Quelques jours ont passé mais le malaise reste palpable. Au sein de la galaxie du Hezbollah, rares sont ceux qui acceptent de commenter « l’affaire Kassem Kassir » qui y a provoqué un petit tremblement de terre. L’intervention télévisée sur la chaîne NBN, le 7 janvier courant, de ce chercheur, proche du Hezbollah, a défrayé la chronique. Et pour cause : celui qui était considéré comme l’un des « ambassadeurs » du parti a brisé deux tabous sur la scène publique. En critiquant, tout d’abord, l’inféodation du Hezbollah à l’Iran et son interventionnisme en Syrie et en Irak, devenus aujourd’hui injustifiés à ses yeux. En l’appelant, ensuite, à revenir dans le giron libanais et à s’impliquer dans une stratégie de défense qui ferait de la résistance une affaire nationale et non plus uniquement chiite. « Si, au cours des dix dernières années, le Hezbollah a dû jouer un rôle à l’extérieur du pays, il est temps qu’il revienne au Liban », a-t-il lancé dans une tirade aux accents libanistes qu’aucun chiite aussi imbibé de la culture de la résistance n’avait auparavant exprimé.
L’analyste a encore enfoncé le clou en tentant de démythifier celui qui est considéré comme un héros par les pasdaran et par une partie des Libanais : l’ancien chef de l’unité d’élite des gardiens de la révolution, Kassem Soleimani, tué il y a un an en Irak par une frappe américaine. Il a estimé que les parades et célébrations organisées au Liban, début janvier, en commémoration de son assassinat un an plus tôt étaient un peu exagérées et qu’elles devaient probablement servir à « compenser » moralement et psychologiquement la frustration de n’avoir pas pu venger sa mort. C’était le mot de trop. La dose supplémentaire de « propos subversifs » que le parti et une large frange de sa base ne pouvaient tolérer.
Sur le coup, personne ne semble faire attention à cette sortie de route, la chaîne NBN ayant une audience assez limitée. Mais, dix jours plus tard, la vidéo fait le tour des réseaux sociaux et, en l’espace de 24 heures, Kassem Kassir devient un symbole de courage et de liberté pour la moitié du pays, un renégat pour l’autre. Certains ont cherché « à pêcher dans les eaux troubles en montant l’affaire en épingle et en l’instrumentalisant », écrira Kassem Kassir dans un commentaire sur les réseaux sociaux. Après le buzz provoqué par les extraits de son intervention, celui qui est également journaliste est la cible d’attaques au vitriol lancées par une armée électronique qui lui jette l’anathème et l’accuse de traîtrise. Certains le comparent au cheikh Sobhi Toufaily, l’ancien secrétaire général du Hezbollah qui a fait sécession en dénonçant la mainmise iranienne sur le parti, d’autres le traitent d’« apostat » et considèrent qu’il n’est pas « très différent de ceux qui traînent dans les salons des ambassades occidentales ».
« Il a été rappelé à l’ordre »
La violence des réactions est d’autant plus forte que Kassem Kassir ne fait pas partie de ces chiites libéraux très critiques contre la mainmise du parti sur leur communauté. C’est l’un des leurs, un pratiquant respecté dans tous les milieux, un résistant de la première heure qui a passé plus de quarante ans dans les cercles proches du parti dont il connaît les plus hauts responsables. Sa famille appartient au noyau historique du Hezbollah. Son frère Assad Kassir occupe un poste de prestige dans le bureau du guide suprême iranien, Ali Khamenei. Difficile, avec ce background, de présenter le journaliste comme un traître au service de l’ennemi occidental.
