
Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, le 25 mai 2022 prononçant son discours télévisé retransmis en direct sur la chaîne du parti, al-Manar. Capture d'écran/Al-Manar
Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a une deuxième fois, en l'espace de quelques jours, renvoyé mercredi le débat sur les armes controversées de son parti, estimant qu'il fallait d'abord que l'Etat libanais puisse se sortir de ses crises pour qu'une discussion autour de la "stratégie de défense" puisse avoir lieu. Dans un discours retransmis en direct peu après 20h30, à l'occasion du 22e anniversaire de la libération du Liban-Sud de l'occupation israélienne, le leader chiite a également mis en garde contre "une explosion" dans les territoires palestiniens occupées et dans la région, en raison d'une marche controversée que comptent tenir dimanche des Israéliens dans la Vielle Ville de Jérusalem.
L'armée israélienne s'était retirée le 24 mai 2000 de la partie du Liban-Sud qu'elle occupait encore, mais le Liban estime qu'elle doit encore se retirer des fermes de Chebaa, situées sur les pentes occidentales du mont Hermon, pris par Israël à la Syrie en juin 1967, ainsi que des hauteurs de Kfarchouba et de la partie-nord du village de Ghajar pour que la libération soit complète. En 2006, Israël et le Hezbollah se sont affrontés entre les mois de juillet et d'août. Ce conflit de 33 jours avait commencé par une attaque d’envergure lancée le 12 juillet 2006 par le parti chiite pour enlever des soldats israéliens. Plus de 1 200 Libanais ont été tués, principalement des civils. Les Israéliens ont eu 160 morts, en majorité des militaires. Depuis, plusieurs incidents et accès de tensions ont régulièrement lieu entre les deux pays, faisant parfois craindre un nouveau conflit ouvert.
Avant le discours de Hassan Nasrallah, le Hezbollah avait organisé des parades militaires pour commémorer la Libération, notamment à Baalbeck, dans la Békaa, selon des photos de l'AFP.
Des miliciens du Hezbollah paradant à Baalbeck, dans la Békaa, le 25 mai 2022. Photo AFP
A la frontière sud, au niveau de Adaïssé, des individus rassemblés pour commémorer le 25 Mai ont essuyé des tirs de gaz lacrymogènes de la part des militaires israéliens. Au moins une personne souffrait de suffocation après avoir inhalé les émanations.
Photo MAHMOUD ZAYYAT / AFP
"Certains, que nous n’allons pas nommer mais que vous connaissez, nous disent : +Mais qui vous a demandé de faire de la résistance ?+. Cette question est étonnante et fait preuve d’une bassesse morale. A ceux-là, nous disons : c’est notre devoir moral et humain qui nous a demandé de résister. Certains sur la scène intérieure, ne considèrent pas Israël comme l’ennemi. Et c’est là que le débat commence", a lancé Hassan Nasrallah, en allusion aux Forces libanaises de Samir Geagea, son rival chrétien.
"Cet Etat se dirige vers l'effondrement"
"Certains disent qu’après l’implication du Hezbollah dans la guerre en Syrie, il n’y avait plus de consensus sur la Résistance. Mais cela est faux. Il n’y a jamais eu de consensus autour de cette Résistance. Mais malgré ces divisions, la Résistance protège le pays. Si vous voulez discuter de cette question, nous pouvons discuter. Nous ne fuyons pas le débat", a encore dit le leader chiite, en signe d'ouverture au dialogue. Toutefois, il a par la suite une nouvelle fois douché tout espoir de discussions sérieuses autour des armes du parti.
"Il faut d’abord qu’il y ait un Etat pour que nous puissions lui remettre nos armes. Mais cet Etat se dirige vers l’effondrement. Réglez les crises du pays pour que l’armée et l’Etat puissent continuer d’exister avant que nous parlions de nos armes et que nous discutions de la stratégie de défense", a martelé le chef du parti chiite.
Lors de son dernier discours, vendredi dernier, le chef du Hezbollah avait joué l'apaisement au niveau de la rhétorique, renvoyant toutefois le débat sur les armes du parti aux calendes grecques et estimant qu'il y avait des "défis plus imminents et dangereux" à surmonter, comme la crise économique, avant de traiter ce dossier. Mais la question de l'arsenal du parti pro-iranien, le seul à avoir conservé ses armes lourdes après la fin de la guerre civile de 1975-1990, divise profondément la population ainsi que la classe politique.
