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Économie - Crise

La colère gronde dans tout le Liban face à la cascade de conséquences de la crise du carburant

Des restaurants sur tout le territoire ferment leurs portes jusqu'à nouvel ordre.
La colère gronde dans tout le Liban face à la cascade de conséquences de la crise du carburant

Des automobilistes faisant la queue pour acheter du carburant dans une station-service au sud de Tripoli. Photo d'archives João Sousa/L’Orient Today

Alors que le bras de fer entre la Banque du Liban (BDL) et les autorités politiques sur la levée des subventions se poursuit et paralyse le secteur des carburants et, avec lui, nombre de secteurs, la rue continuait de bouillir vendredi dans le pays, où de nombreuses routes ont été bloquées par des manifestants en colère. Parallèlement, nombre de restaurants, commerces, entreprises, ONG voire centres commerciaux, annonçaient la cessation temporaire de leur activité, la fermeture d'une branche, ou l'arrêt de la climatisation, faute de carburant pour faire tourner les générateurs.

Mercredi soir, la BDL avait annoncé qu'elle arrêterait de subventionner les produits hydrocarbures. Son gouverneur, Riad Salamé, avait fait savoir jeudi qu'il ne pouvait plus maintenir les subventions sur les importations de carburant en place sans devoir puiser dans les réserves obligatoires des banques auprès de la Banque centrale (soit l’argent des déposants), ce qui nécessite selon lui l'adoption d'une loi au Parlement. Les réserves en devises étrangères de la BDL ont fondu de plus de moitié depuis le début de la crise à l'automne 2019, passant de 32 milliards de dollars à environ 15 milliards aujourd'hui. Mais les autorités refusent cette levée abrupte des subventions et plaident pour une rationalisation progressive, qui aurait dû être mise en place depuis des mois, dans l'attente d'une carte d'approvisionnement permettant aux familles démunies de faire face à la crise. Le secteur des carburants est donc suspendu à la décision que pourraient prendre les autorités. Si celles-ci décident de publier de nouveaux tarifs, basés sur le taux du marché parallèle et non sur un taux subventionné à 3.900 livres libanaises pour un dollar, comme c'est jusqu'à présent le cas, le prix du bidon d'essence pourrait augmenter de 344% et celui du diesel d'environ 387%.

Colère et désarroi
C'est donc par crainte d'une telle augmentation, des prix de l'essence et du mazout, que les Libanais sont descendus dans la rue depuis le matin pour exprimer leur colère et leur désarroi. Des axes routiers ont ainsi été bloqués aux différentes entrées de Beyrouth, à Dora, et Jnah. Dans le Nord, des routes ont été bloquées à Beddaoui, à l'entrée sud de Tripoli, au niveau du complexe de Palma, ainsi qu'à Minié, provoquant des embouteillages monstres.

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Dans la Békaa, des manifestants ont temporairement empêché la circulation le long de la route Chtaura-Masnaa. Des agriculteurs de Qaa ont pour leur part bloqué la route principale de ce village de la Békaa frontalier de la Syrie afin de protester contre le rationnement de mazout imposé à leur filière. "Nous voulons exprimer notre colère face à tous ceux qui monopolisent le carburant", a déclaré lors de ce sit-in un représentant des agriculteurs. Il a réclamé que le mazout leur soit fourni "de la même manière qu'aux hôpitaux" afin de pouvoir continuer à approvisionner le Liban en fruits et légumes. Des centaines d'hectares de la région sont menacés par la sécheresse, a-t-il mis en garde, soulignant que cela provoquerait "la famine de centaines de familles". Il a annoncé que les agriculteurs auraient recours à des mesures "d'escalade" si la situation ne change pas.

Vers le Sud, la route de Choueifate a été fermée par des manifestants et la circulation interrompue au niveau du croisement de Richani. Dans la ville de Hadeth, une bagarre a éclaté entre des manifestants qui bloquaient des routes en signe de colère, et des automobilistes qui tentaient de se frayer un passage. L'armée est intervenue afin de calmer la situation. A Nabatiyé, plusieurs dizaines de personnes ont pris d'assaut le Sérail afin de réclamer de l'électricité, scandant des slogans dénonçant la crise. Non loin, dans la localité de Kfarremmane, des jeunes ont intercepté un camion-citerne et réclamé qu'il vide son chargement dans les générateurs de la région. Un incident similaire est survenu à Baïssariyé, près de Saïda, lorsque des jeunes ont arrêté un camion-citerne et réquisitionné sa cargaison

En l'absence de nouveaux tarifs, la plupart des stations-service du pays étaient par ailleurs fermés vendredi, tandis que des files interminables d'automobilistes se pressaient devant les quelques établissements encore ouverts. A Saïda, les rares pompes ouvertes ont été prises d'assaut dès 5h du matin, selon notre correspondant dans le Sud Mountasser Abdallah. Un incident est par ailleurs survenu devant une station de la grande ville du Sud et des tirs ont été entendus. Dans la Békaa, toutes les stations situées entre Chtaura et Zahlé étaient fermées, rapporte notre correspondante dans la région Sarah Abdallah.

Avant épuisement des stocks
Commentant la paralysie actuelle du secteur, le porte-parole du syndicat des propriétaires de stations-service Georges Brax a appelé les responsables politiques et Riad Salamé à se mettre d'accord sur le sort des subventions des carburants avant que les réserves des stations-service ne soient épuisées. "La population, les propriétaires de stations-service et le secteur du carburant dans son ensemble paient le prix fort des discordes entre les autorités politiques et la Banque du Liban. Et ce sont les Libanais qui souffrent", a déclaré M. Brax dans un communiqué. Il a appelé les responsables et M. Salamé à ramener à la normale la distribution des carburants sur le marché, avant que les réserves des stations-service ne s'épuisent, que le pays soit plongé dans l'obscurité totale et paralysé par l'arrêt forcé de la circulation.

