Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a annoncé dimanche qu'un deuxième navire chargé de carburant en provenance d'Iran devrait appareiller "dans les prochains jours" pour le Liban. L'annonce intervient trois jours après celle concernant le départ d'un premier bateau similaire, qui avait provoqué une polémique dans le pays, de crainte de sanctions américaines contre le Liban. Le dignitaire chiite a également proposé à l'État libanais d'engager des sociétés de forage iraniennes afin d'exploiter les hydrocarbures off-shore, un dossier litigieux avec Israël, alors que les pourparlers entre les deux pays se trouvent dans l'impasse depuis des mois.
Dans un discours prononcé à l’occasion de la commémoration de la mort de Abbas el-Yatama, alias “Abou Maytham”, un cadre militaire tué il y a une semaine dans des circonstances non précisées par le parti chiite, le secrétaire général a accusé les États-Unis de vouloir "démanteler" le Liban après avoir "échoué à déclencher une guerre civile" dans le pays.
Le Liban, sans gouvernement depuis plus d'un an, est embourbé dans une crise socio-économique inédite depuis deux ans. Environ 78% de la population vit sous le seuil de pauvreté selon l'ONU, alors que le pays fait face à de graves pénuries de carburants en tous genres ainsi que d'autre denrées essentielles. Le 11 août, la crise s'est brusquement accélérée lorsque la Banque du Liban a annoncé qu'elle ne pouvait plus subventionner au taux actuel les importations de carburants et que ce mécanisme serait donc arrêté. Cela aurait pour conséquence directe une augmentation de leurs prix de 300%. Samedi, après une dizaine de jours de paralysie, les autorités ont convenu de réduire les subventions, en les fixant au taux de 8.000 LL le dollar, en attendant la mise en place d'une carte d'approvisionnement, un système d'aide directe aux plus pauvres, censée entrer en vigueur fin septembre. Il reste que les prix à la pompe ont fortement augmenté dimanche matin.
Dans ce contexte, jeudi dernier, le leader chiite avait annoncé qu'un "premier navire transportant des tonnes de mazout allait partir d’Iran dans quelques heures vers le Liban". Le navire serait actuellement en route vers sa destination. Cette annonce à dimension géopolitique majeure risque de corser un peu plus encore le bras de fer entre l’axe iranien et les États-Unis et fait peser la menace de sanctions américaines contre le Liban.
Un deuxième navire dans les prochains jours
"Il n'y a rien qui s'appelle sanctions internationales. Les sanctions en cours sont américaines. Mais certains craignent les États-Unis plus que Dieu", a déclaré Hassan Nasrallah. "Les États-Unis pensaient que nous n'allions pas importer des carburants d'Iran, mais ils ont été surpris lorsque nous l'avons fait. Le processus a pris un peu de temps, et nous attendions de voir comment allait se développer la situation au Liban. Lors du dixième jour de Achoura (jeudi dernier), j'avais dit que dans quelques heures le premier navire allait prendre le large. En ce moment, le navire est déjà en chemin", a affirmé le leader chiite, alors qu'aucune information sur le navire en question n'est disponible pour l'heure. "Je vous l'annonce maintenant : un deuxième navire prendra le large dans les prochains jours, et d'autres suivront. Ces quantités d'hydrocarbures seront destinées à tous les Libanais, et pas seulement au Hezbollah ou aux chiites. Mais nous ne nous posons pas en substitut de l'État", a promis le chef du Hezbollah. "Nous voulons briser le marché noir et les prix inhumains. Nous voulons alléger la souffrance des gens. Et nous voulons aider à tous les niveaux possibles. Nous allons continuer de réclamer à l'État de former un gouvernement, contrôler la contrebande et le marché", a ajouté le dignitaire chiite. Pour lui, "poursuivre les subventions au taux de 8.000 LL ne suffit pas. Il y a des dizaines de millions de litres d'essence et de mazout stockés dans les stations qui cherchent à les vendre aux nouveaux prix. Ces stations vont perpétuer leur accaparement jusqu'à la fin septembre lorsque les subventions seront entièrement levées. Les accapareurs doivent être arrêtés. Confisquer les quantités de carburant ne suffit pas. Il faut les jeter en prison pour les dissuader. Qu'il s'agisse de ceux qui exercent un monopole ou des trafiquants".