Deux Liban
Pour Hassan Nasrallah, il y aurait actuellement "deux options : un Liban fort et riche, ou un Liban faible et mendiant". "Le Liban peut être riche avec le pétrole, le gaz et l’industrie (…). L’autre Liban, le mendiant, est celui qui fait la manche aux portes des monarchies du Golfe. Est-ce que cela règle les problèmes du Liban. Vous voulez une stratégie de défense ? Il y a un dossier qui s’appelle le gaz offshore : cherchons le consensus national pour protéger ces ressources et pouvoir les vendre. Cette option est viable, mais elle nécessite un peu de courage", a estimé le chef du Hezbollah. Les pourparlers entre le Liban et Israël, autour de ce dossier épineux, sont au point mort depuis plusieurs mois, alors que l'Etat hébreu a déjà entamé les forages de son côté et que le Liban n'a toujours pas réussi à lancer le chantier.
Grande explosion
Sur le plan régional, le chef du Hezbollah a mis en garde contre un embrasement à Jérusalem qui pourrait avoir selon lui des conséquences sur la région.
"Dans les prochains jours, des événements pourraient se produire en Palestine et provoquer une grande explosion là-bas. Les Israéliens vont effectuer la +Marche des drapeaux+ en sillonnant des rues de la Vieille Ville de Jérusalem, et cela va provoquer des tensions", a prévenu Hassan Nasrallah. "Toute atteinte à la mosquée al-Aqsa et à celle du Dôme du Rocher provoquera une grande explosion dans toute la région, avec des conséquences insupportables. J’appelle tout le monde à se tenir prêt pour ce qui pourrait se produire autour de nous dans la région", a-t-il mis prévenu.
La marche très controversée "des drapeaux" doit avoir lieu dimanche prochain pour marquer la "Journée de Jérusalem", à savoir l'anniversaire pour les Israéliens de la "réunification" de la Ville sainte, synonyme pour les Palestiniens de l'annexion en 1967 par l'Etat hébreu de Jérusalem-Est. L'itinéraire de la marche qui doit se rendre au mur des Lamentations, site de prière le plus sacré du judaïsme situé en contrebas de l'esplanade des Mosquées, a été provisoirement approuvé par les autorités israéliennes. Il permet une entrée dans la Vieille ville par la porte de Damas, donnant sur le quartier musulman où se trouve l'esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'islam et site le plus sacré du judaïsme sous son nom de Mont du Temple. Mais cet itinéraire ne permet pas un accès à l'esplanade des Mosquées, qui abrite la mosquée al-Aqsa, point chaud de tensions avec les Palestiniens.
Lors de son discours mercredi, Hassan Nasrallah n'a pas évoqué les résultats des élections législatives du 15 mai, mais avait commenté cette question lors de ses précédentes prises de parole. Les législatives ont consacré deux grands vainqueurs : les Forces libanaises de Samir Geagea, allié de l'Arabie, qui deviennent le premier bloc chrétien dans l’Assemblée avec 19 députés, mais aussi les mouvements de la contestation qui obtiennent 13 sièges. Ces deux développements ont pour principal effet de faire perdre au Hezbollah et à ses alliés leur majorité au Parlement.
Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a une deuxième fois, en l'espace de quelques jours, renvoyé mercredi le débat sur les armes controversées de son parti, estimant qu'il fallait d'abord que l'Etat libanais puisse se sortir de ses crises pour qu'une discussion autour de la "stratégie de défense" puisse avoir lieu. Dans un discours retransmis en direct peu après 20h30,...
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Nasrallah a raison il y a bien en ce moment un grand embrasement qui peut avoir des conséquences dans toute la région et au Liban en particulier. Il n'a pas eu lieu à Jérusalem mais à Abadan en Iran suite à l'effondrement de l'immeuble Metropol. Cela fait plusieurs jours que les iraniens manifestent contre leur régime dans toutes les villes du pays. Toute la région de Beyrouth à Téhéran en passant par Damas et Baghdad est plus que jamais au bord d'une explosion généralisée de haine et de rage contre l'entité néo-safavide. Bien entendu, cela n'intéresse ni les média mainstream ni les altermédia. Les États-Unis de Obiden ne se sont même pas donnés la peine d'articuler leur langue de bois habituelle condamnant verbalement la répression tout en continuant à négocier avec le régime iranien comme si de rien n'était. Le club des marchands de viennoiseries nucléaires doit être particulièrement avide d'or noir et de gaz iraniens pour compenser les pénuries côté russe.
Citoyen libanais
21 h 48, le 29 mai 2022