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Politique - Analyse

Mais que veulent donc les Forces libanaises ?

Les récents choix du parti de Samir Geagea sèment la confusion dans les rangs d’une opposition hétérogène.

Mais que veulent donc les Forces libanaises ?

Le groupe parlementaire des FL lors des consultations parlementaires contraignantes à Baabda, le 23 juin 2022. Photo Nabil Ismaïl

« Nous voulons venir à bout du mandat de Michel Aoun. » C’est ainsi qu’un proche conseiller de Samir Geagea tente de justifier pour L’Orient-Le Jour la surprise créée par les Forces libanaises à la veille des consultations parlementaires contraignantes. Contrairement aux attentes, le parti de Samir Geagea n’a pas voulu donner, comme en 2019 et 2020, un appui essentiel à la candidature de Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban aux Nations unies et juge à la Cour internationale de justice, soutenu par l’opposition et la contestation. Il a, en revanche, opté pour le vote blanc, accentuant un peu plus les divisions dans les rangs des protagonistes hostiles au Hezbollah. Pire encore : les arguments du directoire et des parlementaires du parti ne semblent pas convaincants. Pourquoi les FL n’ont-ils pas souhaité mener cette bataille ? Quels sont donc les véritables motifs de leur décision ?

Ces questions sont sur toutes les lèvres depuis le 16 mai dernier. Au lendemain des législatives, le chef des FL a en effet défini ses priorités en appelant à la formation d’un gouvernement de majorité. L’objectif ? Tenter de refléter les résultats des législatives au sein du gouvernement. Un peu plus tard, il a plaidé pour une unification des opposants au Hezbollah et à son allié chrétien, le Courant patriotique libre. Sauf que les FL ont opté pour des choix qui ont creusé davantage le fossé entre les composantes d’une opposition hétérogène. Cela s’est fait sentir au moment de la nomination du Premier ministre.

Décryptage

Les deux grands blocs chrétiens : des positions opposées, mais un même résultat

Dans une volonté manifeste d’éviter une défaite semblable à celle subie lors de l’élection du vice-président de la Chambre, divers partis et députés relevant de l’opposition politique et les treize représentants de la contestation se sont lancés dans une dynamique visant à s’unir derrière un même candidat, à savoir Nawaf Salam. Un député impliqué dans ces contacts confie à L’Orient-Le Jour que plusieurs de ses collègues députés ont fini par appuyer cette option. « Même les FL ont émis des signes de potentiel soutien, dans un souci de préserver l’unité des opposants. Mais tout a changé lorsque certains parlementaires de la thaoura ont changé d’avis », déplore-t-il. C’est d’ailleurs cet argument qu’un responsable FL présente pour justifier le refus de voter Salam jeudi à Baabda. « Nous avons œuvré pour l’unification de l’opposition. Mais cet objectif n’a pas été atteint », dit-il à L’OLJ.

Il n’en demeure pas moins que les Kataëb, le Parti socialiste progressiste ainsi que dix des treize députés de la contestation et des indépendants comme Michel Moawad (Zghorta) ont soutenu Nawaf Salam. Pourquoi les FL n’ont-elles pas surfé sur cette vague ? « Parce que M. Salam ne se rend que rarement au Liban (…) », a justifié Samir Geagea, lors d’un point de presse tenu mercredi à Meerab. Ce même Nawaf Salam avait pourtant séduit les FL, qui l’avaient nommé à deux reprises pour former un cabinet, en décembre 2019 puis en août 2020. Ces derniers jours, une vidéo de la déclaration prononcée par Georges Adwan, député FL du Chouf, à cette date, a fait le buzz sur les réseaux sociaux. On y voit le numéro deux du parti faire l’éloge de Nawaf Salam et louer son indépendance politique et son parcours diplomatique. Comment expliquer ce changement de position, alors que l’ancien diplomate pouvait, pour la première fois, espérer être nommé ?

