
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors d'une allocution télévisée, le 7 août 2020. AL-MANAR/Handout via REUTERS
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a "nié catégoriquement" vendredi que le parti chiite possédait un "entrepôt d'armes" dans le port de Beyrouth où était stockée une énorme quantité de nitrate d'ammonium qui semble être à l'origine de la double explosion qui a ravagé la capitale libanaise, mardi, faisant plus de 150 morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de sans-abris, selon un bilan encore provisoire.
Selon l'explication officielle des autorités, les explosions sont dues à un incendie dans un entrepôt de feux d'artifice, qui ont mis le feu à 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium stockées à proximité depuis 2014 "sans mesures de précaution". Cependant, le président Michel Aoun a évoqué plus tôt dans la journée la possibilité que ce drame ait été provoqué par une "intervention extérieure", parlant d'un éventuel missile ou d'une bombe.
"Ils veulent dire aux habitants de Beyrouth que ceux qui ont détruit leurs maisons et tué leurs enfants sont le Hezbollah (...) Je nie totalement, catégoriquement, qu'il y ait quoi que ce soit à nous dans le port, ni entrepôt d'armes, ni entrepôt de missiles, ni des matières explosives, ni une bombe, ni une balle, ni nitrate" d'ammonium, a martelé le leader du parti chiite dans une allocution télévisée, après des accusations lancées contre sa formation dans les médias ou au sein d'une frange de l'opinion publique qui pointe du doigt sa responsabilité dans cette tragédie, mettant en garde contre "les accusations qui poussent le Liban vers la guerre civile".
"Certains ont dit que le Hezbollah portait une responsabilité car il contrôle le port. Il s'agit également d'un mensonge. Nous ne contrôlons pas le port de Beyrouth. Nous ne savons pas ce qui s'y trouve. Le port de Beyrouth n'est pas de notre responsabilité", a-t-il également assuré. "Nous connaissons mieux le port de Haïfa (dans le nord d'Israël, NDLR), que celui de Beyrouth, dans le cadre de l'équilibre de terreur" avec l'ennemi (israélien).
"Cette campagne vise à faire porter au Hezbollah la responsabilité de cette explosion. C'est injuste ; nous déplorons des victimes parmi nos sympathisants", a lancé Hassan Nasrallah, dénonçant les "mensonges" et les "falsifications" lancés par certains opposants politiques, dans des médias et à travers des réseaux relevant de ces derniers. Il a dans ce cadre appelé les responsables politiques à "mettre de côté les divergences" et à "s’élever au-dessus de cela".
Ne tardant pas à réagir, le leader druze libanais Walid Joumblatt, opposant déclaré au pouvoir en place, s'est dit "pas convaincu" par les affirmations du secrétaire général du Hezbollah. "Est-il possible que le Hezbollah n'était pas au courant de la présence de matériaux dangereux dans le port ? Je ne crois pas. Je n'ai pas été convaincu", a-t-il déclaré a la chaîne panarabe al-Arabiya.
Enquête "transparente"
Les autorités ont lancé une enquête pour déterminer les circonstances de la tragédie et les responsabilités. Autorités du port, services des douanes et certains services de sécurité étaient tous au courant que des matières chimiques dangereuses y étaient entreposées mais ils se sont rejeté mutuellement la responsabilité. Dans la soirée, le directeur général du port de Beyrouth Hassan Koraytem, le directeur général des douanes Badri Daher, ainsi que son prédécesseur Chafic Merhi ont tous été placés en détention provisoire pour les besoins de l'enquête. En tout, plus d'une vingtaine de personnes ont été en placés en détention provisoire. Les comptes bancaires de sept responsables, dont le directeur du port de Beyrouth, le directeur des douanes et son prédécesseur, ont été gelés.
"Dès le départ, le président Michel Aoun et le Premier ministre Hassane Diab ont clairement affirmé que tous les responsables de négligence ou de corruption rendront des comptes, qu'ils soient petits ou grands. Oui, une enquête transparente et juste doit être menée pour déterminer les responsabilités de chacun, et les coupables devront être jugés", a déclaré le chef du Hezbollah. "Personne ne doit être protégé, ou être en mesure de dissimuler les vérités", a-t-il ajouté, mettant en garde contre une politisation de l'enquête et du processus judiciaire. "Les jugements ne doivent pas se faire à la libanaise. Toute personne jugée responsable devra être sanctionnée, indépendamment de son affiliation religieuse ou communautaire", a encore prévenu le dignitaire chiite.
Le président français Emmanuel Macron, qui a effectué jeudi une visite au Liban au cours de laquelle il s'est rendu dans le secteur du port puis à Gemmayzé, avant de rencontrer les trois présidents, plusieurs responsables politiques dont le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, ainsi que des représentants de la société civile, a réclamé une enquête internationale sur cette explosion, comme le demandent notamment plusieurs formations politiques d'opposition. Le président Aoun a toutefois estimé que les appels à une enquête internationale sur cette affaire "ont pour but de noyer la vérité".
