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Politique - GRAND ANGLE

Comment la classe politique a eu la peau de Fadi Sawan

Le juge d’instruction a provoqué un bras de fer qu’il ne s’est pas donné les moyens de remporter.

Comment la classe politique a eu la peau de Fadi Sawan

Le port de Beyrouth au lendemain de la double explosion, le 5 août 2020. Photo AFP

Le couperet tombe aux alentours de 13h, ce jeudi 18 février. Le juge Fadi Sawan, chargé de l’enquête sur les explosions du port de Beyrouth, l’affaire la plus complexe de l’histoire de la justice libanaise, est démis de ses fonctions par la sixième chambre pénale de la Cour de cassation. Cette dernière a répondu favorablement au recours pour suspicion légitime présenté par les deux députés du mouvement Amal, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, mis en cause dans cette affaire. Dans un pays où la sphère politique intervient quotidiennement, et sans même s’en cacher, dans les affaires judiciaires, la décision est reçue avec beaucoup de suspicion et de colère. D’autant plus que de nombreux éléments avalisent la thèse d’une interférence politique. À commencer par la composition de la sixième chambre pénale de la Cour de cassation.

Son président, Joseph Samaha, qui a la réputation d’être un homme intègre et un éminent magistrat, a pris sa retraite il y a quelques mois. Pour le remplacer à titre provisoire, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont 8 des 10 membres sont nommés par décret en Conseil des ministres et dont les décisions doivent être prises à la majorité, a nommé Jamal Hajjar – qui n’a pas souhaité s’exprimer –, considéré comme un proche du Premier ministre désigné Saad Hariri. Face à ce dossier sensible, François Élias, qui appartient également à la chambre, préfère se désister, comme le code de procédure pénale le lui permet. Il est remplacé au bout de trois semaines, après que « plusieurs noms ont été écartés », selon une source proche du dossier. C’est finalement Yvonne Bou Lahoud, une juge qui a plutôt bonne réputation mais qui est spécialisée dans le civil et non dans le pénal, qui hérite du dossier. Son avis sera pourtant déterminant. À l’instar de Jamal Hajjar, elle approuve la récusation de Fadi Sawan contre l’avis de Fadi Aridi, le troisième magistrat composant cette sixième chambre, qui a été formé sous l’aile de Joseph Samaha. La décision est prise à la majorité des deux tiers. La Cour a tranché : Fadi Sawan est écarté. Pour quels motifs ? On y reviendra plus tard. La nouvelle provoque en tout cas un miniséisme dans la sphère judiciaire où tout le monde redoute l’impact qu’elle risque d’avoir non seulement sur la suite de l’enquête, mais aussi sur toute la profession. « C’est comme si la justice se tirait elle-même une balle dans le pied », commente Chucri Sader, ancien président du Conseil d’État. Entre les lignes, le message est limpide : la Cour de cassation a signifié à Fadi Sawan qu’il avait franchi les lignes rouges en s’attaquant aux responsables politiques. « La décision de la Cour est venue décourager un juge qui voulait se comporter de manière indépendante. Cela pourrait avoir un impact sur cette affaire et sur toutes les autres », décrypte Nizar Saghiyeh, directeur de l’Agenda légal. L’éviction du juge d’instruction sonne comme le résultat d’un bras de fer de plusieurs mois à l’ombre d’une enquête dans laquelle une bonne partie de la classe politique a beaucoup de choses à cacher. Et à perdre.

Veto du CSM

Retour au 4 août, cette date funeste gravée dans toutes les mémoires. Les jeunes volontaires sont encore en train de déblayer les rues des cendres et des débris produits par l’explosion qui a fait plus de 200 morts et 6 500 blessés quand Michel Aoun écarte, dès le 7 août, toute possibilité d’enquête internationale. Elle « diluerait la vérité », se justifie le président de la République. En l’absence d’une telle démarche, beaucoup redoutent pourtant que la vérité ne soit jamais révélée dans un pays où l’on assassine en toute impunité. « La justice libanaise est noyautée et n’a pas les moyens de faire une enquête de cette envergure », estime Chucri Sader. L’enjeu est crucial. Mais les esprits, encore sous le choc, ne sont pas en état de mener cette bataille qui devrait mobiliser les foules. Le pouvoir remporte la première manche sans difficulté.

