Le président libanais, Michel Aoun, qui s'est rendu à Bkerké afin de féliciter le patriarche maronite Béchara Raï pour la fête de Pâques pour les communautés catholiques, a affirmé attendre le retour au Liban du Premier ministre désigné, Saad Hariri, pour une "sortie du tunnel sombre" de la formation du gouvernement. M. Hariri se trouve actuellement aux Émirats arabes unis, quelques semaines après une tournée internationale qu'il a effectué pour obtenir des soutiens.
Le président Aoun a également affirmé samedi qu'à chaque fois qu'un obstacle était surmonté sur le plan de la formation du gouvernement, un autre réapparaissait. Toutefois, le chef de l'État s'est déclaré optimiste malgré la crise politique qui frappe le Liban depuis près de huit mois. Cette impasse politique aggrave la crise socio-économique et financière aiguë dans laquelle est embourbé le Liban depuis l'été 2019.
"Nous sommes venus féliciter le patriarche à l'occasion de la fête de Pâques et lui souhaiter, ainsi qu'au peuple, que le Liban sorte du tunnel sombre dans lequel il se trouve", a annoncé Michel Aoun à l'issue de l'entretien qui a duré environ une heure. "Nous espérons également que la fête de Pâques sera plus joyeuse l'année prochaine, grâce aux efforts des responsables et de la population, car il ne peut y avoir de responsables s'il n'y a pas de population. Le pouvoir central est aux mains du peuple libanais", a-t-il ajouté.
Le patriarche, premier facilitateur
A la question de savoir quand le Liban sortira "du tunnel sombre", Michel Aoun a répondu laconique : "Lorsque le Premier ministre désigné (Saad Hariri) reviendra au Liban". Ce dernier se trouve en effet aux Émirats arabes unis pour une courte visite, mais son entourage avait fait savoir qu'il était disposé à rentrer à Beyrouth en cas d'avancée sur le dossier gouvernemental. Interrogé ensuite par les journalistes sur une possible formation du gouvernement la semaine prochaine, le président Aoun a répété : "Attendons que le Premier ministre désigné rentre" au Liban. Prié de dire si tous les obstacles à la formation du gouvernement ont été surmontés, il a répondu par la négative : "Non, les obstacles se succèdent. À chaque fois qu'on surmonte un obstacle, un autre apparaît". "Mais je suis toujours optimiste", a-t-il dit.
Aux journalistes qui lui ont demandé s'il était d'accord avec les efforts entrepris par le patriarche maronite pour faciliter la mise sur pied du cabinet, le chef de l'État a répondu : "À la base, c'est le patriarche qui est le premier facilitateur" du processus.
Le Liban en crise est sans cabinet actif depuis depuis la démission de celui de Hassane Diab, il y a près de huit mois, dans la foulée des explosions meurtrières du 4 août au port de Beyrouth. Michel Aoun et Saad Hariri ne sont toujours pas parvenus à former une nouvelle équipe, alors que celle-ci est plus que jamais indispensable afin de réformer un pays et obtenir des aides substantielles de la communauté internationale.
Actuellement, le président du Parlement, Nabih Berry, tente de lancer une initiative pour la formation d'un cabinet de 24 ministres, sur proposition du leader druze Walid Joumblatt. Et le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a fait preuve d'ouverture dans ce sens lors de son dernier discours, dans une tentative de désescalade.
La visite du président Aoun à Bkerké a eu lieu quelques heures après une nouvelle charge du patriarche à l'encontre des responsables politiques, qu'il appelle depuis des mois à former un cabinet sans plus attendre. Samedi matin, dans son message de Pâques, le chef de l'Église maronite avait lancé plusieurs piques implicites en direction du chef de l'État. Il avait en outre estimé que la la classe dirigeante libanaise est "très éloignée de la culture de la compassion" et regretté que ce concept soit de moins en moins présent dans "la conscience humaine", qui est "sous l'influence du matérialisme, des intérêts personnels, de la dégradation morale et de la corruption endémique sous toutes ses formes".
Désigner les corrompus
C'est dans ce cadre que le chef de l'État avait appelé, après ce message pascal et avant sa visite à Bkerké, à ne pas "généraliser" les accusations lancées contre les responsables. Il avait estimé, dans un tweet, que "la première étape dans la lutte contre la corruption consistait à désigner les corrompus" par leur nom.
"La première véritable étape dans la lutte contre la corruption consiste à dévoiler les corrompus et à les pointer du doigt clairement", a écrit Michel Aoun sur son compte Twitter personnel. "Quant à la généralisation de l'accusation, elle est dans l'intérêt des corrompus car c'est une méconnaissance de la véritable corruption et elle induit en erreur l'opinion publique", a ajouté le président, qui répète souvent qu'il lutte contre la corruption tout en faisant face à un système qui lui met des bâtons dans les roues. Il évite souvent de nommer les personnes ou les partis qu'il accuse de pratiquer la corruption.
Le président de la République fait partie des figures politiques accusées de corruption par le soulèvement populaire du 17 octobre 2019 et les dernières protestations. Des Libanais continuent à descendre dans la rue pour réclamer son départ, cinq ans après le début de son mandat présidentiel, tandis que le Liban est en proie à une crise politique, économique et sociale sans précédent, marquée par une hyperinflation et une paupérisation de la population.
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Le Général Aoun a toujours défendu la souveraineté de L'Etat libanais contre les palestiniens et leurs alliés, contre les milices chrétiennes, contre les syriens et, d'une certaine façon, contre les saoudiens lorsque M. Hariri était retenu à Ryad. Il ne m'est pas difficile de lui faire confiance.
NASSER Jamil
01 h 47, le 05 avril 2021