C’était la nouvelle que personne n’attendait et qui, si elle est suivie d’effet, pourrait soulager un peu des Libanais à qui la crise qui dure depuis deux ans, combinée aux pénuries actuelles de courant et de carburant, est en train de faire perdre la tête.
Jeudi, l’ambassadrice des États-Unis, Dorothy Shea, a informé la présidence libanaise que l’administration américaine avait approuvé un projet qui permettrait d’approvisionner le Liban en électricité. Cette annonce est intervenue quelques heures après que le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a indiqué qu’un navire transportant du mazout iranien se dirigeait vers le pays du Cèdre, exposant potentiellement Beyrouth à des sanctions.
« J’essaye de trouver des solutions pour les Libanais. Nous avons été en discussion avec les gouvernements égyptien, jordanien, libanais et la Banque mondiale. Nous essayons d’obtenir des solutions pour les besoins de carburant et d’énergie du Liban qui soient concrètes et viables », a déclaré la diplomate dans un entretien donné le jour même à la chaîne al-Arabiya. « (La situation actuelle) frustre autant les États-Unis que les Libanais, et je travaille sur (ce projet) depuis plusieurs semaines déjà », a-t-elle ajouté, rejetant les affirmations du Hezbollah qui accuse Washington d’être à l’origine de la crise du carburant dans laquelle les Libanais s’enfoncent depuis plusieurs mois. « Il y a une volonté que cela fonctionne », a encore souligné la diplomate.
Contourner la loi César
Selon le communiqué publié jeudi par la présidence libanaise, les deux pistes évoquées consisteraient à « faire parvenir de l’électricité au Liban en provenance de Jordanie, via la Syrie », et/ou à « faciliter des importations de gaz d’Égypte vers le Liban-Nord » où se situe la centrale de Deir Ammar et une partie des installations pétrolières du pays.
La présidence a également fait état de « négociations en cours avec la Banque mondiale » qui pourrait a priori servir de caution au Liban pour toute transaction conclue dans ce cadre avec les autres gouvernements concernés. « C’est le Liban qui doit trouver l’argent – ou du moins la contrepartie – pour régler tout accord qui serait entériné », a précisé une source proche du dossier. Récemment, le pays s’est justement entendu avec l’Irak pour troquer du fuel oil destiné aux centrales d’Électricité du Liban (EDL) contre des services (dont médicaux), dans le cadre d’un mécanisme impliquant une tierce partie – la première cargaison devrait être livrée début septembre, selon les autorités.
S’il est naturel qu’une telle annonce dans le contexte dramatique actuel nourrisse les espoirs d’une population épuisée par la crise, l’affaire est toutefois encore loin d’être entendue. Seule certitude : selon une source proche de Baabda, les États-Unis ont déjà donné leur accord pour que le courant en provenance de Jordanie ou le carburant égyptien puissent être acheminés au Liban via la Syrie. Un feu vert qui écarterait ainsi les perspectives de complications liées à la loi César promulguée en décembre 2019 par le président Donald Trump et qui impose de lourdes sanctions au régime syrien, ainsi qu’à toute personne, société, institution ou gouvernement faisant du commerce avec le régime de Damas ou contribuant à la reconstruction de la Syrie.
Au-delà de ce point, il semble que tout reste à faire. « Il est encore trop tôt pour s’avancer sur une quelconque piste », confirme à L’Orient-Le Jour une source proche de l’ambassade américaine, tandis que les services de presse de la présidence, du ministère de l’Énergie et de l’Eau ou encore celui d’EDL n’avaient pas plus d’informations à donner hier après-midi.
Rien d’immédiat
Des deux solutions évoquées, c’est celle qui consiste à acheter du courant produit en Jordanie qui semble relativement plus simple à mettre en œuvre. Concrètement, elle prévoit d’une part que la Jordanie augmente sa production d’électricité en récupérant du gaz en provenance d’Égypte – qui serait acheminé via la Syrie – et vende ce surplus au Liban. Le courant serait ensuite acheminé via des lignes à haute tension – qui existent déjà – vers un des trois relais utilisables au Liban, dont celui de Ksara (Békaa) qui peut supporter une puissance d’environ 150 mégawatts. Ce relais servait d’ailleurs à transporter l’électricité produite en Syrie qui était achetée par EDL avant l’adoption de la loi César.
Bien qu’elle permette d’assurer les besoins en carburant d’une partie des centrales libanaises, la seconde solution va, elle, se heurter à deux difficultés majeures. La première, c’est que le gazoduc arabe (Arab Gas Pipeline ou AGP) qui est supposé acheminer du gaz égyptien vers la Jordanie, la Syrie et enfin le Liban a été endommagé à plusieurs reprises depuis le début du conflit syrien en 2011, dont la dernière fois en juillet 2020. « L’infrastructure est inutilisable en l’état pour acheminer du carburant vers le Liban. Il faut d’abord évaluer l’ampleur des dégâts – notamment au niveau de Homs en Syrie et de Deir Ammar au Liban-Nord – avant même de lancer la phase de réhabilitation », confirme le chercheur en politique énergétique au Issam Fares Institute for Public Policy and International Affairs de l’AUB Marc Ayoub. Le second problème, c’est que le Liban ne possède toujours pas d’unités flottantes de stockage et de transformation du gaz liquéfié (Floating Storage and Regazification Unit – FSRU en anglais) pour redistribuer le gaz reçu via le gazoduc aux différentes centrales pouvant en consommer.
Des obstacles dont les autorités américaines sont conscientes. « Certains aspects logistiques devront être résolus, mais je pense que tout pourra se mettre en place plutôt facilement », a précisé, jeudi, l’ambassadrice Dorothy Shea, qui se voulait optimiste il y a deux jours.
De leur côté, et en attendant que les choses se précisent, les Libanais devront, eux, continuer à subir le rationnement en électricité amplifié par la pénurie de carburant et les libertés prises par certains propriétaires de générateurs en matière de rationnement du courant.
C’était la nouvelle que personne n’attendait et qui, si elle est suivie d’effet, pourrait soulager un peu des Libanais à qui la crise qui dure depuis deux ans, combinée aux pénuries actuelles de courant et de carburant, est en train de faire perdre la tête.
Jeudi, l’ambassadrice des États-Unis, Dorothy Shea, a informé la présidence libanaise que l’administration américaine...
commentaires (10)
Cela ne coûte rien de promettre quelque chose tout en sachant que cela ne va jamais pouvoir être réalisé mais les Etats -Unis ont besoin de se refaire une virginité après leur brillant retrait d'Afghanistan!
Politiquement incorrect(e)
15 h 39, le 21 août 2021