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Le plus dur (re)commence pour Mikati

« Il n’y a pas eu de contact entre M. Salam et le parti », déplore un parlementaire FL, rappelant que son parti est doté du plus grand bloc parlementaire à la Chambre. Des propos qui pourraient être interprétés comme un reproche à M. Salam de ne pas être entré en contact avec Samir Geagea. Si Meerab reconnaît que l’ancien ambassadeur du Liban à l’ONU est « plus proche de (ses) orientations que le Premier ministre désigné Nagib Mikati, les FL paraissent convaincues de l’impossibilité pour le juge international de remporter le duel et former un gouvernement. C’est pour cela que nous n’avons pas voté pour lui, ni nommé un autre candidat », affirme un député sous couvert d’anonymat.

À tout cela s’ajoute un facteur important : l’Arabie saoudite, dont Samir Geagea est le principal allié sur la scène locale, n’a déployé aucun effort pour soutenir la candidature de Nawaf Salam. Riyad a préféré rester à l’écart, considérant que « la véritable bataille sera celle de la présidentielle », dit un opposant rejoignant ainsi la rhétorique FL sur ce plan.

Le duel « présidentiel » Geagea-Bassil

Plus que le royaume ou les reproches adressés à Nawaf Salam, le choix de Samir Geagea semble avoir été dicté par sa rivalité avec Gebran Bassil. Car en privant Nawaf Salam de son appui, Samir Geagea a retiré le diplomate de la compétition face à Nagib Mikati. Une démarche dont a largement profité le milliardaire tripolitain qui s’est trouvé ainsi libéré du soutien de Gebran Bassil. Ce dernier avait conditionné son appui à la mise en place d’un cabinet politique et le limogeage du gouverneur de la BDL, Riad Salamé, devenu persona non grata pour le camp de la présidence. « En ne nommant personne, nous avons libéré M. Mikati du joug de Gebran Bassil, car nous voulons en finir avec le mandat Aoun », déclare sans ambages un député FL. « Il était question d’une sorte de troc conclu dans les coulisses entre M. Mikati et le CPL, selon lequel le Premier ministre bénéficierait de quelques voix aounistes. En échange, le courant aouniste obtiendrait quelques portefeuilles bien définis au sein de la future équipe. Nous avons donc fait barrage à la mise en application d’un tel accord », confie-t-il encore.

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À Baabda, les consultations de toutes les contradictions

Comprendre : Samir Geagea cherche surtout à assiéger Gebran Bassil à quelques mois seulement de l’expiration du sexennat de Michel Aoun, fin octobre. Les calculs sur la présidentielle battent donc leur plein. « Samir Geagea est conscient qu’il ne sera pas élu à la présidence de la République. Mais il veut s’affirmer comme l’homme fort des chrétiens, et faire le contrepoids à M. Bassil », croit savoir une personnalité de l’ex-14-Mars.

Là encore, la stratégie des FL interroge. Car le parti ne compte pas prendre part au prochain cabinet laissant ainsi une nouvelle fois le champ libre à Gebran Bassil pour occuper la quasi-totalité de « l’espace chrétien ». En cas de vacance présidentielle, le prochain cabinet pourrait exercer les prérogatives du locataire de Baabda. Dans un tel scénario, M. Bassil pourrait mener une bataille acharnée pour monopoliser la représentation chrétienne au sein du gouvernement. « Tel ne sera pas nécessairement le cas, parce que tout le monde sait que Mikati ne va pas former un gouvernement avant la fin du mandat », croit savoir un parlementaire FL. Il est rejoint par un député Kataëb. « Tout le monde a le regard rivé sur la présidentielle », souligne-t-il. « Le véritable défi, c’est de tenter d’unifier les opposants autour d’un présidentiable », ajoute-t-il. Mais l’unité se construit. Elle ne se décrète pas. Samir Geagea pourrait bien l’apprendre à ses dépens.