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Sa mainmise sur le système judiciaire local lui permet de penser qu’il sera en mesure de contrôler l’enquête. À commencer par la désignation de celui chargé de la mener. La nomination se fait sur proposition de la ministre de la Justice qui doit être ensuite validée par le CSM. À travers cette instance, dans laquelle tous les partis sont représentés, le politique peut intervenir dans les grands dossiers judiciaires. Son président, Souhail Abboud, est un juge indépendant qui vise à réformer la magistrature. Mais il est bien seul au milieu des autres magistrats ayant tous des relations privilégiées avec les hommes politiques, au premier rang desquels figure le procureur général, Ghassan Oueidate, proche de Saad Hariri. Souhail Abboud et Ghassan Oueidate n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations.

Marie-Claude Najm propose d’abord le nom de Samer Younès, un jeune juge déterminé à bousculer le système. Veto du CSM. Puis celui de Tarek Bitar, faisant également partie de la nouvelle génération qui cherche à s’émanciper des politiques, mais avec un profil moins révolutionnaire sur le papier. Celui-ci fait part de ses réserves durant l’audition. Il n’est pas retenu par le CSM. Le choix se porte finalement sur Fadi Sawan. Ce magistrat, né en 1960, ne devrait pas faire de vagues a priori. Il a appris à naviguer dans ces eaux troubles où le droit se mêle aux intérêts politiques durant sa longue carrière au tribunal militaire où il a cultivé son goût pour la discrétion. S’il a su malgré tout préserver son indépendance, il n’a jamais contesté l’ordre établi, ce qui sème le doute quant à sa capacité à résister aux pressions dans une affaire aussi délicate que celle de l’explosion de 2 750 tonnes de nitrate dans le port de Beyrouth.

Privilège de l’immunité

Tout dans cette affaire est pourtant fondamentalement politique. En résumé, le juge d’instruction doit répondre à trois questions essentielles. Qui a importé le nitrate à Beyrouth, une matière qui, avec cette concentration d’azote, ne peut entrer légalement sur le territoire libanais qu’après une décision du Conseil des ministres? Qui est responsable de son stockage dans des conditions déplorables pendant six ans ? Et, enfin, qu’est-ce qui est à l’origine de l’explosion du 4 août ? Faute de moyens, Fadi Sawan – qui n’a pas répondu à nos sollicitations – aurait concentré, a priori, le plus gros de ses efforts sur le deuxième volet. Le magistrat travaille dans le plus grand secret et bénéficie de larges prérogatives. Dès sa prise de fonctions, il place 25 personnes en détention sans en expliquer la raison, dont Joseph Naddaf, le capitaine qui a alerté les autorités sur le danger que représente le stockage du nitrate d’ammonium au port. Les semaines passent et la méthode de travail du juge ressemble de plus en plus à une énigme. Il ne tient aucune conférence de presse et la seule photo où il apparaît le montre de profil en compagnie du chef de l’armée, le général Joseph Aoun. Pouvait-il être plus loquace ? La question divise jusqu’à aujourd’hui. Il est normalement tenu de respecter le secret de l’instruction. « Mais compte tenu de l’ampleur de la catastrophe, il est envisageable d’avoir une vision moins classique et de s’adresser directement à l’opinion publique pour lui communiquer certaines informations. J’avais proposé cela au ministère public et au juge d’instruction, mais je ne pouvais pas l’imposer, ni le faire moi-même bien sûr, car le ministre de la Justice n’a naturellement pas accès au contenu du dossier », dit Marie-Claude Najm.

