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Économie - Crise

La BDL réclame une loi pour maintenir les subventions sur le carburant

Hassane Diab a présidé une réunion au cours de laquelle plusieurs mesures d’urgence ont été adoptées.

La BDL réclame une loi pour maintenir les subventions sur le carburant

Hier, les Libanais se sont rués vers les stations-service encore ouvertes dans la perspective d’une levée des subventions sur le carburant. Photo P.H.B.

Nouveau coup dur pour les nerfs déjà éprouvés des Libanais, étouffés par la chaleur et la crise. Moins de 24h après avoir confirmé qu’elle n’était plus disposée à financer les mécanismes de subventions sur les carburants aux mêmes conditions, la Banque du Liban (BDL) a assuré hier qu’elle ne ponctionnerait plus ses réserves de devises à cette fin, comme le demandent l’exécutif et la présidence, à moins que ne soit adoptée une loi l’y autorisant.

Cette position a été exprimée avant une réunion à Baabda, convoquée par le président Michel Aoun et consacrée à ce dossier, la BDL considérant que les réglementations en vigueur ne lui permettaient pas de puiser dans les réserves obligatoires des banques, celles-ci constituant actuellement l’essentiel, sinon l’intégralité de ses réserves de devises. Celles-ci s’élevaient à 15 milliards de dollars à fin juillet, sans compter les 5 milliards d’eurobonds (titres de dette en devises sur lesquels l’État a fait défaut en mars 2020) et 16,9 milliards de réserves d’or. Le montant exact des réserves obligatoires des banques, qui doivent en principe représenter 15 % du total de leurs dépôts en devises, n’est généralement pas communiqué.

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La réaction de la présidence et de l’exécutif au sortir de la réunion a cristallisé la réalité de ce nouveau bras de fer entre le gouvernement sortant et la Banque du Liban au sujet des mécanismes de subventions. Ainsi, selon un communiqué de Baabda, la présidence a jugé que la décision de la BDL aura des « conséquences socio-économiques graves » et rappelé que le Conseil supérieur de défense s’était réuni mardi en présence du gouverneur pour aborder le sujet. Le chef de l’État a aussi demandé à Riad Salamé de coordonner toutes ses décisions avec le pouvoir exécutif, comme prévu par la Constitution, et de respecter les termes de l’accord conclu en juin pour maintenir les subventions sur le carburant pendant trois mois en modifiant ses modalités, de façon à alléger son poids sur les réserves de devises.

La réaction de Hassane Diab

L’épisode s’est poursuivi en milieu d’après-midi, alors que la situation a été abordée lors d’une réunion interministérielle « exceptionnelle » au Grand Sérail, présidée par le Premier ministre sortant Hassane Diab. Selon un communiqué publié après coup, les participants ont souligné la nécessité de maintenir les mécanismes de subventions encore fonctionnels et de commencer à les rationaliser. Ils ont en outre appelé à mettre concrètement en place la carte d’approvisionnement, un dispositif d’aide directe adopté en juin par le Parlement mais que les autorités chargées d’en fixer les dernières modalités n’avaient pas finalisée avant cette semaine.

Le Premier ministre a de plus annoncé avoir chargé le ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau, Raymond Ghajar, de mettre en place d’ici à une semaine un plan pour augmenter la production d’Électricité du Liban (EDL) sur la période allant jusqu’à fin 2021. Le ministre a en outre été mandaté pour faire en sorte que l’accord conclu le 24 juillet avec l’Irak, pour permettre au Liban d’importer du fuel-oil, soit finalisé d’ici à fin août (lire par ailleurs) et obtenir les financements nécessaires auprès de la BDL pour l’entretien des centrales et du réseau. L’impact de la crise sur sa capacité à acheter du carburant oblige le fournisseur d’État à fonctionner depuis des semaines à environ 40 % de ses capacités, déjà insuffisantes en temps normal pour répondre à la demande. Un phénomène qui amplifie la consommation de mazout des générateurs privés du pays, ces exploitants qui servent de plan B depuis des décennies.

