle plus de l'audit de la BDL!? Quid?

    Andree R

    11 h 09, le 28 juin 2021

  • J'avais cru comprendre que le stock d'or ne se trouvait pas au Liban mais a Fort Knox aux USA. Des lors l'inventaire est donne par les autorites americaines? pouvez-vous confirmer?

    Ventre-saint-gris

    10 h 22, le 28 juin 2021

  • En résumé, une gestion catastrophique de la BdL, UN GRAND DOUTE SUR L’OR en l’absence d’inventaire physique (POURQUOI ???) et 42 milliards de dollars évaporés depuis 2018. 3 preuves suffisantes pour inculper Riad Salameh de gestion douteuse (terme poli qui veut dire autre chose mais je ne veux pas risquer d’être censuré). De plus, un simple coup d’œil sur le train de vie de tous les politiciens prouve qu’il est disproportionné par rapport à leur patrimoine déclaré. Les dirigeants politiques ont pillé les richesses de l’Etat avec la complicité du gouverneur de la BdL qui en a certainement largement profité. Les justices suisse et française vont très bientôt le prouver

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 08, le 28 juin 2021

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