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Les seules informations qui sortent dans la presse donnent le sentiment qu’il s’attaque aux petits poissons et a l’intention d’épargner les gros bonnets. Fausse impression. Appuyé par le barreau et des organisations de la société civile, Fadi Sawan va franchir le Rubicon le 10 décembre et inculper l’ancien ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, les anciens ministres des Travaux Youssef Fenianos et Ghazi Zeaïter et – fait inédit au Liban – le Premier ministre sortant Hassane Diab. Là encore, aucune communication de la part du magistrat. Tout ce que l’on sait vient de ce qui a pu fuiter dans la presse. Les quatre responsables politiques seraient mis en cause pour « négligence ». Important à retenir pour la suite de l’histoire. « Les accusés avaient reçu plusieurs rapports écrits les mettant en garde contre tout atermoiement pour se débarrasser du nitrate d’ammonium », précise une source judiciaire à l’AFP. Tous crient à l’injustice et considèrent que le magistrat viole les lois et la Constitution. En tant que députés, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter bénéficient du privilège de l’immunité prévu par l’article 40 de la Constitution qui dispose « qu’aucun membre de la Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté pour infraction à la loi pénale qu’avec l’autorisation de la Chambre, sauf dans le cas de flagrant délit ». Là aussi, important à retenir pour la suite de l’histoire. Le président du Conseil des ministres et les ministres doivent quant à eux être jugés par la Haute Cour s’ils sont mis en accusation par la Chambre des députés, à la majorité des deux tiers. En tant qu’ancien ministre et Premier ministre démissionnaire, les accusés devraient quand même pouvoir bénéficier de ce régime dérogatoire. Mais la jurisprudence a évolué depuis le début des années 2000, notamment après l’affaire Barsoumian – du nom de l’ancien ministre de l’Industrie condamné à une peine de 11 mois de prison –, et considère désormais que la justice ordinaire demeure compétente tant que le Parlement ne décide pas de se saisir de l’affaire. Fadi Sawan s’est appuyé sur cette jurisprudence. À la fin du mois de novembre, le magistrat a demandé au Parlement d’enquêter sur plusieurs ministres et anciens ministres soupçonnés d’avoir manqué à leur devoir. Mais le Parlement n’a pas répondu à sa requête, ce qui l’a poussé à inculper les responsables politiques. Une information démentie à l’époque par le secrétaire général du Parlement, Adnane Daher, proche du président de la Chambre Nabih Berry. Quelques semaines plus tard, le vice-président du Parlement, Élie Ferzli, admettra toutefois que la demande a bien eu lieu mais justifiera le refus du Parlement de s’y conformer par l’absence de documents et de preuves justifiant ces accusations.

Manque d’intelligence politique

Alors que l’affaire ne semblait pas intéresser grand monde jusqu’ici dans la sphère politique, celle-ci se déchaîne après la mise en cause des quatre responsables. Jouant sur la fibre communautaire, Hassane Diab réagit en estimant que son inculpation vise « au-delà de la personne, un poste », comme pour lancer un appel à l’aide au leadership sunnite. Message reçu cinq sur cinq. Dès le lendemain, Saad Hariri, le mufti de la République Abdellatif Deriane ainsi que les anciens Premiers ministres Tammam Salam et Fouad Siniora viennent à son secours. L’histoire ne manque pas d’ironie. Toutes ces figures avaient vu d’un très mauvais œil la nomination de Hassane Diab, qu’ils considéraient comme une marionnette au service du Hezbollah et des aounistes. Pendant des mois, Saad Hariri n’avait pas caché son dédain pour ce « technocrate » qui nourrissait l’ambition de lui disputer son leadership sur la communauté sunnite. Mais la fibre communautaire a ses raisons que la politique ignore. Le 11 décembre, le Premier ministre désigné se rend au Sérail pour la première fois depuis la nomination de Hassane Diab pour lui apporter son soutien. Le même jour, le Hezbollah publie un communiqué accusant le juge Sawan de politiser l’enquête. Pas de doute : le juge d’investigation est déjà sur la sellette. Il s’est lancé dans un bras de fer qu’il n’a pas les moyens de gagner. Et en refusant de communiquer, il entretient une opacité qui fait le jeu de ses adversaires, qui l’accusent notamment d’être une arme au service des aounistes. Pourquoi le président n’a-t-il pas été également mis en cause ? Pourquoi avoir choisi ces quatre personnalités si la responsabilité du stockage s’étend sur six ans? Fadi Sawan n’a pas agi en amateur, assurent plusieurs sources proches du dossier. « Et rien ne dit qu’il ne comptait pas mettre en cause d’autres personnalités politiques par la suite », ajoute l’une d’entre elles. Mais force est de constater que le magistrat a manqué d’intelligence politique en lançant une pierre dans la mare et en espérant que celle-ci ne coule pas. « Il a toutes les raisons d’interroger ces responsables, y compris Hassane Diab. Mais cela fait six ans que le nitrate est stocké dans le port et lui n’est là que depuis un an », dit Moustapha Allouche, le vice-président du courant du Futur.