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De son côté, la Direction générale du pétrole au sein du ministère de l'Energie a affirmé que les installations pétrolières et les sociétés importatrices de carburant étaient obligées de fournir à leurs clients tout leur stock acheté à un taux de 3.900 livres libanaises pour un dollar, alors que certains accusent les sociétés de stocker ces produits pour pouvoir les revendre avec une marge beaucoup plus importante, une fois un nouveau tarif établi. "Conformément à ce qui avait été décidé lors d'une réunion organisée fin juillet avec les responsables sécuritaires et judiciaires concernant le contrôle des opérations des installations pétrolières et des sociétés importatrices, celles-ci sont obligées de vendre les produits qu'elles stockent, et qu'elles ont acheté au taux de 3.900 LL, et donc au prix officiel publié par le ministère de l'Energie mercredi", a indiqué la Direction générale dans un communiqué. Cela est une obligation "jusqu'à ce que la Banque du Liban, qui est la référence pour fixer les taux des devises étrangères face à la livre libanaise, fixe une tarification claire et officielle pour l'importation des carburants", précise l'administration.

Restaurants fermés
La crise des carburant se répercute nécessairement sur le secteur de l'alimentation. De longues files d'attente se sont formées devant les boulangeries du pays, notamment à Saïda et à Beyrouth, alors que les minoteries fonctionnent au ralenti et que certains boulangers sont obligés de rationner leur production faute de carburant.

Le secteur du gaz n'était lui non plus pas épargné par la crise. Le président du syndicat des employés du secteur, Farid Zeinoun, a averti vendredi que le stock actuel de bonbonnes de gaz dans le pays serait épuisé d'ici cinq jours et a appelé la BDL à permettre à deux navires transportant du gaz et se trouvant au large du pays depuis plusieurs jours de décharger leurs marchandises.

Enfin, Ogero, l'opérateur public en charge des télécoms au Liban, a de son côté annoncé la suspension du réseau internet dans plusieurs localités du Akkar (Nord), dont Akkar el-Attika, Fneidek, Hrar, Heissa, Abboudiyyé et Arida, faute de mazout pour alimenter les générateurs permettant de faire fonctionner ses infrastructures. Ogero a assuré sur Twitter que ses équipes techniques œuvraient à résoudre le problème.

Directement affectés par ces pénuries de courant, des restaurants, cafés et autres commerces à travers le territoire ont annoncé en série vendredi la fermeture de leurs portes jusqu'à nouvel ordre. "En raison des coupures de courant et du manque de mazout, nous sommes contraints de fermer nos portes jusqu'à nouvel ordre", peut-on lire dans un message publié sur les réseaux sociaux par l'un de ces commerces affectés. Le centre commercial CityMall situé à Dora a également annoncé sa fermeture en raison des pénuries.

Alors que le bras de fer entre la Banque du Liban (BDL) et les autorités politiques sur la levée des subventions se poursuit et paralyse le secteur des carburants et, avec lui, nombre de secteurs, la rue continuait de bouillir vendredi dans le pays, où de nombreuses routes ont été bloquées par des manifestants en colère. Parallèlement, nombre de restaurants, commerces, entreprises, ONG...

commentaires (4)

Pourquoi alarmer inutilement les citoyens? Regardez comment à BATROUN, FARAYA ET FAQRA , la vie continue normalement, les restaurants pleins à craquer avec un ticket minimum de 1 million par personne et la night life bat son plein. Bien sûr, les autres libanais peuvent crever ça ne concerne pas leurs concitoyens nantis grâce notamment au blanchissement d’argent frais

Liberté de penser et d’écrire

09 h 08, le 15 août 2021

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Commentaires (4)

  • Pourquoi alarmer inutilement les citoyens? Regardez comment à BATROUN, FARAYA ET FAQRA , la vie continue normalement, les restaurants pleins à craquer avec un ticket minimum de 1 million par personne et la night life bat son plein. Bien sûr, les autres libanais peuvent crever ça ne concerne pas leurs concitoyens nantis grâce notamment au blanchissement d’argent frais

    Liberté de penser et d’écrire

    09 h 08, le 15 août 2021

  • Le pire c’est que s’il y a des élections demain les mêmes rééliront les mêmes.

    JiJii

    22 h 01, le 13 août 2021

  • Les libanais que le gouverneur d’un banque nationale ne peut pas plutôt n’a pas le droit de toucher aux réserves obligatoires sans une loi votée par le  parlement dans un cas dernier recours dans où le pays n’est plus en situation d’assurer le nécessaire à ses citoyens. A SES CITOYENS et non pas aux pays voisins pendant que le peuple libanais est à l’affût de la moindre goutte de mazout, ou une poignée de blé, ou même un lait pour les nourrissons. Tous les centimes de millions avancés à ce jour n’ont pas profité au peuple alors comment voulez-vous qu’on puise dans leurs réserves pour que les fossoyeurs nourrissent le peuple voisin pour satisfaire uniquement leur tortionnaire? Leur colère doit se retourner contre tous ces vendus qui font de tout pour détourner le regard des libanais de leurs geôliers assassins.

    Sissi zayyat

    19 h 38, le 13 août 2021

  • Si le peuple est debile à ce point … pour croire encore que ce n’est que la faute au gouverneur de la BDL … même avec une centaine de plainte en Europe c’est que vraiment vous nous le peuple libanais nous méritons ce qui nous arrivent

    Bery tus

    18 h 38, le 13 août 2021

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