
Le patriarche maronite Béchara Raï lors de la messe du dimanche, le 21 juin 2020 à Bkerké. Photo ANI
Le patriarche maronite Béchara Raï est revenu à la charge dimanche pour plaider une nouvelle fois en faveur de la neutralité du Liban et critiquer implicitement la majorité au pouvoir ainsi que le Hezbollah, une semaine après un vibrant plaidoyer dans ce sens qui a eu un retentissement au sein des figures politiques d'opposition et plusieurs chancelleries, alors que le Liban fait face à la pire crise économique de son histoire.
"J'ai lancé un appel pour la protection du Liban et son message face aux dangers et aux développements politiques et militaires qui s'accélèrent dans la région, et ce pour éviter de s'impliquer dans la politique des axes et les conflits régionaux et internationaux, et éviter les ingérences extérieures dans les affaires du Liban, par souci pour l'intérêt supérieur, l'unité nationale et la paix civile dans le pays (...)", a expliqué le chef de l’Église maronite dans son homélie.
Le 5 juillet, le patriarche maronite avait prononcé un sermon dans lequel il avait lancé une charge virulente contre les responsables politiques, appelant à la neutralité du Liban par rapport aux conflits de la région, estimant que celle-ci est "seule garante de l’avenir". Au cours de ce sermon, il avait pressé le président de la République Michel Aoun de "briser le siège imposé à la libre décision nationale". Il avait également appelé la communauté internationale à "voler au secours du Liban", adjurant l’ONU d’œuvrer "à rétablir l’indépendance et l’unité du Liban, l’application des résolutions internationales et la proclamation de la neutralité" du pays. Le patriarche Raï sortait ainsi du discours traditionnel de la déploration, alors que le Liban fait face à sa pire crise économique et se retrouve de plus en plus isolé sur la scène internationale. Cet appel du patriarche Raï avait été chaleureusement accueilli par de nombreux responsables politiques libanais opposés au pouvoir, ainsi que par plusieurs chancelleries, notamment saoudienne.
"Aujourd'hui (...), il faut atteindre l'étape de la neutralité, de sorte que le premier centenaire (du Grand-Liban proclamé en 1920) marque le point de départ vers un Liban neutre, doté d'un nouveau rôle efficace. Ce rôle est un don de la providence divine", a encore affirmé Mgr Raï. Il s'est ensuite félicité du soutien qu'il a reçu à l'issue de son discours du 5 juillet. "Ce large soutien pour la neutralité du Liban de la part de responsables, de partis, de personnalités et du peuple issu de toutes les communautés était très significatif (...)", a-t-il souligné.
Un État libre
S'exprimant au nom des Libanais, le chef de l’Église maronite a affirmé que ceux-ci "veulent sortir des souffrances provoquées par le monopole (de la décision), l'immobilisme et le laxisme". "Ils veulent la participation (à la prise de décision) et l'amour pour œuvrer ensemble en vue de sauver le Liban et ses générations futures. Ils veulent des prises de position courageuses qui sauvent le pays et non pas des calculs étroits. Ils veulent un État libre qui parle au nom du peuple et qui se réfère à lui dans les questions décisives, et non pas un État qui se désiste de sa décision et de sa souveraineté, que ce soit au profit d'une partie interne ou externe", a-t-il insisté, dans une claire allusion au Hezbollah. Ce dernier parti, proche allié de l'Iran, est en position de force sur la scène locale depuis la fin de la guerre civile en 1990, notamment par le fait qu'il entretient la seule milice à avoir maintenu son arsenal après la fin du conflit.
"Les Libanais ne veulent pas qu'une partie soit la seule à décider de l'avenir du Liban, de son peuple, de son territoire, de ses frontières, de son identité, de sa formule, de son système, de son économie, de sa culture et de sa civilisation. Alors que le pays marque son premier centenaire, ils refusent qu'une quelconque majorité populaire ou parlementaire porte atteinte à sa Constitution, à son Pacte national et à ses lois, qu'elle porte atteinte au modèle libanais, qu'elle isole le Liban de ses frères et de ses amis, et qu'elle lui fasse subir la pauvreté et la régression", a conclu le chef de l’Église maronite.
Au cours des dernières semaines, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah avait appelé les autorités libanaises à se "tourner vers l'Est", en allusion à la Chine, l'Iran et même la Syrie, pour le commerce et la coopération, afin de faire face à la crise et barrer la route aux États-Unis, ennemi juré du parti chiite. Cet appel continue de diviser la classe politique et la population, le Liban entretenant des liens historiques avec de nombreuses puissances occidentales telles les États-Unis ou encore la France.
Sur le plan international, le patriarche maronite a critiqué la décision du président turc, Recep Tayyip Erdogan, de transformer de la basilique Sainte-Sophie d'Istanbul en mosquée. Cette décision a également été condamnée par de nombreux pays. Le Conseil d’État, le plus haut tribunal administratif de Turquie, a accédé vendredi à la requête de plusieurs associations en révoquant une mesure gouvernementale de 1934 conférant à Sainte-Sophie le statut de musée. Peu après, M. Erdogan a annoncé que l'ex-basilique byzantine de l'ancienne Constantinople serait ouverte aux prières musulmanes en tant que mosquée à partir du vendredi 24 juillet.
commentaires (9)
J’espère que la France appuiera la déclaration du patriarche maronite en faveur de la neutralité du Liban et qu'a l'occasion de la visite de M. le Drian la diplomatie française adopte une position moins frileuse concernant le pouvoir de nuisance du Hezbollah. La France dont les soldats ont été victime de l'attentat du Drakar devrait designer le Hezbollah comme une organisation terroriste comme l'ont fait l'Allemagne et le Royaume Uni
Tabet Ibrahim
09 h 12, le 13 juillet 2020