Discuter avec le régime syrien
A plusieurs reprises, Hassan Nasrallah avait déjà déclaré son intention d'importer du carburant d'Iran, précisant qu'il serait payé en livres libanaises. Téhéran détient les quatrièmes réserves mondiales de pétrole, mais ses exportations sont sous embargo américain, ce qui rend toute transaction commerciale irréaliste. En achetant du pétrole iranien, sans exemption octroyée en amont par Washington, Beyrouth s’exposerait donc à des sanctions. Quelques heures après le discours de Hassan Nasrallah jeudi dernier, l’ambassadrice des États-Unis au Liban, Dorothy Shea, avait informé la présidence libanaise que l’administration américaine avait approuvé un projet qui permettrait d’approvisionner le Liban en électricité, notamment via la Syrie. Elle avait également rejeté les affirmations du Hezbollah qui accuse Washington d’être à l’origine de la crise du carburant.
Hassan Nasrallah a interprété la proposition américaine comme "un allégement des sanctions US en vertu de la loi César, car ce projet implique de discuter avec le pouvoir en Syrie"." Tous ceux qui veulent aider le Liban sont les bienvenus. Mais cela doit se faire dans les règles, il faudra aller en Syrie avec une délégation officielle et dialoguer de manière officielle. En tout cas, jusque-là, il ne s'agit que de paroles. Mais si cela se concrétise, le blocus américain sur le Liban aura été brisé", a estimé le chef du Hezbollah.
Forages iraniens
Hassan Nasrallah est allé encore plus loin dans son défi à Israël et aux États-Unis, proposant que l'État libanais signe des contrats avec des sociétés de forages iraniennes afin d'exploiter les hydrocarbures off-shore, un dossier épineux qui se trouve bloqué en raison de l'impasse dans les discussions entre Israël et le Liban autour des zones maritimes litigieuses.
"Si aucune société n'est prête à effectuer des forages au large du Liban pour exploiter les hydrocarbures, il y a des sociétés iraniennes qui sont prêtes à le faire. Il est inacceptable que ces ressources restent inexploitées. Il y a de grandes quantités au large du Liban, et tous propos contraires à cela sont mensongers. Je propose au prochain gouvernement de travailler avec des sociétés iraniennes prêtes à effectuer ces forages. Et qu'Israël ose les bombarder", a lancé le chef du parti chiite.
Démantèlement de l'État
Au début de son allocution, Hassan Nasrallah a fait assumer aux États-Unis la responsabilité du "démantèlement de l'État et de la société libanaise". "Les États-Unis assument la responsabilité de la détérioration des conditions de vie au Liban, qu'il s'agisse de l'essence, des médicaments et autres. L'ambassade américaine s'en mêle auprès des partis, des municipalités et des organisations. Mais ils ont échoué à provoquer une guerre civile au Liban, eux et l'Arabie saoudite, ces dernière années. Quelle est leur alternative ? Le démantèlement de la société et de l'État, des partis, des forces politiques, des familles, des régions et des communautés, et ce depuis le 17 octobre 2019", a accusé le leader du Hezbollah. "Au lieu de la guerre civile, ce sont les gens qui s'entre-tuent dans les stations d'essence, et demain ce sera le cas devant les boulangeries et dans les supermarchés, et le pays sera pris dans le chaos. La question est plus grande que le fait de retourner la population contre la Résistance", a-t-il estimé.
Pour Hassan Nasrallah, "le pays est laissé à la dérive. Certes, l'armée et la police sont mobilisées, mais tout ce qui se passe est planifié. On veut que l'État et les partis politiques s'effondrent". "Certains pensent que le Hezbollah est le seul visé, mais détrompez-vous, toutes les formations le sont. C'est de là que vient le slogan +tous cela veut dire tous+", a-t-il affirmé, en référence à ce cri lancé par une large frange de la population qui accuse toute la classe politique de corruption et d'incompétence. "On cherche à remplacer les partis par des ONG. C'est après toute cette pression qu'on viendra imposer un gouvernement, une loi électorale et un accord avec Israël. C'est ce que veulent les États-Unis. Il s'agit d'une guerre, et nous sommes dans la confrontation. Mais ce n'est pas le Hezbollah qui peut diriger le pays vers l'Est, vers la Russie et la Chine. C'est à l'État de le faire. Le Hezbollah ne peut pas s'y substituer" a réaffirmé enfin Hassan Nasrallah.
commentaires (26)
Il nous a promis une guerre des médias et le voilà servi en premier. Des bouge sa barbe pour articuler des inepties les journaux se précipitent pour lui tenir le crachoir et le mettre à la UNE. Que peut il espérer de mieux.
Sissi zayyat
10 h 21, le 24 août 2021