La présidentielle, toute la présidentielle, rien que la présidentielle. C’est le message que Jean-Yves Le Drian, envoyé spécial d’Emmanuel Macron pour le Liban, a matraqué à ses interlocuteurs locaux jeudi, au terme de sa deuxième visite. Alors que le processus électoral est complètement paralysé neuf mois après le départ de Michel Aoun, l’ancien ministre français des Affaires étrangères a proposé une nouvelle approche aux principaux chefs de partis.
Le communiqué officiel évoque “une rencontre” en septembre dont “l’objectif est de créer un climat de confiance et de permettre au Parlement de se réunir dans la foulée avec les conditions favorables à la tenue d’un scrutin ouvert”. “L’idée est de recréer une dynamique entre des acteurs qui ne se parlent plus”, résume un diplomate français qui a requis l’anonymat. Les différents blocs parlementaires sont ainsi invités à discuter du profil et des priorités du futur chef de l’État avant de s’entendre sur un nom qui pourrait faire consensus.
"Ouverture constructive"
Le communiqué officiel note “l’ouverture constructive de tous ses interlocuteurs vis-à-vis de cette approche concrète”. “Globalement la démarche a été accueillie de façon positive”, dit le diplomate français. De quoi nourrir l’optimisme de Paris sur cet épineux dossier. Cette nouvelle approche peut-elle changer la donne ? Compte tenu de la défiance qui règne entre les principaux acteurs et les nombreux échecs des initiatives diplomatiques par le passé, il y a de quoi être sceptique.
Mais Jean-Yves Le Drian a prévenu : les partenaires internationaux sont “exaspérés” par le Liban et certains d’entre eux agitent la menace des sanctions si cette initiative est à nouveau obstruée. “C’est une menace qui semble faire réfléchir certains acteurs”, veut croire le diplomate français.
Plus tôt dans la journée, M. Le Drian s'est concerté avec le chef du groupe parlementaire du Hezbollah Mohammad Raad, mais aucun détail concernant la teneur de leur réunion n'a filtré. Il s'est par la suite entretenu avec le chef du parti arménien Tachnag, le député Hagop Pakradounian. Aucun communiqué n'a été publié à l'issue de cet entretien non plus.
Arrivé mardi après-midi à Beyrouth, Jean-Yves Le Drian avait notamment rencontré le président de la Chambre Nabih Berry, le chef des Forces libanaises Samir Geagea, le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, le chef du Parti socialiste progressiste Taymour Joumblatt, le chef du parti Kataëb Samy Gemayel et le député de l’opposition Michel Moawad. M. Le Drian s'est à nouveau réuni jeudi après-midi avec le président Berry. Ce dernier, cité par les médias, a de nouveau fait état d'une "percée" dans le dossier.
Son second déplacement intervient neuf jours seulement après la dernière réunion des représentants des cinq pays (France, États-Unis, Arabie saoudite, Égypte, Qatar) à Doha, le 17 juillet. Le communiqué publié à l’issue de cette réunion ne faisait aucune mention d’un dialogue interlibanais élargi, pour faciliter l’élection d'un nouveau président de la République, une proposition française rejetée par les quatre autres membres du groupe. M. Le Drian plaide désormais pour des concertations exclusivement axées sur le futur chef de l’État, son profil et son programme.
Alors que le tandem chiite Amal-Hezbollah s’attache à la candidature du chef des Marada Sleiman Frangié pour la présidentielle, la majorité des chrétiens ainsi que le reste de l’opposition appuient la candidature du haut cadre du Fonds monétaire international Jihad Azour. Paris avait proposé dans un premier temps un troc entre la présidence de la République qui irait à Sleiman Frangié, et le poste de Premier ministre qui reviendrait au candidat du camp adverse, le juge et diplomate Nawaf Salam. Cette proposition s’est heurtée au refus d’une partie des acteurs locaux, mais aussi des partenaires internationaux de la France.
Monsieur Le Drian, ne perdez pas votre temps avec tous ces guignols de politiciens libanais. Laissez les se débrouiller seuls, ils trouveront une solution dès que les intérêts économiques et financiers des uns et des autres convergeront. Ça a été le cas pour le fameux compromis présidentiel de 2016, Hariri et Bassil se sont partagé le gâteau en laissant Berri sur la touche (ce qui a provoqué sa bouderie) et Geagea s’est fait avoir dans tous les domaines. Le jour où il y aura à nouveau du pognon à voler, ils trouveront une solution miraculeuse
16 h 13, le 28 juillet 2023