Le 13 décembre, Fadi Sawan reçoit le soutien du patriarche Béchara Raï qui appelle la classe politique à ne pas interférer. Le 14, Hassane Diab refuse d’être interrogé par le magistrat. Le même jour, le procureur Oueidate se retire du dossier, étant le beau-frère de Ghazi Zeaïter.

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Les deux députés d’Amal, qui n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations, refusent à leur tour de comparaître le 16. Le lendemain, ils présentent un recours pour suspicion légitime auprès de la Cour de cassation. Le soir même, des manifestants tiennent un sit-in devant le domicile du magistrat pour le soutenir dans sa démarche. Mais il est déjà trop tard. En moins d’une semaine, Fadi Sawan a perdu son pari. L’enquête est gelée. Et ses jours en tant que juge d’instruction sont comptés. « Fadi Sawan a prouvé que lorsqu’un juge veut faire preuve d’intégrité et d’indépendance, il le peut même dans les circonstances actuelles », le défend toutefois l’avocat pénaliste Akram Azouri.

« L’enquête est désormais terminée »

Le 30 décembre, le juge Sawan remet à la Cour de cassation le dossier de l’enquête, sous la pression de cette dernière. Elle le lui rendra le 11 janvier après avoir rejeté la demande des deux députés de la suspendre. Une façon, peut-être, de calmer l’opinion publique. L’enquête peut reprendre, mais un nouvel élément va venir la bouleverser. Le 12 janvier, la chaîne al-Jadeed publie le résultat d’un long travail d’investigation révélant l’implication de trois hommes d’affaires syriens (Georges Haswani, Imad et Moudallal Khouri), proches du régime de Bachar el-Assad, dans l’acheminement vers le port de Beyrouth de la cargaison de nitrate d’ammonium. L’ombre du régime syrien plane désormais au-dessus de l’explosion du port et fait naître encore plus de doutes quant à la capacité de la justice libanaise à faire éclore la vérité. Quelques jours plus tard, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, déclare que « l’enquête est désormais terminée ». « Comment un homme politique peut-il donner de cette manière un ordre à l’instruction? Cela montre qu’il ne veut surtout pas que l’on sache qui a importé le nitrate, pour le compte de qui et dans quel but », décrypte Nizar Saghiyeh.

On arrive à la date fatidique du 18 février. La ministre de la Justice apprend le dessaisissement de Fadi Sawan par la presse. « Je n’ai jamais interféré ni posé la moindre question sur le contenu de l’enquête, par respect pour l’indépendance de la justice. S’il y a des pressions politiques, je demande au juge de s’exprimer et de les dénoncer », dit Marie-Claude Najm. « Il n’y a rien de politique dans toute cette affaire, c’est juste technique », assure un député d’Amal qui a souhaité garder l’anonymat. Attardons-nous justement sur l’aspect technique. C’est complexe, un peu rébarbatif, mais essentiel pour comprendre ce qui s’est joué devant la 6e chambre.

« Deux trucs ridicules »

Cette dernière était censée juger si dans le comportement de Fadi Sawan il y avait matière à suspecter son objectivité. Mais elle n’avait pas à évaluer la légalité de sa démarche, puisqu’elle était saisie pour un recours en récusation et non pour un pourvoi en cassation. C’est ce que va expliquer Fadi Aridi dans son avis dissident. La Cour est ainsi sortie de son rôle, affirment plusieurs sources judiciaires au fait du dossier, qui considèrent que son jugement n’a pas de fondement juridique suffisant. Pourquoi ? Parce que les deux motifs sur lesquels il s’appuie ne sont pas solides. « Il y avait une volonté de noyer le poisson, alors la Cour s’est fondée sur deux trucs ridicules pour écarter Sawan », estime Chucri Sader.

Ces « trucs ridicules », c’est d’abord le fait d’estimer que parce que la maison qu’il occupe, qui appartient à sa femme, a été endommagée par l’explosion, l’objectivité du juge d’instruction peut être remise en question. « Cette décision crée un précédent très dangereux puisque cela pourrait être la règle à l’avenir, notamment dans le cas de procès intentés contre les banques. Quel juge n’a pas un compte en banque ? » s’alarme une source proche du dossier.

