Face à la colère qui gronde de plus en plus fort dans la rue en raison de la paralysie du secteur des hydrocarbures qui met à genoux tout le pays déjà en crise, le chef de l'Etat, Michel Aoun, a appelé vendredi en fin de journée le gouvernement sortant de Hassane Diab à se réunir en urgence afin de se pencher sur cette situation explosive. Une demande directement rejetée par ce dernier. Le Premier ministre sortant martèle en effet depuis sa démission son refus de réunir son équipe en Conseil des ministres, estimant qu'en période de gestion d'affaires courantes, cela serait contraire à la Constitution.
Dans un communiqué signé par le directeur général de la présidence, Antoine Choucair, Baabda souligne que le président Aoun a "appelé le Conseil des ministres à se réunir de manière exceptionnelle, pour motif urgent, et en accord avec le Premier ministre, lors d'une séance consacrée à traiter les conséquences dangereuses de la pénurie des hydrocarbures en tous genres sur le marché local (...)". La présidence ne mentionne toutefois aucune date précise pour une telle réunion.
Critiques à Salamé et Diab
Mercredi soir, la BDL avait annoncé qu'elle arrêterait de subventionner les produits hydrocarbures. Son gouverneur, Riad Salamé, avait fait savoir jeudi qu'il ne pouvait plus maintenir les subventions sur les importations de carburant en place sans devoir puiser dans les réserves obligatoires des banques auprès de la Banque centrale (soit l’argent des déposants), ce qui nécessite selon lui l'adoption d'une loi au Parlement. Les réserves en devises étrangères de la BDL ont fondu de plus de moitié depuis le début de la crise à l'automne 2019, passant de 32 milliards de dollars à environ 15 milliards aujourd'hui. Mais les autorités refusent cette levée abrupte des subventions et plaident pour une rationalisation progressive, qui aurait dû être mise en place depuis des mois, dans l'attente d'une carte d'approvisionnement permettant aux familles démunies de faire face à la crise. Toutefois, Riad Salamé s'est jusque-là montré inflexible sur sa décision, dernière preuve du bras-de-fer politique qui l'oppose au chef de l'Etat ainsi qu'au Premier ministre sortant. Le secteur des carburants est donc suspendu à la décision que pourraient prendre les autorités. Si celles-ci décident de publier de nouveaux tarifs, basés sur le taux du marché parallèle et non sur un taux subventionné à 3.900 livres libanaises pour un dollar, comme c'est jusqu'à présent le cas, le prix du bidon d'essence pourrait augmenter de 344% et celui du diesel d'environ 387%.
"Le gouverneur de la banque centrale insiste à maintenir sa position, malgré les lois et décisions qui lui permettent de faire marche arrière et d'accorder à nouveau des subventions sur les hydrocarbures (...) en ouvrant de manière exceptionnelle des crédits sur base du taux de 3.9000 livres libanaises au lieu de 1.500LL", a affirmé le président Aoun, dans le communiqué en question. "La banque centrale est l'une des nombreuses institutions publiques, et c'est le gouvernement qui met en place les politiques publiques sur tous les plans, en vertu de l'article 65 de la Constitution", a rappelé le chef de l'Etat. Et dans une pique adressée à Hassane Diab, il a souligné que "l'expédition des affaires courantes au sens étroit du terme n'empêche absolument pas le gouvernement de se réunir en Conseil des ministres, en cas de circonstances extrêmement urgentes".
La réaction de la présidence du Conseil n'a pas tardé. "Vu que le cabinet est démissionnaire depuis le 10 août 2020, et que l'article 64 de la Constitution limite les prérogatives du gouvernement sortant au sens étroit de la gestion des affaires courantes, et pour éviter toute confusion, le chef du gouvernement sortant, Hassane Diab, maintient sa position de principe qui consiste à ne pas violer la Constitution, et donc à ne pas convoquer le Conseil des ministres à se réunir".