Les participants à la réunion ont ensuite appelé les professionnels du secteur du carburant à respecter les tarifs fixés par le ministère de l’Énergie pour l’essence, le mazout et le gaz (la dernière mise à jour date de mercredi), promettant des contrôles sur les prix comme sur la disponibilité des produits. La direction des installations pétrolières, rattachée au ministère de l’Énergie, avait lancé le même appel plus tôt dans la journée. Ils ont en outre indiqué qu’ils allaient étudier la possibilité de ne plus subventionner l’essence à 98 octane, un carburant qui n’est presque plus importé depuis des mois car plus cher que l’ordinaire à 95 octane. Enfin, le ministère des Finances a été appelé à accélérer deux projets déjà en phase de préparation, également d’ici à fin août : l’augmentation des indemnités de transport et l’octroi d’aides sociales aux employés de la fonction publique. Selon nos informations, une nouvelle grille des tarifs des carburants pourrait également être rapidement publiée par le ministère de l’Énergie.

Panique dans les commerces

Plus tôt dans la journée, le Premier ministre sortant avait qualifié d’« illégale » la décision du gouverneur avant d’estimer que le pays ne pouvait pas « supporter les graves répercussions d’une telle décision ». Ladite décision a d’ailleurs été attaquée par certains partis politiques (Courant patriotique libre et Hezbollah) mais aussi défendue à demi-mot par d’autres (Parti socialiste progressiste). Du côté des organisations professionnelles, la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) et le syndicat des propriétaires de stations-service, notamment, ont critiqué la BDL. Le syndicat des agriculteurs de la Békaa a, lui, rapporté que les prix de nombreux fruits et légumes avaient déjà été fortement majorés. Dans la soirée, les sociétés importatrices de pétrole ont, elles, demandé aux autorités de clarifier leur position concernant le taux applicable.

Sur le terrain, l’annonce du gouverneur a poussé de nombreuses stations-service prises d’assaut par les automobilistes depuis plusieurs jours à fermer plus tôt que prévu, tandis que certains propriétaires de générateurs ont informé leurs abonnés qu’ils allaient couper leurs unités de production à court terme, au regard de leurs incertitudes sur les prix, selon des témoignages recueillis. Certains commerces ont, eux, fermé plus tôt que prévu, tandis que d’autres avaient déjà commencé à modifier certains prix. À Beyrouth, une boulangerie a arrêté de vendre du pain au bout de 45 minutes, faute de mazout. Reflet de la dimension tragique de la situation, un service de soutien aux personnes suicidaires a annoncé devoir couper ses lignes pendant la nuit en raison des coupures de courant et de la pénurie de mazout.

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Les nombreuses inconsistances de la carte d’approvisionnement

Les mécanismes de subventions ont été mis en place unilatéralement par la BDL en octobre 2019, soit au moment où la Banque centrale avait arrêté de stabiliser le taux dollar/livre sur le marché local – et donc la parité fixe de 1 507,5 livres pour un dollar – marquant ainsi le début de la chute de la livre dans l’économie réelle et le marché parallèle (soit près de 21 000 livres hier, selon les sites spécialisés).

Présentés comme un moyen de limiter l’inflation des prix en livres liés à cette dépréciation, ces mécanismes aux modalités globalement similaires étaient ouverts aux importateurs de carburant (essence, mazout, gaz domestique), mais aussi de médicaments, d’équipements médicaux, de blé et de plusieurs produits répartis entre biens de consommations et matières premières destinées à l’industrie et l’agriculture. Tous ont été progressivement suspendus au cours des derniers mois, donnant lieu à d’interminables et nébuleuses tractations entre le gouvernement démissionnaire et la présidence d’un côté, et la BDL de l’autre. S’agissant du carburant, l’alignement des prix sur le taux du marché parallèle multiplierait les tarifs actuels par 5 à prix du pétrole et du gaz et taux dollar/livre constants, selon nos calculs.