Mais la Cour a principalement motivé sa décision par le fait que Fadi Sawan n’aurait pas respecté les immunités parlementaires. Le magistrat a en effet fait savoir « qu’il ne reculerait devant aucune immunité ni devant aucune ligne rouge », ce qui, selon la Cour, est une « violation flagrante de la loi ». Sauf que le juge d’instruction a justifié ses motifs. En considérant d’une part qu’il les poursuivait en leur qualité de ministres et non de députés ; d’autre part que l’immunité ne s’appliquait de toute façon pas dans leur cas. « Fadi Sawan s’est appuyé sur la jurisprudence qui établit une distinction entre la négligence intentionnelle et la négligence non intentionnelle. Dans le premier cas, l’immunité ne s’applique pas », décrypte Nizar Saghiyeh. « Dans tous les cas, s’ils voulaient contester leur convocation sur la base de leur immunité parlementaire, les deux députés auraient dû demander à leur avocat de le faire par le biais de ce que l’on appelle une exception procédurale. Si l’immunité était retenue, Fadi Sawan aurait alors été obligé de s’adresser à Nabih Berry pour lui demander de la lever ou au barreau pour lui demander l’autorisation de les poursuivre. Mais ils n’ont pas suivi cette procédure », explique une source proche du dossier.

La guerre est loin d’être terminée

En mettant en avant le caractère sacré de l’immunité parlementaire, contredisant ainsi sa propre jurisprudence, la Cour a fait un cadeau en or à toute la classe politique, bien au-delà des députés visés, dans un contexte général de demande de reddition des comptes. « Nous savons pertinemment que la question de l’immunité alimente depuis trente ans l’impunité dans le pays », note Nizar Saghiyeh. De quoi porter un coup fatal à l’enquête ? Pas vraiment. En quelques heures, les familles des victimes ont transformé une « défaite judiciaire en une minivictoire ». En se mobilisant massivement contre le jugement, elles ont poussé la ministre de la Justice et le CSM à s’accorder sur la nomination d’un nouveau juge en moins de 24 heures. Tarek Bitar, qui jouit d’une très bonne réputation, prend la place de Fadi Sawan. De son côté, le barreau de Beyrouth étudie l’opportunité d’un recours en annulation de la décision de la Cour de cassation, « pour éviter qu’elle ne constitue un précédent et pour protéger Tarek Bitar dans sa mission », confie un avocat proche du barreau. Les politiques ont gagné une bataille, mais la guerre est loin d’être terminée. Le 2 mars, les familles des victimes ont donné une conférence de presse dans laquelle ils ont demandé à Tarek Bitar de dévoiler les résultats de son enquête dans un délai de trois semaines. Surtout : ils ont envoyé un avertissement à tous ceux qui tenteraient de se mettre entre le juge d’instruction et leur soif de justice : « Nous ne permettrons pas que se reproduise ce qui s’est passé avec Fadi Sawan. En cas de nouvelle ingérence politique dans l’enquête, nous nous rendrons directement chez les responsables faisant obstacle à l’instruction. » À bon entendeur...

Le couperet tombe aux alentours de 13h, ce jeudi 18 février. Le juge Fadi Sawan, chargé de l’enquête sur les explosions du port de Beyrouth, l’affaire la plus complexe de l’histoire de la justice libanaise, est démis de ses fonctions par la sixième chambre pénale de la Cour de cassation. Cette dernière a répondu favorablement au recours pour suspicion légitime présenté par les...

commentaires (12)

Toute cette gesticulation judiciaire ne veut qu'une chose! Tous, oui, tous ceux qui etaient au pouvoir depuis l'arrivee du Nitrate sont complice. C'est tres clair!

IMB a SPO

16 h 38, le 08 mars 2021

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Commentaires (12)

  • Toute cette gesticulation judiciaire ne veut qu'une chose! Tous, oui, tous ceux qui etaient au pouvoir depuis l'arrivee du Nitrate sont complice. C'est tres clair!

    IMB a SPO

    16 h 38, le 08 mars 2021

  • POUR RAPPEL: LES MAGISTRATS AUX US SONT ELUS PAR LES CITOYENS, D'AUTRES NOMMES PAR LES POLITIQUES. POUR TOUT DIRE C'EST BIEN ""L'HOMME INTEGRE"" QUI NOUS MANQUE,SEULE CONDITION POUR COMMENCER TOUTE REVISION DU SYSTEME.

    Gaby SIOUFI

    16 h 35, le 08 mars 2021

  • Les masques tombent les uns après les autres dévoilant le degré de corruption et la malveillance de la classe politique au pouvoir qui contrôle et gère le pays le pays.