Kassem Kassir est toutefois loin d’être un endoctriné prêt à tout pour défendre son parti. Il a plaidé intelligemment la cause du Hezbollah auprès des plus irréductibles mais sans jamais se départir de son sens critique, ce qui lui a valu le respect de ses alliés comme de ses contradicteurs. C’est, avant tout autre chose, un intellectuel désireux de dialoguer avec les autres et respectant les opinions contraires. Il a élevé ses enfants dans cet état d’esprit et plaisante régulièrement du fait que l’un de ses fils ne partage pas du tout ses convictions politiques. Cet universitaire éclectique s’est spécialisé depuis quelques années dans l’étude des mouvements islamistes et milite contre toute forme de violence religieuse. À ses heures libres, il s’investit pleinement dans le dialogue islamo-chrétien mû par une spiritualité profonde mais aussi par sa volonté de dresser un pont entre les Libanais de différentes communautés. « C’est celui qui a le mieux réussi à concilier le chiisme religieux avec la libanité. C’est un peu la tendance représentée par la lignée du guide spirituel chiite feu Mohammad Hussein Fadlallah », commente Mohanad Hage Ali, chercheur et directeur de la communication du Carnegie Middle East Center. Mohammad Hussein Fadlallah s’était démarqué du leadership religieux du Hezbollah et était parvenu dans les années 1990 à se construire une stature de référence au sein de la communauté chiite libanaise sans tomber sous l’ombrelle iranienne mais sans s’opposer non plus frontalement au parti.
Face à la levée de boucliers provoquée par sa sortie, le journaliste a tempéré ses propos le lendemain et présenté ses excuses au public de la résistance. « Les sujets que j’ai évoqués au cours de l’entretien à la NBN, tout comme la façon de les mentionner et le timing, n’étaient pas appropriés, même si j’étais mû par l’intérêt de la résistance, du Liban et de tous les Libanais », a écrit Kassem Kassir dans un communiqué diffusé à la presse. Il a également affirmé n’avoir jamais mis en doute l’allégeance du parti chiite au Liban. « Je présente au public de la résistance que j’aime mes excuses si mon interview l’a heurté et je reste engagé dans cette voie », ajoute-t-il. Sur sa page Facebook, il tente de calmer le jeu, en rappelant qu’il n’est en définitive qu’un écrivain modeste et ouvert au dialogue.
« Il a été rappelé à l’ordre », estime un opposant chiite au parti, un point de vue partagé par de nombreuses personnes dans ces milieux. « Le Hezb était embarrassé. Ils lui ont demandé de rectifier le tir », avance un proche du parti chiite. Contactés par L’OLJ, Kassem Kassir était injoignable, de même que le responsable de presse du Hezbollah. « Ce n’est pas la première fois que Kassem exprime cette prise de position. Les gens du parti savent ce qu’il pense. Son “crime”, c’est de l’avoir dit à la télé », commente un analyste familier de ces milieux.
« Face à une situation aussi embarrassante, le parti n’hésite pas à sévir »
L’affaire « Kassem Kassir » intervient dans un contexte national où le Hezbollah est de plus en plus décrié et accusé par une partie de la rue d’être responsable de l’effondrement économique du pays. La commémoration de la mort de Soleimani le 5 janvier courant a suscité une grande polémique alors que le parti chiite lui a érigé une statue sur la route de l’aéroport. Depuis, le hashtag « #Chassons l’Iran hors de nos frontières » est l’un des plus populaires sur Twitter au Liban. « La violence verbale des attaques dirigées contre Kassem démontre à quel point le discours chiite est dans une impasse aujourd’hui dans un contexte régional et international où tout le monde est sur le pied de guerre », note Ali Amine, un opposant chiite au Hezbollah. « Le timing n’était pas approprié. Si la situation était moins critique dans la région, ces propos n’auraient pas suscité une telle polémique », renchérit Mohanad Hage Ali. L’axe de la résistance subit une forte pression de la part des États-Unis et d’Israël et sa position dominante est contestée aussi bien au Liban, qu’en Syrie et en Irak.
Autre évolution inquiétante pour le Hezbollah : la remise en question croissante au sein de sa base populaire, depuis le soulèvement du 17 octobre, de certains de ses choix politiques internes et externes, notamment son engagement en Syrie et en Irak au service des projets iraniens. « L’humiliation infligée à Kassem est un message clair adressé à tous ceux qui seraient tentés de s’aventurer sur ce terrain à l’avenir. C’est un exemple patent de la terreur que tente de semer le parti en réprimant toute liberté d’opinion », commente Ali Amine.
