Depuis le retour à Beyrouth de l’ancien Premier ministre Saad Hariri et les contacts qu’il aurait entrepris avec le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt et celui des Forces libanaises Samir Geagea, en plus des réunions de la nouvelle ambassadrice des États-Unis au Liban avec ces mêmes pôles, les spéculations sur une relance d’un front d’opposition au gouvernement de Hassane Diab se sont multipliées. Certains médias ont commencé à parler d’un plan par étapes pour faire chuter le gouvernement en relançant le mouvement du 14 Mars revisité et en donnant en même temps le signal pour un retour des manifestants dans la rue.
D’ailleurs, la réapparition des protestations populaires, en parallèle à la tenue de la séance parlementaire plénière à l’Unesco et en accompagnement d’une hausse vertigineuse du dollar américain par rapport à la livre libanaise, est apparue comme la première étape de ce fameux plan, qui aurait donc la bénédiction des États-Unis. Selon des sources proches du 14 Mars, certaines figures de ce mouvement auraient été directement sollicitées par des figures de l’administration américaine pour agir en vue de faire chuter ce qu’elles appellent « le gouvernement du Hezbollah ». C’est aussi dans ce contexte que sont placées les interventions dans les médias libanais de l’ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea, dans lesquelles elle a insisté sur trois points : d’abord, la qualification à plusieurs reprises du Hezbollah d’organisation terroriste, ensuite l’insistance sur le fait que le gouvernement de Hassane Diab ne bénéficie pas de l’appui de l’administration américaine qui attend de le juger sur ses actes et, enfin, la nécessité pour le gouvernement de répondre aux revendications des « révolutionnaires du 17 octobre ». Ce dernier point a d’ailleurs été interprété comme un feu vert donné à ces révolutionnaires pour reprendre leur mouvement de protestation.
Pour étayer leur théorie, ceux qui croient en l’existence d’un plan minutieux pour faire chuter le gouvernement mettent donc en avant le rôle de l’ambassadrice des États-Unis qui, depuis son arrivée au Liban, aurait multiplié les signes d’une « diplomatie musclée ». Bravant les consignes de confinement et les exigences de la mobilisation générale, elle s’est rendue auprès des pôles dits de l’opposition, elle a fait plusieurs apparitions dans les médias, elle a salué la relaxe de Amer Fakhoury et elle n’a pas hésité à reconnaître que son administration avait une opinion sur les nominations financières internes, qui ont d’ailleurs été reportées depuis.
Tous ces éléments mis bout à bout semblent confirmer l’existence d’un plan poussé par les États-Unis pour faire chuter le gouvernement. Mais d’autres sources, qui n’appartiennent pas à un camp précis, ne croient pas vraiment à cette hypothèse. Selon elles, s’il est vrai que les États-Unis poursuivent leur guerre contre l’Iran et ce qu’ils considèrent comme ses instruments dans la région, à leur tête le Hezbollah, l’administration actuelle a bien d’autres priorités que celle de fomenter un plan contre le gouvernement Diab. S’il est certain que la nouvelle ambassadrice a un style plus agressif que ses prédécesseurs, qui rappelle un peu celui de Jeffrey Feltman qui avait joué un rôle déterminant dans la naissance du mouvement du 14 Mars en 2005, les circonstances actuelles ne permettent pas une réédition du même scénario. Dorothy Shea est certes classée parmi les diplomates « faucons », et elle aurait une approche différente de celle de ses prédécesseurs concernant le Liban, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle serait derrière un plan pour faire chuter le gouvernement.
Il faut préciser à cet égard que ses visites aux différents pôles politiques libanais s’inscrivent dans le cadre de la tournée protocolaire que doit effectuer tout nouveau diplomate accrédité au Liban. Elle s’est ainsi rendue chez les pôles du 14 Mars, mais aussi chez le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qu’elle a rencontré à Laqlouq. Indépendamment des discussions menées dans le cadre de ces visites, il ne faudrait donc pas leur donner une plus grande portée qu’elles n’en ont, selon ces mêmes sources.
De plus, selon des sources bien informées, il serait plus difficile qu’on ne le croie de réunir de nouveau les pôles du 14 Mars autour d’un plan pour faire chuter le gouvernement s’il n’y a pas une vision précise sur la période d’après. Il semble que le chef des FL et le leader du courant du Futur n’ont pas encore surmonté leurs divergences et n’ont pas confiance l’un en l’autre. De même, le chef du PSP n’a pas encore définitivement tranché ses choix, il alterne le chaud et le froid, haussant le ton pour appeler ensuite à l’apaisement. Il ne cache d’ailleurs pas son alliance solide avec le président de la Chambre Nabih Berry, lequel lui aussi n’a pas définitivement décidé de retirer son appui au gouvernement de Hassane Diab. En dépit de ses divergences profondes avec le président du Conseil, M. Berry continue d’affirmer qu’il appuie le gouvernement et que son opposition vise essentiellement à améliorer son action, non à le faire chuter.
Quant à Saad Hariri, son soudain retour au Liban serait dicté par deux considérations principales, d’abord empêcher le gouvernement de toucher à « ses » hommes placés à des postes-clés au sein de l’administration et donc de démanteler le réseau tissé depuis des années. Ensuite, il s’agit de mettre de l’ordre au sein de son parti qui souffre de l’absence d’un chef en cette période particulièrement délicate. Les sources proches du courant du Futur démentent ainsi toute intention de rééditer le scénario de 1992 lorsque le gouvernement de Omar Karamé avait été contraint à la démission suite à des émeutes populaires pour paver la voie à l’arrivée à la tête du gouvernement de Rafic Hariri, après la petite parenthèse du gouvernement de Rachid Solh... Mais cela ne signifie pas pour autant que le parti compte faciliter l’action de l’actuel gouvernement.
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Mais le Hezbollah et CPL gère le pays depuis 8 ans ils ont quand même des comptes à rendre non? Ensuite former un gouvernement qui n’est reconnu ni aidé par les puissances occidentales ni par les pays du golfe ni par personne qui peuvent rendre service cela veut simplement dire que nous sommes devenus une République pas du Liban mais des Talibans!
16 h 06, le 25 avril 2020