    Pierre Hadjigeorgiou

    14 h 19, le 08 mars 2021

  • Le titre aurait pu s’intituler « le pot de terre contre le pot de fer ». Le manque de solidarité entre collègues est édifiant. Que ce soit dans les médias ou la justice, lorsqu’un de leurs membres est attaqué à tort, les autres regardent ailleurs en espérant se faire une petite place pour le détrôner. Malgré tout ce que ce pays a subi comme injustice et corruption, l’individualisme reste de rigueur alors que seule la solidarité entre citoyens nous sauvera. Le juge Sawan n’était pas dupe en se lançant tête baissée dans cette bataille, mais il comptait sur l’appui de ses collègues hauts placés et son entourage pour changer le cours des choses puisqu’il était plus que temps et ils lui ont tourné le dos en l’enfonçant préférant leurs corrompus à leur conscience et en piétinant leur serment. Avec ça on espère reconstruire un pays digne de ce nom? Quelle blague.

    Sissi zayyat

    12 h 14, le 08 mars 2021

  • Le titre aurait pu être «un  pot de terre contre un pot de fer » certes rouillé mais toujours en exercice. Tant que la justice dans son ensemble est laissée aux mains de certains vendus rien ne se fera. Le plus logique serait de dépasser la volonté de Aoun de garder cette affaire dans nos murs et de présenter le dossier de Me Sawan aux autorités judiciaires internationales compétentes qui elles ne peuvent subir aucune pression des mafieux. Le ridicule dans l’histoire est qu’on demande aux criminels de choisir leurs justiciers, et aux bourreaux de choisir leurs victimes. À quoi peut on s’attendre après ça? Cette histoire illustre bien la mentalité pourrie des hauts placés dans tous les domaines, ils les ont choisi minutieusement en fonction de leur incompétence et leur appétit de l’argent facile et de titres pompeux. Il serait plus que légitime de se pencher sur les comptes de tous ces magistrats vendus ainsi que leurs liens avec les corrompus pour dénouer le problème et prouver le conflit d’intérêt qui les mettraient hors d’état de nuire. Il faut les attaquer avec leurs propres armes.

    Sissi zayyat

    11 h 43, le 08 mars 2021

  • conclusion & synthese : un imbroglio a tous les niveaux, un manque de civisme generalise, un sens de nationalisme inexistant, une constitution ouverte a toutes les FAUSSES interpretations, des responsables qui s'y prennent a coeur joie a la defoncer.

    Gaby SIOUFI

    10 h 51, le 08 mars 2021

  • Merci pour cet article.

    Maroun Pierre-Georges

    10 h 49, le 08 mars 2021

  • Bravo pour cette article. Du très grand journalisme. Précis, étayé et instructif.

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 17, le 08 mars 2021

  • C'est une justice politisée, et plus, ce n'est plus une justice au sens propre du terme.

    Esber

    09 h 58, le 08 mars 2021

  • On pourrait se surprendre à rêver d'un monde de bisounours.... Quand on voit en France, pays des droits de l'homme, un ancien président de la république se faire, injustement probablement, condamner à trois ans de prison dont un an ferme, pour des raisons que l'on pourrait qualifier de futiles .... corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des "écoutes" téléphoniques tandis qu'au Liban le juge Sawan est dessaisi au motif d’une "suspicion légitime" en raison de l'emplacement géographique de son domicile .... joli tour de passe passe et l'on peut considérer l'enquête comme enterrée.. en dépit de la bonne réputation d du juge Bitar, qui au regard de ses pouvoirs limités n'obtiendra aucun résultat, sauf par contumace dans le cas ou cette clique est renversée ou à titre posthume, c'est à dire dans trente ou quarante ans...

    C…

    03 h 45, le 08 mars 2021

  • Merci pour cette excellente analyse. On garde espoir que l’enquête aboutisse....

    christelle safi / JSSP

    01 h 05, le 08 mars 2021

  • SI LE PEUPLE N,A PAS ET LE PLUS VITE LA PEAU DES CLIQUES MAFIEUSES, POLITICIENS ET MERCENAIRES, ILS AURONT LA PEAU DE TOUT JUGE QUI ESSAYERA DE S,APPROCHER DE LEUR RESPONSABILITE CRIMINELLE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 34, le 08 mars 2021

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