
Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, au siège de son parti à Saïfi, le 10 mars 2023. Mohammad Yassine/L’Orient-Le Jour
Dimanche, à 20 heures, des coups de feu sont tirés en l’air à proximité du siège du parti Kataëb à Saïfi. Certes, ce n’est pas la première fois que le quartier général de ce parti, qui se veut le fer de lance de l’opposition au Hezbollah, est la cible de ce genre d’actes. Un incident similaire avait en effet eu lieu en mars 2020. Et cette fois-ci, les tirs surviennent quelque temps après la campagne de diffamation dont avait fait l’objet le chef du parti, Samy Gemayel, en réaction à ses critiques contre la décision du Hezbollah d’ériger le Liban-Sud en front de soutien à Gaza. L’incident s’est aussi produit dans un contexte de bras de fer autour de la présidentielle opposant le camp du parti chiite (qui appuie la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié) à celui de l’opposition (qui soutient l’ancien ministre des Finances Jihad Azour). Ce contexte tendu pousse les Kataëb à voir dans ces tirs une nouvelle tentative d’intimider aussi bien le parti que l’opposition dans son ensemble.
Dans les faits, des hommes armés à bord d’une Chevrolet Camaro ont tiré en l’air à proximité du siège central des Kataëb dimanche soir, sans faire de victime ni causer de dégâts matériels, raconte à L’Orient-Le Jour Patrick Richa, porte-parole du parti. Selon lui, seuls les éléments chargés de la sécurité du bâtiment étaient présents sur les lieux au moment de l’incident. « Mais ce qui s’est passé ne nous empêchera pas de continuer à nous rendre normalement dans nos bureaux », dit-il, faisant valoir que la direction du parti a déjà reçu plusieurs mises en garde d’ordre sécuritaire. Un point que Samy Gemayel a évoqué à plusieurs reprises, soulignant que cela l’avait poussé à réduire ses déplacements et demeurer dans son bastion de Bikfaya.
À la question de savoir à qui le parti impute la responsabilité, Patrick Richa ne répond pas directement, préférant attendre les résultats de l’enquête en cours. « Nous n’accusons personne. Mais tout le monde sait qui porte des armes aujourd’hui », lance-t-il en allusion au Hezbollah. « Il paraît que la voix des Kataëb dérange ceux qui ne veulent pas d’un pays souverain », ajoute-t-il. C’est dans le même cadre que s’inscrit la réaction officielle des Kataëb à l’incident. « Certains cherchent encore à museler les voix qui refusent d’être assujetties », a dénoncé le parti dans un communiqué à l’issue d’une réunion de son bureau politique. « Les Kataëb resteront le fer de lance de la lutte contre les tentatives d’hypothéquer le pays, d’exercer une mainmise sur ses institutions et de décider du sort des Libanais », poursuit le texte.
Gare au chaos sécuritaire
L’affaire a suscité un tollé dans les milieux anti-Hezbollah. Le Parti socialiste progressiste de Taymour Joumblatt a été l’un des premiers à condamner l’incident, appelant la police à « en élucider les circonstances et traduire les auteurs en justice afin d’éviter que ce genre d’incident ne mène le pays à un grand danger sécuritaire », comme on peut lire dans un communiqué publié lundi par le parti.
« Nous connaissons la marge de manœuvre de Walid Joumblatt et ses calculs minutieux », commente Salim Sayegh, député Kataëb. « Taymour Joumblatt fait une bonne interprétation des événements et comprend que l’incident ayant visé le siège des Kataëb porte un message politique et pourrait entraîner le pays vers de plus grands dangers », ajoute-t-il.
Le bloc parlementaire du Renouveau (Michel Moawad, Adib Abdel Massih, Achraf Rifi et Fouad Makhzoumi) a de son côté appelé les forces de l’ordre « à lever le voile sur les circonstances de l’attaque afin de préserver la stabilité et la sécurité durant cette période critique », comme on peut lire dans un communiqué publié lundi par le groupe.
Même son de cloche chez les Forces libanaises qui ont exprimé leur solidarité avec les Kataëb. Dans un communiqué, le parti a estimé que ce genre d’actes vise à « faire en sorte que le Liban reste un lieu de chaos incontrôlable », soulignant que l’incident « est porteur d’un message politique ». « Nous craignons une dégradation de la situation sécuritaire à la lumière de tels incidents », met en garde Ghassan Hasbani, député FL, appelant les forces de l’ordre à contrôler la prolifération des armes.
On se croirait en avril 1975...
14 h 57, le 21 mai 2024