« Nous voulons venir à bout du mandat de Michel Aoun. » C’est ainsi qu’un proche conseiller de Samir Geagea tente de justifier pour L’Orient-Le Jour la surprise créée par les Forces libanaises à la veille des consultations parlementaires contraignantes. Contrairement aux attentes, le parti de Samir Geagea n’a pas voulu donner, comme en 2019 et 2020, un appui essentiel à...

commentaires (15)

C'est pas le moment de faire des caprices Mr Geagea. Finalement vous n'êtes pas mieux que les autres, même gabarit! Il vous manque tant de maturité et de sagesse politique, vous restez un chef de tribu... pauvre Liban

CW

19 h 38, le 26 juin 2022

Tous les commentaires

Commentaires (15)

  • C'est pas le moment de faire des caprices Mr Geagea. Finalement vous n'êtes pas mieux que les autres, même gabarit! Il vous manque tant de maturité et de sagesse politique, vous restez un chef de tribu... pauvre Liban

    CW

    19 h 38, le 26 juin 2022

  • Pour les présidentielles vous faites des comptes sans l’Iran et le Hezbollah qui auront le dernier mot.

    Eleni Caridopoulou

    19 h 20, le 25 juin 2022

  • Qui pourrait croire un seul instant que Nawaf Salam, que personne n'avait contacté auparavant, ést prêt pour laisser son tablier lucratif et reposant (presque une sinécure très bien payée et prestigieuse ) de juge international pour finir dans les sombres dédales et des immondes couloirs de la politicaille libanaise ? Que viendrait-il faire dans cette galère ?

    Chucri Abboud

    17 h 48, le 25 juin 2022

  • Laissez parler les novice en politique et surtout ceux qui se disent être de la société civile partisan du KELLOUN Ya3neh KELLOUN … PENSENT QU’ILS ONT RAISON ET PENSENT QUE EUX SEULS DÉTIENNENT LA VÉRITÉ INFUSE … Malheurusement personne ne veut leur dire les 4 vérités … QUE C’EST À CAUSE DE CELA QUE NOUS EN SOMMES ARRIVÉ LA CHACUN DES CAMPS ETAIENT PERSUADER D’AVOIR LA VÉRITÉ DE LEUR COTER ET NOS DÉPUTÉ DE LA CONTESTATION FONT EXACTEMENT PAREIL

    Bery tus

    14 h 01, le 25 juin 2022

  • Vue le système politique unique du Liban, le président de la république doit être un médiateur, arbitre neutre, compétant avec un seul souci, le sauvetage du pays. Il doit être respecté par la communauté internationale. Donc aucun parti ne pourra être le parrain du président. Un cabinet de conseiller de haut niveau d'honnête personnes issues de toutes les tendances, fera de la présidence un véritable maitre d'œuvre au service du Liban et de tous les libanais. Le trouver c'est la tâche des représentants de la nation; au boulot SVP.

    DAMMOUS Hanna

    13 h 07, le 25 juin 2022

  • Il ne faut pas se leurrer. Derriere un discours faussement souverainiste, le veritable but des FL, aides par Berri d'ailleurs, est de supplanter le CPL comme interlocuteur chretien privilegie du Hezb. Dans la logique confessionnelle (tfeeeeh) de Geagea, Hezb et Amal representent la communaute Chiite et les FL les chretiens. C'est pourquoi, lors des legislatives, les FL ont sabote tous les efforts de la contestation pour essayer d'enlever un siege Chiite tant au Sud que dans la Bekaa. Kellon ya3neh kellon w Geagea mennon....

    Michel Trad

    11 h 39, le 25 juin 2022

  • S’il fait défaut aux opposants avec des argumentations d’enfant gâté et laissé filer toutes les occasions qui peut les propulser au rang d’opposants sérieux, il ne risque pas d’obtenir les résultats souhaités lors des présidentielles. Il passe, ainsi que son parti pour des personnes non crédibles et ainsi sacralisent les vendus qui n’espéraient tant de sa part. Parce que Nawaf Salam n’a pas pris la peine de l’appeler, il boude et capote la mission des opposants juste par caprice? Non mais on est dans quelle foire à neuneus? Il s’entend parler? Le sort du pays est en jeu et lui regarde son nombril. On revient à dire qu’ils sont tous pourris et il n’y a pas un pour racheter l’autre.

