
"Le droit ne meurt pas pour qui le réclame", écrit sur une image de la structure du restaurant Palms the Legend en cours de démantèlement à Nahr el-Kalb, dans cette photo diffusée le 24 septembre 2023 par Terre Liban. Photo Facebook/TerreLiban
Victoire pour les uns, promesse de revanche pour les autres. La structure du restaurant Palms the Legend placée sur le fleuve Nahr el-Kalb, dans le Mont-Liban, et qui a suscité la polémique tout l'été pour des questions de permis et d'impact environnemental, a commencé à être démantelée dimanche soir. Une information confirmée à L'Orient-Le Jour aussi bien par l'association environnementale Terre Liban que par les gérants du complexe... mais pour des raisons bien différentes.
Terre Liban l'assure : le démantèlement de la structure est une application d'une décision émise en août par Ghada Aoun, procureure générale près la cour d'appel du Mont-Liban, qui avait accordé à Palms the Legend un délai fixé au 23 septembre pour retirer sa structure. Réponse cinglante de Nathalie Rahal, l'une des partenaires du consortium possédant le restaurant : « C'est la procédure normale de fin de saison. Notre autorisation dure de juin à septembre, comme tous les étés. » Le bois et les échafaudages se démontent certes petit à petit, mais la controverse persiste.
Le site de Nahr el-Kalb se trouve au cœur d'une vallée où des stèles commémoratives et autres monuments ont été installés au cours des siècles. Depuis 2019, le Liban demande à l'ONU de l'inscrire sur sa liste du patrimoine mondial. Quant à l'infrastructure qui fait débat, elle consiste en une plateforme mobile en bois installée sur le lit asséché de la rivière, utilisée pour des événements.
« Il y aura des conséquences »
Dimanche, à 23h, Terre Liban publie sur son compte Facebook : « Parce que la vérité gagne toujours, voici une photo en direct montrant l'application de la décision de justice demandant à retirer la violation débutée en juin dernier par Casino Nahr el-Kalb », la société propriétaire de Palms the Legend. Sur l'image, des structures métalliques vides s'enchevêtrent devant ce qui apparaît comme un pont ancien, typique de la vallée.
Parallèlement, le compte Instagram de Palms the Legend multiplie les vidéos. Feux d'artifice, confettis, danseuses virevoltant dans les airs... Un homme grimé en drapeau du Liban s'agite dans les airs, cerclé par une roue de feux jaillissant dans toutes les directions. « Ça, c'était notre soirée de clôture de la saison estivale, le 23 septembre. On a commencé à démanteler le 24, comme prévu », réagit Nathalie Rahal. Celle qui participe à l'organisation de soirées au Palms depuis 2022 n'en démord pas : le démantèlement n'est pas la conséquence d'une quelconque décision de justice, mais une « procédure normale ».
De surcroît, elle dénonce une « cabale médiatique » qui n'est pas sans effet sur les recettes de cette saison touristique. « Nous avons eu des soirées où 500 personnes avaient réservé, et un peu moins sont venues à cause de tout ça. Mais nous avons pu finir la saison normalement », poursuit Mme Rahal. Avant de promettre que cette histoire « aura des conséquences » au niveau judiciaire, sans plus de détails. Une réunion s'est tenue lundi après-midi en ce sens, mais aucune décision n'a été communiquée pour l'instant... Affaire à suivre.
Point à la ligne ?
Pour le fondateur de Terre Liban, Paul Abi Rached, en revanche, la raison du démantèlement est tout autre. « Ils ont été forcés de le faire. Les FSI (Forces de sécurité intérieure) m'ont appelé ce matin et ont envoyé des inspecteurs là-bas, pour contrôler l'application de la décision. Ces gens ne font qu'appliquer l'ordre de Ghada Aoun, point à la ligne ! », lâche-t-il au téléphone. « Leurs soirées étaient programmées jusqu'au 1er octobre, ils l'ont mis sur tous leurs réseaux. Ils se moquent de nous ! »
Et l'activiste de continuer : « Ce démantèlement est une victoire, car l'impact environnemental d'une semaine supplémentaire d'activité aurait été énorme. » De son point de vue, le résumé de l'affaire est simple. « Le projet de Palms est illégal. Ils se réclament d'un décret datant de l'an 2000 qui ne les concerne même pas. » Paul Abi Rached va même plus loin et fustige « une erreur » du ministère de l'Environnement, qui a conduit une étude d'impact sur le lieu. « Ils n'auraient même pas dû la faire. C'est illégal, c'est tout », tranche-t-il en rappelant que le site de Nahr el-Kalb « est sacré » et renferme des richesses archéologiques millénaires.
Contactées, les FSI ont indiqué « ne pas disposer d'informations » sur cette affaire, et n'ont pas confirmé la visite d'inspection évoquée par le fondateur de Terre Liban. De son côté, Nathalie Rahal s'exclame : « C'est catastrophique que le Liban en soit arrivé à ce niveau de matraquage et d'acharnement ! On est là depuis 65 ans, on a toutes les autorisations nécessaires... Vraiment, je ne comprends pas », répète-t-elle.
La procureure Ghada Aoun s'est brièvement invitée dans la polémique, se contentant d'un message sur X samedi. « Je rappelle que le dernier délai accordé au projet Palms, sur base de la demande du procureur, est fixée au 23 septembre sans délai supplémentaire. Stop aux mensonges et à l'instrumentalisation. » Pas sûr que cette injonction fasse pour autant taire les divergences, ni le feuilleton judiciaire.
commentaires (4)
Qu’en est il du projet du siège du CPL dans le même coin? Est ce, parce que ça lui faisait de l’ombre que Ghada Aoun a été obligé d’intervenir sous prétexte de protéger notre patrimoine? Pourquoi plus personne ne parle du projet?
Sissi zayyat
13 h 36, le 08 novembre 2023