Plusieurs personnalités sunnites opposées aux partis politiques au pouvoir qui soutiennent le gouvernement de Hassane Diab s'en sont pris samedi au Premier ministre qui a sévèrement critiqué la veille le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, pour son manque de transparence et l’effondrement monétaire en cours, au moment où la livre libanaise poursuit son effondrement dans un contexte de crise économique et financière, la pire en trente ans. A l’issue du Conseil des ministres vendredi, M. Diab a notamment pointé du doigt "une faille au sein de la Banque centrale et dans ses stratégies" et indiqué qu’un cabinet d’audit international, demandé notamment par le Groupe international de soutien (GIS) allait vérifier les comptes de la BDL et des banques.
Les députés sunnites et anciens Premiers ministres Fouad Siniora (Courant du Futur) et Tammam Salam, ainsi que Nohad Machnouk, ancien ministre de l'Intérieur, ont critiqué Hassane Diab, lors d'une réunion à Dar el-Fatwa, sous la houlette du mufti de la République, le cheikh Abdel Latif Deriane, dans le cadre d'une collecte de fonds pour venir en aide aux familles défavorisées.
"Décisions populistes"
Prenant la parole, Fouad Siniora a estimé que le discours de Hassane Diab "équivaut à mettre la charrue devant les boeufs". "Il faut apporter de vraies solutions car la situation sociale est pressante et il faut appeler les citoyens à la rescousse pour lancer les vraies réformes que je prône depuis des années", a affirmé M. Siniora. "Les solutions se font à travers les usages et les institutions, et non par le biais de décisions populistes", a encore estimé l'ancien chef du gouvernement. "Aujourd'hui, nous souffrons d'un manque total de confiance des citoyens en leur Etat et en toute la société politique. Pour regagner cette confiance, il faut revenir aux principes et respecter la Constitution et l'accord de Taëf" qui mit fin à la guerre civile de 1975-1990. Pour Fouad Siniora, la chute de la livre "ne peut être enrayée avec un bâton, mais plutôt à travers le recouvrement de la confiance".
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Pour sa part, l'ancien Premier ministre Tammam Salam a estimé que "nous vivons dans une période difficile qui nécessite de l'attention et du savoir-faire de la part des dirigeants", dans une critique à peine voilée au chef du gouvernement. "Les responsables ne peuvent se mettre en confrontation et faire de la surenchère politique qui ne mène à rien", a estimé M. Salam. "La vengeance ne mène à rien de constructif", a-t-il prévenu. "L'effondrement actuel est le résultat de la violation de la Constitution. La solution réside dans l'humilité de certains responsables", a enfin estimé Tammam Salam, rappelant que "personne n'est exempt de la reddition des comptes".
"Complot contre le sunnisme politique"
Le député Nohad Machnouk a de son côté estimé que "Hassane Diab conduit mal son véhicule et va se heurter au mur". "Le discours sur le passé et les rancoeurs ne servent à rien", a regretté M. Machnouk, qui estime qu'"une seule personne sage peut actuellement calmer la situation, il s'agit du président du Parlement, Nabih Berry". Nohad Machnouk a enfin estimé qu'il y avait un "complot contre le sunnisme politique auquel nous ferons face, car nous en sommes capables". Ces propos visent en général le président de la République, Michel Aoun, et son gendre, Gebran Bassil, qui dirige le Courant patriotique libre (CPL) fondé par le chef de l'Etat, et qui s'en prend régulièrement au "sunnisme politique", en référence aux politiques de Saad Hariri et de son père, Rafic Hariri, assassiné en 2005. "Hassane Diab ne peut pas faire face à ce complot", a encore estimé Nohad Machnouk.
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Vendredi, le Premier ministre s'en est pris avec virulence au gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, alors que la valeur de la livre libanaise poursuit sa chute libre par rapport au dollar. Jeudi, elle avait atteint les 3.700 livres pour un dollar chez certains agents de change, loin de son taux officiel de 1.507,5.
"Il y a un problème douteux dans l'action du gouverneur de la Banque du Liban, et cela a accéléré la dévaluation de la livre libanaise sur le marché noir, ce qui a des conséquences négatives sur le pays dans son ensemble. Nous ne pouvons plus accepter les politiques monétaires qui se décident en coulisses. (...) Que Riad Salamé vienne sincèrement expliquer aux Libanais ce qui se passe", a déclaré le chef du gouvernement dans une allocution aux Libanais à l'issue du Conseil des ministres, pointant du doigt "une faille au sein de la Banque centrale et dans ses stratégies" et indiquant qu'un cabinet d'audit international allait vérifier les comptes de la BDL et des banques.
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Ces critiques ont fait réagir l'ancien Premier ministre Saad Hariri, qui a pris la défense de Riad Salamé. "Il faut avoir une mentalité putschiste pour faire assumer la responsabilité de l'effondrement économique à la gouvernance de la BDL", a lancé le leader du Courant du Futur, s'en prenant sans les nommer au Hezbollah et au Courant patriotique libre fondé par le chef de l'Etat, Michel Aoun.
"Structure profonde"
Samedi matin, le Premier ministre a effectué une tournée auprès des Forces de sécurité intérieure (FSI), profitant de cette occasion pour dire que l'Etat "a perdu la confiance des Libanais". "L'image de l'Etat est désormais ternie aux yeux des Libanais, en raison de pratiques qui ont fait du tort à cet Etat. L'Etat a perdu la confiance des Libanais car il s'est déconnecté d'eux. En vérité, nous n'avons pas d'Etat profond (structure paraétatique), mais plutôt un système profond (pouvoir parallèle), même si les visages de ses acteurs changent. Il faut dissocier l'Etat des intérêts de la classe régnante", a plaidé le Premier ministre, lui-même soutenu par les partis politiques qui représentent la majorité au pouvoir, à savoir le Hezbollah et son allié, le Courant patriotique libre, fondé par le chef de l'Etat, Michel Aoun.
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Si jamais ils arrivent a limoger R.Salamé j’espere que celui-ci ouvrira tous les dossiers et les entrainera kellonn dans sa chute .
10 h 43, le 27 avril 2020