    Sissi zayyat

    11 h 28, le 25 juin 2022

  • IL NE FAUT PAS CHERCHER, CEUX QUI SE RESSEMBLENT S’ASSEMBLENT : JOUMBLAT ET GEAGEA , SÉNILES ET INCOHÉRENTS......

    aliosha

    11 h 22, le 25 juin 2022

  • « Nous voulons venir à bout du mandat de Michel Aoun. » Quid des mandats de Nabih Berry ???

    Nader

    09 h 48, le 25 juin 2022

  • LES CONNERIES NE SONT PAS L,APANAGE DES AUTRES SEULEMENT. EN PROLONGEANT LA VIE DU HAUT DE TAILLE LES F.L. RISQUENT DE VOIR A LA PROCHAINE PRESIDENCE LE PYGMEE... HABEEB ALBON !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 18, le 25 juin 2022

  • La désunion de l’opposition conjuguée à la trahison consommée des haririens qui ont voté orange avec Élias Bou Saab puis gris avec Nagib Miqati entraîne une révision des plans des FL, un peu comme l’avait fait en 2015 le soutien de Hariri à Frangié pour la présidence. Contrairement à l’immense majorité des politiciens dans le monde de nos jours, Samir Geagea ne s’entête pas dans des batailles perdues d’avance et change immédiatement de stratégie dès qu’il sait que les dés sont pipés, tout en restant inébranlable sur les principes. En 2016 ce n’est pas le compromis de Meerab qui aurait dû nous déconcerter, c’est la trahison des haririens (et joumblattistes) qui ont soutenu Frangié. De même ce n’est pas le retrait du soutien des FL à Nawaf Salam qui est déconcertant, c’est la trahison des haririens et les égos démesurés de certains nouveaux venus dans l’opposition. Il suffit de lire l’histoire de Youssef Bey Karam, qui avait la même qualité que Samir Geagea: inébranlable sur les principes et très souple dans sa stratégie au point de déconcerter ses plus proches partisans, qualité qui s’appelle la vertu de prudence, la reine des vertus, la plus importante pour un homme politique digne de ce nom. Comme Youssef Karam, Samir Geagea sait attendre le moment ultime pour se lancer dans la bataille. Ce moment ultime est la présidentielle. Ce sera le moment de dire que tout opposant qui ne joint pas les FL dans la bataille pour avoir un président souverain est un traître.

    Citoyen libanais

    07 h 54, le 25 juin 2022

  • Oui c’est vrai il pourrait perdre

    Bery tus

    06 h 38, le 25 juin 2022

  • Des petits calculs de tous les cotes pendant que le pays sombre...... En plus: "Tout le monde a le regard rivé sur la présidentielle ": dites nous SVP qu'est ce que les derniers trois ou quatre presidents on fait pour le Liban, son development, la croissance economique etc.....?? Et surtout le dernier desastre ambulant avec sa clique, propulse a la Presidence (qui l'obsedait) par les FL?!!!!

    Sabri

    05 h 35, le 25 juin 2022

  • The performance of the LF caucus has been underwhelming so far, and betrays the confidence that nearly 200.000 voters gave them to have a clear agenda and socioeconomic project aiming to salvage the country. Alas, it is clear that the FL are self-serving, and have none. Their electoral slogan: "Strong Republic", "we can and we will" are all smoke and mirrors with nothing tangible to show for it. If the FL continue with this dismal performance, they'll likely lose scores of voters in next elections, both municipal and for Parliament.

    Mireille Kang

    00 h 51, le 25 juin 2022

  • Les répercussions politiques face aux atermoiements répétés et surprenants de la part de Geagea pourraient être plus grandes que prévu pour lui, peut être avait il estimé qu'il allait largement remporter les élections .... Ou simplement il admet implicitement qu'il ne sera jamais président de la république et pratique la politique de la terre brûlée.... Il serait probablement grand temps, en raison de ces décisions totalement improductives, qu'il tire sa révérence et laisse la place... Cette politique du ni_ni ne mènera nulle part et ne fera qu'accentuer le phénomène de rejet vis à vis du personnage.. Puisqu'il sait que ni bassil ni lui ne pourront accéder à la présidence, autant préparer le terrain pour un autre.. qui ne saurait, même avec une bonne dose de volonté, faire moins bien.

    C…

    00 h 43, le 25 juin 2022

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