Le fait que le journaliste se soit exprimé sur la chaîne patronnée par Nabih Berry aurait contribué à irriter un peu plus le parti de Dieu. « Cela a braqué la lumière sur les désaccords fondamentaux entre l’approche prioritairement libanaise de Amal et celle ouvertement régionale du Hezbollah, mettant de l’eau au moulin de la première », commente Lokman Slim, analyste, écrivain et opposant chiite, réputé pour ses critiques acerbes contre le Hezbollah. « Ce que Kassem a dit est vrai et nécessaire. Ce n’est pas un avis isolé qu’il a exprimé. Mais ce n’était pas à lui de le dire », affirme une source proche du Hezbollah.
Difficile toutefois d’estimer qu’elle est l’amplitude de ce mouvement de contestation interne qui semble pour l’heure embryonnaire. « Kassem Kassir tient un discours élitiste qui n’est pas celui de la base. Preuve en est, la colère que ses propos ont suscitée sur la toile », affirme un analyste proche du camp du 14 Mars. Tout le monde n’est pas de cet avis. Lokman Slim estime ainsi que les réactions sur internet, exprimées dix jours après l’évènement, « n’avaient rien de spontané ». Selon lui, la base n’aurait pas orchestré de campagne contre le journaliste sans avoir obtenu un feu vert du haut commandement du parti. « Face à une situation aussi embarrassante, le parti n’hésite pas à sévir », rappelle un opposant ayant souhaité garder l’anonymat. Bien qu’il soit partagé dans les milieux chiites, l’avis de Kassem Kassir et le débat qu’il a suscité ne sortent jamais des cercles fermés. C’est ce qu’affirme Chérif Sleiman, un juriste qui se revendique des milieux de la résistance, entendu dans son volet libanais exclusivement, mais qui ne se prive pas pour autant de critiquer ouvertement certains agissements du parti. À maintes reprises, M. Sleiman a accusé le Hezb d’avoir couvert les pratiques de corruption qui ont conduit le pays à l’effondrement. « Les débats qui remettent en cause les fondements de l’action du Hezb sont étouffés », affirme-t-il. Toute la question qui se pose aujourd’hui dans les cercles chiites est de savoir si le Liban est une patrie ou un champ de conflit.
Un débat que certains « objecteurs de conscience » considèrent d’autant plus légitime que le Hezbollah avait publié en 2009 son second manifeste, un document politique dans lequel il reconnaissait la nécessité d’introduire des changements pragmatiques à sa vision sans pour autant renoncer à son idéologie islamiste. « Les gens évoluent. Le monde a changé durant les vingt-quatre dernières années. Le Liban a changé », avait déclaré Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah. Des propos qui, quelque part, ne diffèrent pas tant des idées que Kassem Kassir a voulu défendre.
Les commentaires et le lynchage sur les réseaux sociaux n’ont jamais été une référence pour qui que ce soit. Il est évident que cachés derrières des pseudonymes, il peuvent faire croire à une masse de mécontents alors qu’il pourrait s’agir de deux pelés et trois barbus pour amplifier la réaction que la majorité des chiites ne partage pas et qui doit se demander comment un tel nombre se permet de s’exprimer à sa place. Ce parti est connu pour ses mensonges et ses crimes de tout genre y compris électroniques pour qu’on croit à, ne ce serait qu’une ombre de vérité derrière cette réaction incendiaire qui reste virtuelle. Pour connaître la vérité vraie il faut lancer un référendum où tous les chiites pourraient s’exprimer anonymement sur leur attitude vis à vis de ce parti vendu qui se gargarise de leçons de patriotisme en déclarant fièrement son allégeance à l’Iran et juge toute personne fondamentalement patriotique de traître pour masquer sa trahison impardonnable et sa collaboration avec des pays qui ne souhaitent que la mort du Liban et je précise qui n’est pas le pays de HN puisqu’il se sent dans ses droits de le faire et le réclame à tous ceux qui veulent l’entendre. Des cordes devraient être dressées par la justice le plus tôt possible pour enfin mettre fin à cette situation médique qui éclabousse notre pays.
14 h 42, le 22 janvier 2021