
L'ancien ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, est arrivé mercredi pour une visite de trois jours à Beyrouth. Photo d'archives AFP
Rebondissement en vue dans le feuilleton présidentiel ? Jean-Yves Le Drian, envoyé spécial pour le Liban du président français Emmanuel Macron, a atterri mercredi après-midi à Beyrouth. Il a été chargé par Paris il y a deux semaines de trouver une issue à l’impasse politique, le Liban étant sans président depuis près de huit mois, faute de consensus. M. Le Drian entamera sa tournée après des différents acteurs une semaine après la douzième séance électorale tenue au Parlement, qui s’est conclue sur un match (quasi) nul entre les deux candidats, Jihad Azour, soutenu par l’opposition et le Courant patriotique libre, et Sleiman Frangié, favori du tandem Amal-Hezbollah. Sa visite suit également l’entretien de vendredi entre M. Macron et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane à Paris, lors duquel le dossier libanais a été abordé.
Un mini-Paris ?
Le diplomate, un poids lourd de la politique en France, ne devrait cependant pas porter dans sa valise un plan de solution au casse-tête présidentiel. Du moins pas lors de ce séjour. « Jean-Yves Le Drian sera au Liban pour écouter les différents acteurs plutôt que parler lui-même… C’est une visite exploratoire », analyse le politologue Karim Bitar.
Il devrait commencer ses entretiens mercredi avec le président de la Chambre Nabih Berry, mais des rencontres sont prévues par la suite avec une longue liste de responsables. Il va se concerter, entre autres, avec le patriarche maronite Béchara Raï, le Premier ministre sortant Nagib Mikati, les chefs des principaux partis chrétiens ainsi que des représentants de la contestation et du Hezbollah. Une étape est également prévue à Yarzé, pour une réunion avec le chef de l’armée, Joseph Aoun. Selon nos informations, l’ancien ministre des Affaires étrangères réunira en outre, vendredi à la Résidence des Pins, les ambassadeurs d’Arabie saoudite, du Qatar, de l’Égypte, de la France et des États-Unis, les cinq pays ayant participé à la réunion de Paris sur le Liban le 6 février dernier.
À l’issue de cette première mission, il doit rédiger un rapport au président Macron lui présentant les points de vue des différents protagonistes et les issues potentielles à la crise. Selon une source diplomatique française, un nouveau déplacement au Liban est prévu au cours de l’été.
Jean-Yves Le Drian entre donc en scène une semaine après la séance électorale du 14 juin, la douzième depuis le début de l’échéance. À l’issue du vote, Jihad Azour a obtenu 59 voix contre 51 à Sleiman Frangié. L’opposition n’a donc pas réussi à éliminer (symboliquement) le zaïm de Zghorta, son score ayant dépassé toutes les attentes, tandis que celui M. Azour n’a pas atteint les 65 voix nécessaires pour une élection au second tour. Un « pat » qui confirme que l’élection d’un président ne pourra vraisemblablement pas se faire sans une entente élargie. C’est dans cette optique que les Français avaient proposé un troc entre la présidence de la République, qui reviendrait à Sleiman Frangié, et le poste de Premier ministre qui irait à une figure choisie par l’opposition, telle que le juge à la Cour internationale de justice Nawaf Salam. « Jean-Yves Le Drian connaît bien le Liban et va essayer de jauger si la position française est toujours viable. Si ce n’est pas le cas, il faudra que la France formule une alternative », suppute M. Bitar.
Dîner de Boukhari
La proposition française se heurte en effet à l’opposition des Forces libanaises et du Courant patriotique libre, qui privent M. Frangié de la précieuse légitimé chrétienne. Mais c’est aussi et surtout la froideur de Riyad, un acteur incontournable alors que le Liban a plus que jamais besoin d’un financement saoudien pour sortir de sa crise, qui complique la tâche aux Français. Le royaume, qui adopte une politique officiellement neutre dans ce dossier, ne semble pas très enthousiaste – du moins jusqu’ici – à faire une concession au Hezbollah, malgré les efforts de Paris pour fléchir cette position. Lors du sommet vendredi entre MBS et Emmanuel Macron, le Liban a été le seul pays mentionné dans le communiqué final. « La France et l’Arabie saoudite ont rappelé la nécessité de mettre rapidement un terme à la vacance politique institutionnelle au Liban », peut-on lire dans le texte qui qualifie cette impasse d’« obstacle majeur à une résolution de la sévère crise socio-économique ».
Si certains estiment que la France semble prête à tourner la page de Sleiman Frangié, d’autres considèrent que Paris voit toujours que le chef des Marada est celui qui a le plus de chances d’être élu dans le cadre d’un compromis national, en misant sur la normalisation entre l’Arabie saoudite et Téhéran. L’ambassadeur saoudien Walid Boukhari prévoit dans ce contexte de tenir un dîner jeudi en présence de ses homologues arabes, européens, mais aussi… iranien. Cette première rencontre entre Mojtaba Amani et Walid Boukhari paraissait impossible il y a quelques semaines. Ne jamais dire jamais ?
Ce qui est surprenant c'est que tout le monde, y compris les Francais et les Saoudiens, etudient quelles concessions faire au Hezb pour permettre l'election. Non messieurs. Le probleme c'est quelles concessions le Hezb devrait faire, et pas le contraire.
18 h 27, le 22 juin 2023