Bassil charge à nouveau le patron de la BDL
Plus tôt en journée, le gendre du président Aoun et chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil, a mené une nouvelle charge contre le gouverneur de la BDL. Il a ainsi accusé M. Salamé d'"assassiner" les Libanais et l'a appelé à rationaliser progressivement les subventions et non les lever d'un coup. "Au gouverneur et à tous ceux qui couvrent politiquement sa décision : arrêtez l'explosion !", a lancé M. Bassil, qui entretient des rapports en dents de scie avec M. Salamé depuis le début de la crise économique. "La levée des subventions doit être progressive. Vous aviez fait passer le taux des subventions de 1.500 livres libanaises pour un dollar à 3.900, continuez à l'augmenter jusqu'à ce que la carte d'approvisionnement soit distribuée", a demandé le chef du CPL sur son compte Twitter. "Vous portez la responsabilité du détournement de chaque camion-citerne, de l'extinction de chaque machine à oxygène et de chaque réfrigérateur, de la fermeture de chaque station de pompage, de l'arrêt d'internet, de la sécheresse des cultures", a affirmé l'ancien ministre de l'Energie. "Vous assassinez tout un peuple, mais notre peuple ne mourra pas !", a-t-il encore martelé. "Le président libanais, Michel Aoun, et le Premier ministre sortant, Hassane Diab, ont refusé cette décision et le cabinet sortant doit prouver qu'il représente le pouvoir exécutif, a ajouté M. Bassil. Le nouveau gouvernement doit être rapidement formé et le coup d'état contre le président Aoun doit échouer". En soirée, une poignée de partisans aounistes se sont rassemblés sous le domicile de M. Salamé à Safra, dans le Kesrouan. Trois personnes ont été blessées lors de bousculades entre protestataires et forces de l'ordre.
Dans un entretien à la Radio Liban Libre qui sera diffusé samedi matin, le gouverneur de la BDL s'est défendu des accusations contre lui. "Tous les responsables libanais étaient au courant de la décision de lever les subventions, à commencer par la présidence de la République, en passant par le gouvernement, sans oublier le Conseil supérieur de défense", a affirmé le gouverneur, selon des extraits de cet entretien.
Le Liban reste sans gouvernement depuis plus d'un an. M. Aoun et son camp, dont fait partie M. Bassil, insistent depuis des mois sur la forme du cabinet et la question de la nomination des ministres chrétiens, notamment à la tête des portefeuilles régaliens. Le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, n'a toujours pas réussi à former son équipe, malgré huit entretiens avec le président Aoun jusque-là.
commentaires (7)
Cela fait plus de cinq ans que Aoun secondé par Bassil mène le pays dans l’urgence, cela fait plus de cinq ans que Bassil et le CPL puisent dans les caisses de l’Etat, les Réfrigérateurs des Libanais ont des problèmes depuis que Bassil était ministre de l’Energie ? l’invention scélérate des bateaux générateurs d’électricité en est la preuve flagrante, qu’il passe volontiers sous silence. Ils lancent la patate chaude à Diab aujourd’hui, hier c’était Hariri, demain ça sera Mikati ainsi de suite. Le détournement des camions-citernes sont détournés en Syrie depuis bien longtemps au détriment du peuple Libanais. Bassil s’égosille à vouloir incriminer les autres des méfaits qu’il a lui-même infligés au Pays du cèdre. Pourquoi le Président de la République, n’a-t-il pas convoqué la réunion du conseil des ministres dans l’urgence depuis un an ? Depuis un an le peuple est dans la rue ! qu’est-ce que le trio Aoun Bassil CPL ont réalisés ou faits pour écouter les doléances des Libanais qui se sont retrouvé démunis ? Ils sont là a gesticuler et à inverser les rôles en demandant aux gens de bloquer les routes, alors que les gardes du corps de Bassil se sont chargé de faire taire une femme courageuse qui lui a craché ses quatre vérités au visage. OUI peuple Libanais sortez, bloquez les routes allant à Baabda, Batroune, Rabieh, partout ils se trouvent, et prouvez-vous, prouvez leur que vous existez, pour qu’ils comprennent enfin qu’ils n’ont pas à faire à des moutons.
Le Point du Jour.
10 h 42, le 16 août 2021