A l'occasion de la messe du dimanche des Rameaux pour les communautés catholiques, le patriarche maronite Béchara Raï a une fois de plus appelé le président de la République Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri à s'entendre pour former un gouvernement attendu depuis bientôt huit mois, en raison d'un bras de fer politique que se livrent les deux hommes. Cette impasse aggrave de jour en jour la situation du Liban, déjà en proie à une grave crise socio-économique et financière.
"La classe politique aurait pu changer la perception de la population envers elle et se renflouer, si seulement elle avait pris conscience de la réalité (...) et avait œuvré au sauvetage du Liban, surtout après l'explosion au port de Beyrouth. Mais la plupart des responsables ont persisté dans l'erreur, l'échec et la négligence. Certains ont même donné la priorité aux intérêts de pays étrangers, sans se soucier de la population qui les a élus, prouvant ainsi qu'ils sont inaptes à gouverner (...)", a déploré Mgr Raï, lors de la messe célébrée à Bkerké.
Une triste fête des Rameaux
"Nous refusons cette réalité et condamnons tout responsable politique qui a mené l'État et la population vers cette situation désespérante. Le patriarcat n'a jamais cautionné des dirigeants qui refusent de sauver le Liban et sa population. Le patriarcat n'a jamais soutenu un pouvoir qui refuse sciemment de respecter les échéances constitutionnelles et bloque la formation des gouvernements. Le patriarcat n'a jamais soutenu des groupes politiques qui font primer leurs ambitions personnelles au détriment de la souveraineté et de l'indépendance du Liban", a martelé le prélat.
"La fête des Rameaux est triste en ce jour, à cause des dirigeants politiques qui laissent nos familles orphelines. Ces familles s'attendaient en guise de cadeau à un gouvernement non-partisan, de sauvetage, formé d'experts indépendants. Nous espérons que nos dirigeants ne priveront pas nos familles de ce cadeau à l'occasion de la fête de Pâques", a poursuivi le chef de l'Église maronite. "Pour cela nous espérons que le président de la République et le Premier ministre désigné réaliseront qu'en vertu de la confiance mutuelle et des responsabilités partagées, ils sont condamnés à se concerter et se mettre d'accord, en se basant sur les règles en place depuis les modifications constitutionnelles datant de 1990, après l'accord de Taëf. Ces règles prévoient que les deux responsables fixent ensemble les critères et chacun d'eux choisit des ministres puis s'entendent sur la totalité de la formule", a-t-il rappelé.
Le Liban est toujours sans gouvernement actif depuis la démission du cabinet de Hassane Diab, dans la foulée de la double explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Lundi, le processus gouvernemental était une fois de plus revenu à la case départ à l'issue d'une très brève et orageuse réunion entre MM. Aoun et Hariri, qui campent tous les deux sur leurs positions et s'accusent mutuellement du blocage. Ils se livrent dans ce cadre une bataille au sujet des prérogatives qui leur sont octroyées par la Constitution.
Déjà jeudi, alors qu'il présidait la messe de la fête de l'Annonciation et du dixième anniversaire de sa nomination à la tête de l'Église maronite, Béchara Raï avait réitéré son appel au Premier ministre désigné et au chef de l'État à reprendre les tractations pour la formation du gouvernement. Mardi dernier, le prélat avait pris contact avec le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres. Ce dernier avait alors exprimé "sa grande préoccupation" et rappelé l’importance de la formation rapide d’un gouvernement et de ne pas entraîner le pays dans "des conflits". De son côté, le patriarche maronite avait dénoncé "l’incapacité" des dirigeants à "s’asseoir ensemble pour se mettre d’accord sur un projet de sauvetage". Cette impasse politique a poussé les chancelleries au Liban à intensifier ces derniers jours leurs contacts entre elles ainsi qu'avec les dirigeants du pays, afin de les inciter à former le gouvernement.
"Le langage du défi et de l'intimidation"
Le métropolite de Beyrouth, Mgr Elias Audi, a lui aussi fustigé les dirigeants libanais en de forts termes, lors de son homélie. "Il est honteux que la formation du gouvernement soit suspendue en raison d'agissements claniques, où chacun réclame la part de son clan au détriment de l'intérêt du pays et de la société, a déploré le dignitaire chrétien. Le langage du défi et de l'intimidation est rejeté. Des concessions sont requises et les responsables doivent s'entendre autour de l'idée d'une nation unifiée, libre et indépendante, pour sortir de la crise. (...) C'est pour cela qu'il faut former un gouvernement qui travaillera nuit et jour et lancera une série de réformes pour rassurer la population et les pays étrangers", a insisté Mgr Audi. "Mettez vos intérêts, vos allégeances et vos ambitions de côté et formez un gouvernement qui puisse accomplir les réformes nécessaires", a-t-il répété en s'adressant aux dirigeants du pays.
commentaires (5)
Cher Mgr Raï : un des évangiles disait qu'on ne rafistole pas une ancienne jarre pour mettre du vin nouveau sinon on perd la jarre et surtout le vin. Le prez et le pm sont des jarres obsolète et notre avenir est du vin très jeune!!! Ce n'est pas avec cette jarre qu'on bâtira l'avenir de notre pays et de nos jeunes! Il est temps qu'ils laissent la scène à du sang neuf...
Wlek Sanferlou
18 h 59, le 29 mars 2021