C’est une guerre par procuration qui est lancée. Alors qu’il faisait planer, depuis plusieurs semaines déjà, la menace d’acheter du carburant iranien pour subvenir aux besoins des Libanais qui souffrent depuis des mois de pénuries asphyxiantes, Hassan Nasrallah a annoncé jeudi le passage à l’acte. « Un premier navire transportant des tonnes de mazout va partir d’Iran dans quelques heures vers le Liban », a-t-il lancé dans un discours à l’occasion des commémorations de Achoura. Une annonce à dimension géopolitique majeure qui risque de corser un peu plus encore le bras de fer entre l’axe iranien et les États-Unis. Dans son discours, le chef du parti chiite a mis en garde Washington et Tel-Aviv contre toute velléité d’attaque contre ce pétrolier qui sera amarré au large du pays, puisqu’il sera considéré, a-t-il dit, comme « un territoire libanais », alors que plusieurs navires liés à l’Iran ou à Israël ont été la cible depuis février de sabotages dans les eaux du Golfe.
Lors de son discours, Hassan Nasrallah a également pointé du doigt ce qu’il estime être la responsabilité des États-Unis dans la crise des carburants que subit le pays, reprenant une rhétorique similaire à celle qui imputait à Washington la responsabilité de l’effondrement économique du pays et de la valeur de la livre libanaise.
La réponse américaine ne s’est pas fait attendre. Dans une entrevue accordée au site de la chaîne saoudienne al-Arabiya, l’ambassadrice des États-Unis à Beyrouth, Dorothy Shea, a annoncé, quelques heures plus tard, jeudi, que son pays discutait « avec les gouvernements égyptien, jordanien (...) et la Banque mondiale pour aboutir à des solutions réelles et durables » au problème énergétique au Liban (voir par ailleurs). Une annonce confirmée par la présidence libanaise. Elle a par ailleurs ironisé sur le fait que le chef du Hezbollah n’ait pas mieux à dire que d’accuser à tout bout de champ les États-Unis. « Mais en fin de compte, le Liban peut faire ce qu’il veut », a encore lancé la diplomate, dans ce qui semble être une tentative de calmer le jeu, surtout si le fuel est destiné aux hôpitaux, a-t-elle précisé.
La cargaison de ce navire doit permettre d’approvisionner « hôpitaux, usines de production de denrées alimentaires et de médicaments, boulangeries et générateurs », avait indiqué, quelques heures plus tôt, le chef du Hezbollah.
Bien que ce soit un véritable défi que le Hezbollah ait lancé aux États-Unis, l’Iran étant sous sanctions américaines, Washington pourrait ne pas en faire un casus belli et se laisser entraîner dans une éventuelle aventure militaire à laquelle personne, y compris Israël, n’est disposé. Reste la carte de sanctions, imposées au Liban. Une option que le pays, déjà à terre, pourrait toutefois difficilement encaisser.
Hassan Nasrallah lui-même a pris les devants et affirmé, dans son discours de jeudi, qu’il n’est pas prêt à faire une guerre à cause d’un chargement de fuel. « Nous ne cherchons à défier personne. Nous ne voulons pas de problèmes. Nous cherchons tout simplement à aider notre peuple », a lancé le dignitaire chiite. C’est toutefois sur un ton victorieux qu’il a promis aux Libanais une solution prochaine à la crise du carburant. Selon certains analystes, le navire, qui aurait largué les amarres hier en direction de la Méditerranée, comme l’assure une source du parti à L’Orient-Le Jour, n’aurait pu le faire s’il n’avait obtenu au préalable des assurances qu’il ne fera pas l’objet de raids israéliens. Certains médias ont été jusqu’à lier la naissance prochaine du gouvernement à un feu vert accordé par l’Occident à l’acheminement du fuel iranien. Une sorte de troc qu’aurait proposé le Hezbollah, mais qu’il est difficile de vérifier pour l’heure.
Quid de la loi César ?
Selon une source proche de Washington, l’ambassadrice des États-Unis œuvre d’arrache-pied depuis des semaines pour tenter de trouver un règlement à la crise du carburant, notamment par le biais de l’acheminement du gaz à partir d’Égypte et de Jordanie. L’idée est d’aider le Liban à trouver des solutions à long terme et éventuellement de court-circuiter le plan du Hezbollah qui avait annoncé, depuis des semaines déjà, son intention de solliciter l’Iran pour son aide.