Ancien et nouveau systèmes

Sous l’ancien système mis en place par la circulaire n° 530 de la BDL, la conversion se faisait via la parité officielle pour un taux de couverture des factures de 85 %, les 15 % de dollars frais étant réglés par l’importateur. En juin, la BDL a pressé l’État de changer de système : le taux est passé à 3 900 LL pour un taux de couverture de 100 % des factures validées et les montants engagés ont été cette fois empruntés par l’État (avec un intérêt fixé par la BDL). L’accord a été officialisé par un décret signé fin juin par Hassane Diab, mais qui ne semble pas avoir été publié dans le Journal officiel. Les autorités n’avaient pas communiqué à l’époque si les nouvelles modalités, devant alors s’appliquer pendant trois mois, seraient accompagnées d’un plafonnement de l’enveloppe à allouer.

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Fin de la phase de présélection des candidats pour l’appel d’offres

Selon nos informations, la Banque du Liban aurait finalement décidé de suspendre le mécanisme si l’État ne lui accordait pas une couverture légale, ou de continuer de le faire fonctionner mais en alignant le taux de conversion sur celui du marché parallèle, comme elle l’avait annoncé mardi soir, après avoir jugé que les montants qu’elle avait dû débourser en juillet pour du carburant étaient trop importants. Une information qui fait écho à un communiqué dans ce sens publié par l’institution fin juillet et dans lequel elle avait fait état d’une facture de 828 millions de dollars, mais qui incluait 120 millions d’avances à EDL et 415 millions pour des dossiers préalablement approuvés.

De manière générale, les réglementations locales et internationales en vigueur n’interdisent pas expressément à la BDL de puiser dans les réserves obligatoires. Mais passer ce cap est généralement considéré comme un mauvais signal au niveau financier. D’un autre côté, la mise en place de mesures de politique économique telles que les subventions doivent généralement s’inscrire dans le cadre de politiques préparées et assumées par les autorités d’un pays donné. Or la BDL a souvent assumé seule ce rôle par le passé (via notamment les prêts subventionnés au logement), le fonctionnement des institutions ayant été perturbé par de nombreuses crises politiques qui ont notamment poussé le pays à vivre l’essentiel de ces 20 dernières années sans budget général. Une conjoncture qui légitime le positionnement actuel du gouverneur, mais qui interpellent sur les raisons qui l’ont poussé à ne pas avoir fait pression plus tôt.

Nouveau coup dur pour les nerfs déjà éprouvés des Libanais, étouffés par la chaleur et la crise. Moins de 24h après avoir confirmé qu’elle n’était plus disposée à financer les mécanismes de subventions sur les carburants aux mêmes conditions, la Banque du Liban (BDL) a assuré hier qu’elle ne ponctionnerait plus ses réserves de devises à cette fin, comme le demandent...

commentaires (7)

Nous y sommes.... Bientôt, seul point positif, la circulation sera considérablement plus fluide, on nous avait pourtant promis, une fois de plus, des jours moins mauvais,en formant notamment un gouvernement crédible capable d'appliquer des réformes. Dans tout autre pays, le premier ministre désigné pond son gouvernement dans les 24 h. qui suivent. Pendant ce temps les autorités lancent des directives qui ne fonctionnent pas et dont presque personne ne s'en soucie, ces fameux circulaires!!, les importateurs et les commerçants prėssurent les gens, la brosse a dent mise sous scellé ā 155000 LL !!!On ne comprendra jamais comment chaque cambiste, avec la bénédiction des autorités, fixe son propre taux pour un produit, le dollar, devenu un véritable sésame.Le taux de change, ce ne sont pas que des chiffres, c’est surtout la réalité qu’il décrit : augmentation du coût de la vie et paupérisation de la population et l'autre petit général, y voyant là, une opportunité de se remplumer politiquement, enjoint ses partisans à protester contre toute nouvelle mesure. La seule question qui mériterait d'être posée, comment ces responsables politiques arrivent ils, encore, a rassembler..

