
Nabih Berry réélu président de la Chambre pour la sixième fois, le 23 mai 2018. Photo fournie par le bureau de presse de M. Berry via AFP
S’il y a un point sur lequel les deux principaux partis chrétiens et les nouveaux députés issus du mouvement de contestation convergent, c’est bien leur opposition à une réélection de Nabih Berry à la présidence de la Chambre. Pour la première fois depuis son accession à la tête du législatif en 1992, le leader du mouvement Amal risque d’être reconduit avec une majorité étriquée, alors que sa réélection passait jusque-là comme une lettre à la poste.
Le Parlement issu des législatives du 15 mai devrait tenir sa première séance la semaine prochaine, c’est-à-dire après l’expiration, le 21 mai, du mandat de la Chambre sortante. Selon l’article 44 de la Constitution, cette réunion, présidée par le doyen des députés, devrait être consacrée à l’élection du président et du vice-président du Parlement. Toujours selon le même article, le chef du législatif est élu « à la majorité absolue du nombre de votants ». « Cela signifie que le candidat à ce poste a besoin de la moitié plus un du nombre des députés présents à l’hémicycle au moment du vote », explique à L’Orient-Le Jour Ziyad Baroud, juriste et ancien ministre de l’Intérieur. Le texte prévoit, en outre, qu’« au troisième tour de vote (si les deux premiers tours échouent à élire un président, NDLR), le résultat est calculé en fonction de la majorité relative » du nombre de votants. « Si donc aucun candidat n’est élu à la majorité absolue (la moitié plus un) aux deux premiers tours, celui qui aurait récolté le plus de voix au troisième tour remporte la bataille », explique M. Baroud.
Théoriquement, le Parlement devrait se réunir au grand complet pour sa première séance. Le futur président de la Chambre a donc besoin de 65 voix sur 128 pour accéder à ce poste. Et c’est là que les choses se compliquent pour Nabih Berry. Certes, ce dernier est presque assuré de conserver son poste, notamment parce que le scrutin a débouché sur une Chambre où le tandem Amal-Hezbollah monopolise la représentation chiite (26 députés affiliés aux blocs respectifs des deux partis, auxquels il convient d’ajouter l’indépendant Jamil Sayyed). Dans une telle configuration, Nabih Berry pourrait compter sur les voix des parlementaires affiliés au duo chiite ainsi que celles des sept sunnites gravitant dans l’orbite du Hezbollah. Un échiquier sur lequel se greffent les deux députés Marada, Tony Frangié (Zghorta) et Melhem Tawk (Bécharré), leur allié du Kesrouan, Farid el-Khazen, ainsi que les trois députés Tachnag et Michel Élias Murr, le nouveau venu metniote. Pour compléter le tableau et garantir un retour aisé à la présidence de la Chambre, Nabih Berry a besoin de l’appui des partis chrétiens majoritaires, à savoir les Forces libanaises de Samir Geagea ou le Courant patriotique libre de Gebran Bassil. Mais les deux rivaux avaient déjà donné le ton en période de campagne électorale. « Nous n’allons pas élire Nabih Berry », avait déclaré en avril dernier Georges Adwan, député FL du Chouf. Une position renouvelée hier par Ghayath Yazbeck, député élu de Batroun, et sa collègue de Jezzine Ghada Ayoub. « En principe, nous tenons à notre position. Mais aucune décision n’a encore été prise », affirme un responsable FL, précisant que le leader du parti, Samir Geagea, s’exprimera à ce sujet ce matin, à l’issue de la première réunion du nouveau groupe parlementaire FL, à Meerab. Le flou entoure également la décision du CPL qui, en dépit de ses mauvais rapports avec Nabih Berry, principal adversaire du président Michel Aoun, n’a pas manqué de s’allier avec le mouvement Amal lors des législatives. « Aucune décision n’a encore été prise », affirme Simon Abi Ramia, député élu de Jbeil. Reconnaissant que son parti entretient des rapports en dents de scie avec M. Berry, le député semble craindre un vide institutionnel en cas de non-élection d’un président de la Chambre. « Si Nabih Berry n’obtient pas 65 voix pour être élu, cela risque de mener le pays vers un chaos institutionnel qui mettrait en péril la tenue de la présidentielle (programmée pour octobre prochain) », met-il en garde, laissant ainsi la porte ouverte à une probable entente sur cette question. Celle-ci devrait être au centre de l’allocution que Gebran Bassil entend prononcer lors du « festival de la victoire » que le parti organise samedi après-midi au BIEL, à Beyrouth.
Un package-deal ?
Autre problème pour Nabih Berry, il ne bénéficiera « certainement pas du soutien des Kataëb », pour reprendre les termes d’un haut responsable du parti contacté par L’OLJ. « Nous n’avons jamais voté pour lui. Et ce n’est pas aujourd’hui que nous allons le faire », affirme-t-il. Outre le refus chrétien, le président de la Chambre devrait faire face à une prise de position similaire du côté des nouveaux parlementaires issus de la thaoura. « La question est tranchée : nous n’allons pas voter Berry. D’autant que c’est par ce point que commence le changement », affirme Waddah Sadek, député élu de la contestation, sans pour autant se prononcer sur les alternatives.
Un tel scénario mettrait le leader d’Amal en porte-à-faux tant avec les partis chrétiens majoritaires qu’avec les nouveaux venus de la contestation (13 députés) qu’il vient d’appeler au dialogue dans la perspective de la prochaine phase. Acceptera-t-il d’être reconduit à son poste dans de telles conditions ? Une question d’autant plus légitime que Nabih Berry a toujours veillé au maintien des équilibres communautaires. Comment réagira-t-il s’il se retrouve privé de la couverture des deux principaux partis chrétiens? Nombre d’observateurs estiment que le chef d’Amal ne fera pas face à une telle éventualité. C’est ce qui explique, selon eux, les informations qui font état de tractations menées loin des feux de la rampe avec les partis chrétiens autour d’un package-deal liant la reconduction de M. Berry au choix du futur vice-président (grec-orthodoxe) de la Chambre. Les noms de Ghassan Hasbani (FL), Élias Bou Saab (CPL) et même Melhem Khalaf (contestation) circulent déjà dans les coulisses.
Ce qu’en dit la Constitution...
Voici ce que stipule l’article 44 de la Constitution concernant l’élection du président de la Chambre : « Lorsqu’un Parlement est élu, il se réunit sous la présidence du doyen d’âge, alors que les deux députés les plus jeunes font office de secrétaires. Le Parlement élit séparément et au vote secret le président, le vice-président et deux secrétaires à la majorité absolue du nombre de votants. Au troisième tour, la majorité relative suffit. En cas d’égalité des suffrages, le plus âgé est déclaré élu. »
On se demande, en voyant ce qui se passe avec ces "responsables"...personne, parmi ceux qui ont éduqué ces vétérans de la politique...ne leur a inculqué les valeurs de dignité et d'honneur, de décence et du respect des autres ??? - Irène Saïd
10 h 28, le 20 mai 2022