« Parce que c’est le Liban, parce que c’est la France. » C’est en transposant sur les rapports entre le Liban et la France la phrase sur l’amitié qui liait Montaigne à La Boétie que le président français Emmanuel Macron a entamé sa visite au Liban. Ces mots ont donné le ton à son voyage-éclair de quelque 8 heures dont le mot-clé était certes l’amitié, mais une amitié qui au fil des heures s’enrichissait de nouvelles et loyales exigences.
La visite du chef de l’Élysée l’a conduit d’abord sur le site dévasté du port de Beyrouth, aux pieds des silos à blé éventrés et de l’énorme cratère creusé par l’explosion monstre de mardi, puis dans les rues sinistrées de Gemmayzé où l’attendait un surprenant bain de foule et déchirants appels à l’aide. Le « dialogue de vérité » qu’à sa descente d’avion, accueilli par le président Aoun, il a dit vouloir engager en venant au Liban lui a permis dans l’après-midi de proposer aux trois présidents et aux chefs de groupes parlementaires, qu’il a rencontrés à la Résidence des Pins, un « nouveau pacte politique ». C’est ainsi que le président Macron a réussi là où le chef de l’État avait échoué, il y a quelques semaines, asseyant Gebran Bassil à sa droite et Samir Geagea à sa gauche, installant côte à côte Saad Hariri et Mohammad Raad, Walid Joumblatt et Ibrahim Azar (Amal), Samy Gemayel et Sleimane Frangié ; une séance de travail et d’écoute qu’il a complétée en se réunissant, juste après, avec les représentants de la société civile.
Accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et de l’ambassadeur Bruno Foucher, Emmanuel Macron s’était, après sa visite en ville, rendu au palais présidentiel où il avait eu un entretien bilatéral avec le président Michel Aoun, auquel s’étaient joints le président de la Chambre Nabih Berry et le chef du gouvernement Hassane Diab.
Les remerciements de Aoun
Michel Aoun en avait profité pour remercier son homologue français pour l’aide médicale et humanitaire, envoyée rapidement par la France, et exprimer sa gratitude pour la solidarité française face aux nombreuses crises auxquelles le Liban est confronté en ce moment, allant du nombre écrasant des déplacés syriens, la crise économique et financière, jusqu’à la pandémie de Covid-19. Sans oublier l’aide octroyée aux écoles francophones et le rôle principal joué par Paris dans l’organisation de la Conférence de Paris (CEDRE-2018).
Le président Aoun a réaffirmé tout spécialement sa volonté de faire toute la lumière sur les causes de « la catastrophe criminelle » du 4 août, précisant que sanctionner les responsables est aujourd’hui « sa priorité absolue ». Enfin, le chef de l’État a renouvelé son engagement à entamer les réformes politiques, économiques et financières indispensables pour permettre au Liban de sortir de cette crise en coopération avec la communauté internationale, et d’abord la France.
Conférence de presse
Le président Macron a conclu ce moment diplomatique particulièrement fort de son quinquennat par une conférence de presse ponctuée d’une série de camouflets au pouvoir libanais. Il a ainsi affirmé avec force « qu’il y aura un avant et un après 4 août », et s’est déclaré en faveur d’une « enquête internationale ouverte, transparente, claire et indépendante » au sujet de l’effroyable explosion qui a dévasté le port de Beyrouth. Il s’est dit confiant dans la « capacité de rebond » des Libanais, affirmant avec force que l’explosion du port était « un coup de tonnerre sur le pente du désespoir (…), le résultat de ce à quoi a conduit ce dont on ne s’est pas soucié ».
Provoquée mardi par un incendie dans un entrepôt du port, où étaient stockées depuis 2014 quelque 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium, l’énorme déflagration a fait au moins 149 morts et 5 000 blessés, sans oublier les dizaines de disparus et les centaines de milliers de sans-abri. Comparée à un « séisme », elle a détruit des quartiers entiers proches du port et endommagé d’autres à plusieurs km à la ronde, sachant que des points d’ombre entourent cette tragédie, où les responsabilités premières sont en train d’être dégagées (voir encadré).
Dans sa conférence de presse, le président Macron a alterné promesses d’aide et remarques de fond, s’engageant et engageant la France à rester constamment aux côtés du Liban. C’est ainsi qu’il a annoncé son retour à Beyrouth le 1er septembre « pour faire un point d’étape ensemble » et annoncé que la France organiserait dans les tout prochains jours, pour faire face à la catastrophe, « une conférence internationale de soutien » aux Libanais, afin de mobiliser « des financements internationaux, des Européens, des Américains, de tous les pays de la région et au-delà (...) ».
« Le temps des responsabilités »
En ce qui concerne les aides à court terme, les aides d’urgence, M. Macron a annoncé l’arrivée jeudi prochain au Liban du porte-hélicoptères amphibie Tonnerre qui apportera médicaments, soignants et matériel. « Nous mettrons aussi en place une gouvernance claire et transparente pour que l’ensemble de cette aide (...) soit directement acheminée aux populations, aux ONG, aux équipes sur le terrain qui en ont besoin, sans qu’aucune opacité, aucun détournement ne soit possible. Les Nations unies et la Banque mondiale joueront un rôle essentiel en la matière », a-t-il aussitôt martelé.
En ce qui concerne les aides à long terme, le président a rappelé, comme M. Le Drian avant lui, qu’elles sont assorties d’exigences de réformes, qualifiées de « cruciales » par Emmanuel Macron.
« C’est le temps des responsabilités pour le Liban et ses dirigeants », a-t-il ajouté. « Il faut rebâtir la confiance (...) mais elle suppose une refondation d’un ordre politique nouveau » et de « profonds changements ». Assurant avoir engagé avec ses interlocuteurs « un dialogue direct et franc », le chef de l’État français a assuré que cette aide de la France est assortie de conditions. Et de rappeler la responsabilité des dirigeants, s’ils tiennent à obtenir des aides internationales, à mener à terme l’audit de la BDL, la restructuration du secteur de l’énergie, la réforme des douanes et des marchés publics, ainsi que d’autres secteurs qui, a-t-il précisé, doivent échapper « à un système capturé par une corruption organisée ». « Les financements attendent les réformes, a-t-il redit avec force, on ne laissera pas les aides aller à la corruption (…). Nous ne sommes pas là pour donner des chèques en blanc à des responsables qui n’ont plus la confiance du peuple. »
Avec ses interlocuteurs, et en particulier avec les journalistes contestant la légitimité de la classe politique au pouvoir, le président français a réaffirmé qu’il ne lui appartenait pas de dire qui est légitime et qui ne l’est pas et qu’il ne pouvait se substituer aux Libanais, qui doivent eux-mêmes écrire leur histoire, sachant que la France sera toujours à leurs côtés.
Emmanuel Macron a conclu sa conférence de presse sur la même note sentimentale que celle par laquelle il avait entamé sa visite. Dans les épreuves que vous vivez, face au terrorisme et à l’obscurantisme, a-t-il affirmé en substance, « n’oubliez pas qu’il y a dans un coin d’Europe un peuple dont le cœur bat toujours au rythme du peuple de Beyrouth. Bhebbak ya Loubnan ! ».
Oui, il y aura un avant et un après 4 Août car le moment est venu de dégager tous ces politiciens corrompus. La révolution est en marche et un nouveau GRAND LIBAN, 100 ans après, renaitra. Le peuple libanais est enfin prêt.
18 h 45, le 07 août 2020