C…

08 h 20, le 13 août 2021

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Commentaires (7)

  • Nous y sommes.... Bientôt, seul point positif, la circulation sera considérablement plus fluide, on nous avait pourtant promis, une fois de plus, des jours moins mauvais,en formant notamment un gouvernement crédible capable d'appliquer des réformes. Dans tout autre pays, le premier ministre désigné pond son gouvernement dans les 24 h. qui suivent. Pendant ce temps les autorités lancent des directives qui ne fonctionnent pas et dont presque personne ne s'en soucie, ces fameux circulaires!!, les importateurs et les commerçants prėssurent les gens, la brosse a dent mise sous scellé ā 155000 LL !!!On ne comprendra jamais comment chaque cambiste, avec la bénédiction des autorités, fixe son propre taux pour un produit, le dollar, devenu un véritable sésame.Le taux de change, ce ne sont pas que des chiffres, c’est surtout la réalité qu’il décrit : augmentation du coût de la vie et paupérisation de la population et l'autre petit général, y voyant là, une opportunité de se remplumer politiquement, enjoint ses partisans à protester contre toute nouvelle mesure. La seule question qui mériterait d'être posée, comment ces responsables politiques arrivent ils, encore, a rassembler..

    C…

    08 h 20, le 13 août 2021

  • "la Banque du Liban (BDL) a assuré hier qu’elle ne ponctionnerait plus ses réserves de devises à cette fin, comme le demandent l’exécutif et la présidence, à moins que ne soit adoptée une loi l’y autorisant" "le Premier ministre sortant avait qualifié d’« illégale » la décision du gouverneur avant d’estimer que le pays ne pouvait pas « supporter les graves répercussions d’une telle décision »" Salamé a raison. Il ne peut pas continuer à subventionner les contrebandier sans une loi l'y autorisant. C'est cela qui serait illégal et on l'inculperait plus tard pour l'avoir fait.

    Yves Prevost

    07 h 16, le 13 août 2021

  • Normal que la BDL réclame une loi … n’est ce pas la manière de fonctionner … le gouverneur faut pas l’oublier n’est qu’un fonctionnaire qui doit se plier au budget que le gouv établit

    Bery tus

    06 h 26, le 13 août 2021

  • Monsieur le président de la république, Monsieur le premier ministre démissionnaire. Les réserves obligatoires ne vous appartiennent pas. Elles n’appartiennent pas à l’Etat, elles n’appartiennent pas au gouvernement non plus.ELLES APPARTIENNENT AUX DÉPOSANTS QUE NOUS SOMMES ET DE CE FAIT, NOUS VOUS INTERDISONS DE TOUCHER AUX RÉSERVES OBLIGATOIRES. VOUS N’AVEZ PAS ÉTÉ CAPABLES DE GOUVERNER CE PAYS ET VOUS L’AVEZ MENÉ À LA FAILLITE AVEC VOTRE POLITIQUE MONÉTAIRE SUICIDAIRE ET IRRÉFLÉCHIE. POUR L’AMOUR DU CIEL ARRÊTEZ ARRÊTEZ ARRÊTEZ. RENTREZ CHEZ VOUS ET CESSEZ DE NOUS CAUSER DES MALHEURS

    Lecteur excédé par la censure

    06 h 19, le 13 août 2021

  • Voilà qu'après avoir deux années durant réglementé les retraits des dépôts des clients des banques à coup de circulaires toutes plus illégales les unes que les autres, notre Cher Gouverneur de la Banque centrale devient soudainement légaliste et exige une loi du Parlement pour poursuivre sa politique de subventions, politique qu'il appliquait jusqu'à présent et sans sourciller en puisant dans les réserves de la Banque du Liban qui ne sont autres que les fonds des déposants! Il en était temps. Est-ce l'effet des poursuites dont il fait l'objet dans pas moins de 4 pays dans le monde? Mieux vaut tard que jamais!

    Georges Airut

    05 h 06, le 13 août 2021

  • Un ans sans gouvernement déjà, car Aoun s'amuse à changer des chefs de gouvernement désignés. Seul responsable de la perte des milliards pour les subventions de la corruption. Le jeu est terminé, maintenant c'est l'enfer qui l'englobe avec son gendre.

    Esber

    01 h 04, le 13 août 2021

  • Ah, nous y voilà, le Hezbollah est contre l’arrêt des subventions. Ceci explique cela. Il est aussi hostile à l’augmentation du tarif de l’électricité depuis 1990, ce qui vaut aux Libanais de payer 2 factures au lieu d’une et de s’exposer à des risques inouïs en matière sanitaire; et au pays d’être quasi paralysé économiquement.

    Marionet

    00 h 44, le 13 août 2021

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