Concrètement, une piste de proposition américaine signifierait que le gaz passerait par la Syrie où se trouve le gazoduc reliant le Liban à l’Égypte et à la Jordanie, le Arab Gas Pipeline. Washington devra donc renoncer, ne serait-ce que partiellement, à l’application de la loi César, en vigueur depuis juin 2020 et qui impose de lourdes sanctions au régime syrien, ainsi qu’à toute personne, société, institution ou gouvernement faisant du commerce avec le régime de Damas ou contribue à la reconstruction de la Syrie. La loi César s’appliquerait dans ce cas précis, puisque Damas ne laissera pas le gaz traverser son territoire, sans réclamer un prix en contrepartie.
C’est probablement ce qui expliquerait les informations obtenues par L’OLJ sur les hésitations du Trésor américain à accepter cette suggestion et à risquer ainsi d’y perdre sa crédibilité et celle de l’administration US en remettant en cause un texte de loi déjà adopté. Ce serait un camouflet de plus pour Washington que lui asséneraient ses adversaires dans la région. Jeudi, Dorothy Shea a d’ailleurs fait allusion à des obstacles qui entraveraient la proposition US. Elle a évoqué les sanctions mais aussi des problèmes logistiques, assurant toutefois que la volonté de les résoudre ne manque pas. Une source proche de Baabda indique, pour sa part, que les États-Unis ont déjà donné leur accord pour que le courant en provenance de Jordanie ou le carburant égyptien puissent être acheminés au Liban via la Syrie.
Quoi qu’il en soit, pour le Hezbollah, il s’agit là d’une occasion de remuer le couteau dans la plaie. « Maintenant que cela les arrange, ils n’ont plus aucun problème sur la conscience et peuvent lever les sanctions », lance ainsi le porte-parole du parti chiite, Mohammad Afif Nabulsi, en allusion à une éventuelle suspension du Ceaser Act. S’alignant sur la position de Hassan Nasrallah qui n’a livré aucun détail sur le modus operandi de l’acheminement du carburant iranien, M. Nabulsi a refusé de dire comment la marchandise a été financée, à quel port le navire accostera, ou selon quel critère (confessionnel, communautaire, etc.) se fera la distribution une fois le fuel parvenu au Liban. Jeudi soir, une agence de presse officieuse iranienne indiquait que les cargaisons de carburant iranien qui seront envoyées au Liban ont été achetées par « un groupe d’hommes d’affaires chiites libanais ».
Pour les experts, ce n’est pas seulement la question de la loi César qui pose problème mais également l’état de vétusté du pipeline. « Le gazoduc part d’Égypte et arrive au Liban via la Jordanie et la Syrie. La partie qui relie le Liban à la Syrie a besoin d’être réhabilitée », affirme l’experte en ressources pétrolières, Laury Haytayan, à L’OLJ. Autre problème : cette partie du gazoduc, qui passe par Deraa où ont actuellement lieu des combats virulents, fait depuis un certain temps l’objet de nombreuses convoitises, comme le souligne notre chroniqueur politique Mounir Rabih. « Ce relais a été à plus d’une reprise endommagé par les combats. Il a également servi, depuis peu, de passage pour la contrebande du fuel entre le Liban et la Syrie », ajoute Mme Haytayan.
C’est une guerre par procuration qui est lancée. Alors qu’il faisait planer, depuis plusieurs semaines déjà, la menace d’acheter du carburant iranien pour subvenir aux besoins des Libanais qui souffrent depuis des mois de pénuries asphyxiantes, Hassan Nasrallah a annoncé jeudi le passage à l’acte. « Un premier navire transportant des tonnes de mazout va partir d’Iran dans...
commentaires (10)
Il vide le pays de ses richesses et de son autorité étatique pour se substituer à l’état et au pouvoir légitime qui n’existe plus d’ailleurs puisque vendu comme lui pour faire croire à la bonté de son allié l’Iran de nous venir à l’aide alors que c’est pour s’enraciner et usurper notre pays. Pas folle la guêpe. Les partisans oranges sont toujours d’accord avec ses projets? Alors à la bonne heure.
Sissi zayyat
15 h 56, le 27 août 2021