"Les services de sécurité locaux ont les capacités de mener cette enquête. Certains disent ne pas faire confiance aux autorités. Je leur pose une question : vous dites tous avoir confiance en l'armée libanaise. Si l'armée a la confiance de tous les Libanais et des forces politiques et des leaders politiques, allez-y, chargez l'armée libanaise de mener l'enquête et d'annoncer les résultats, si vous dites que vous avez confiance en elle", a lancé Hassan Nasrallah.
Déplorant une "tragédie humaine" après le drame du port, le leader du Hezbollah a salué la visite du président français. "Nous regardons positivement toute assistance et toute expression de sympathie envers le Liban, et toute visite au Liban ces jours-ci, surtout si elle s'inscrit dans le contexte de l'aide du Liban et du rassemblement", a-t-il souligné. Il a indiqué que la visite du président français avait "certains aspects positifs", sans dire lesquels, laissant ainsi entendre qu’il n’était pas d’accord avec d’autres aspects.
"Pas d'espoir de construire un Etat"La déflagration de mardi, d'une puissance inouïe, la plus dévastatrice vécue par le Liban, a alimenté la colère de la population, qui avait déclenché en octobre 2019 un vaste mouvement de protestation contre la classe dirigeante. L'indignation est d'autant plus grande que le gouvernement s'est avéré incapable de justifier la présence du nitrate d'ammonium au port "sans mesures de précaution" de l'aveu même du Premier ministre, Diab. Jeudi soir, les forces de l'ordre ont eu recours aux gaz lacrymogènes dans le centre-ville pour disperser des dizaines de manifestants enragé par l'incompétence et la corruption des autorités. Des appels circulent sur les réseaux sociaux pour une manifestation anti-gouvernementale samedi, sous le thème "Pendez-les".
"Nous avons assisté à une exploitation politique de cet événement contre le mandat du président Michel Aoun ou le gouvernement. Je ne veux pas rentrer là-dedans. Le temps n'est pas au règlement des comptes politiques. Le pays a besoin de calme et de solidarité. Nous parlerons politique plus tard", a déclaré Hassan Nasrallah.
"La façon dont l'Etat libanais traite et va traiter ce dossier est cruciale pour l'Etat. Cet événement va déterminer s'il y a un Etat et s'il y a un espoir de le bâtir", a affirmé le leader du parti chiite, avant de prévenir : "si sur ce dossier, les autorités libanaises et la classe politique ne réussissent pas à obtenir de résultat dans l'enquête et n'arrivent pas à traduire en justice" les responsables, elles montreront leur échec. Cela signifiera qu'il n'y a pas d'espoir de construire un Etat" au Liban". "Si l'enquête ne montre pas que la présence de ce nitrate est le résultat de négligences et de corruption, cela signifie qu'il n'y a pas une véritable guerre contre la corruption", a-t-il ajouté. "La vérité doit être dévoilée ou alors, nous aurons une crise de système et de l'entité" libanaise, a-t-il déclaré.
Lors de sa visite, M. Macron a également appelé à une "refondation" du système libanais et à un "nouveau pacte", nécessaires selon lui pour lancer les réformes attendues par le peuple et la communauté internationale pour enrayer la déliquescence de l’État et le marasme économique. "Cet événement ouvre la possibilité que le siège du Liban soit levé. Des tragédies naissent des opportunités internes et externes. Ces opportunités ne doivent pas être gâchées", a réagi le chef du Hezbollah.
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a "nié catégoriquement" vendredi que le parti chiite possédait un "entrepôt d'armes" dans le port de Beyrouth où était stockée une énorme quantité de nitrate d'ammonium qui semble être à l'origine de la double explosion qui a ravagé la capitale libanaise, mardi, faisant plus de 150 morts, des milliers de blessés et...
commentaires (34)
la premiere partie de l'intervention du secretaire general ne nous apporte rien de nouveau. On connaissait deja tous les details suite a l'explosion. La ou on apprend du nouveau, c'est la faiblesse des services secrets du Hezbollah qui a toujours pretendu tout surveiller et tout controler pour nous proteger de notre ennemi, Israel. Il semble que Nasrallah n'est au courant de rien concernant cet accident ou connait tout et ne veut rein devoiler. Il annonce qu'il connait tout sur le port de Haifa. Sait-il seulement que le nitrate n'existe plus dans le port de Haifa depuis qu'il a annonce publiquement le resultat si le Hezb bombardait ces conteneurs. Pour conclure, ne faut-il pas que le hezb reflechisse serieusement aux consequences d'une guerre avec Israel ou l'ennemi utiliserait des missiles avec 500 kilos de nitrate comme tete d'ogive? sam
Sami Mouracade
06 h 10, le 09 août 2020