Le Premier ministre libanais, Hassane Diab, a tenté jeudi soir de rassurer les Libanais après les appréhensions provoquées par la fuite la semaine dernière d’une ébauche du plan de réforme que prépare le gouvernement face à la plus grave crise économique que traverse le Liban depuis 30 ans, affirmant dans un discours télévisé que 98 % des déposants échapperont à une ponction des dépôts (haircut).
"La situation est difficile et complexe, mais les moyens de subsistance des gens ont leur propre particularité et jouissent de l’immunité, et personne n'a le droit de toucher à leur argent. (...) Je maintiens ici ma promesse que pas moins de 90 % des déposants ne verront aucun impact sur leurs dépôts. Toutefois, à la lumière d'études approfondies et des chiffres de février 2020, je peux annoncer aujourd'hui que 98 % des déposants ne seront pas touchés", a déclaré M. Diab lors d'un discours diffusé en direct à la télévision.
Le gouvernement examine actuellement un plan de réformes économiques et financières qu'il est censé adopter afin de tenter de sortir le pays de sa pire crise économique en trente ans. Un passage de ce texte affirmant la volonté du gouvernement de "ne pas toucher à l’argent de 90 % des déposants dans les banques" avait suscité des craintes quant à un éventuel haircut, c’est-à-dire une possible ponction sur les avoirs des épargnants. Si le plan de sauvetage économique n’a pas encore officiellement vu le jour, ce passage a causé une véritable tempête politique, tant parmi les composantes du cabinet que dans les rangs de ses opposants.
M. Diab a assuré que le document diffusé dans les médias "n’est qu’un projet en cours de discussion" et qu’il était déterminé à engager un dialogue avec les composantes de la société avant de parvenir à un plan définitif. "Nous sommes sur le chemin d’une solution durable. Nous prendrons d’abord en compte les intérêts des Libanais et des déposants afin de soulager les personnes qui payent aujourd’hui le prix des mauvaises décisions et de l’ingénierie financière du passé", a-t-il ajouté, dénonçant les "intérêts personnels" et "les querelles politiques de classe, sectaires ou partisanes contre un ennemi qui n’existe pas", guidant les critiques contre son gouvernement.
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Le Premier ministre n’a à aucun moment dans son discours évoqué un éventuel haircut. Rappelant que les difficultés économiques ont obligé le pays à se mettre en défaut de paiement face à ses créanciers, le Premier ministre a déclaré que le ministère des Finances avait "entamé un processus de communication avec le Fonds monétaire international" qui a, selon lui, exprimé sa satisfaction envers le plan de sauvetage économique, sans dire clairement si le Liban allait demander l’aide du FMI.
"Ce plan, sur la base duquel nous avons entamé une vaste discussion, comprend plusieurs mesures consistant à transformer le déficit budgétaire en excédent et à réduire drastiquement la dette, qui atteint 176% du PIB", a déclaré M. Diab, ajoutant que ce plan va s'attaquer aux "pertes accumulées pendant des années par le système financier libanais pour la première fois de l'histoire du pays". "Ces pertes ont eu un coût pour les déposants, notamment les plus petits d'entre eux", a-t-il estimé. "J'ai personnellement demandé que l'enquête et l'audit remontent à plusieurs mois avant le soulèvement du 17 octobre. Cet argent sera placé dans un fonds spécial qui sera utilisé de manière équitable et transparente pour indemniser les Libanais qui ont été lésés par cette injustice", a-t-il ajouté.
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Déconfinement progressif ?
Évoquant par ailleurs la lutte contre le coronavirus, M. Diab a demandé aux Libanais de "faire preuve de patience", semblant paver la voie à un renouvellement de la période de mobilisation générale après le 26 avril, affirmant que le Liban se trouvait toujours dans la phase de propagation du Covid-19. Le Liban a enregistré durant les dernières 24h cinq nouveaux cas de coronavirus, tous au niveau local.
"Nous avons régulièrement insisté sur la nécessité de rester confinés et imposé les mesures de distanciation sociale les plus strictes de l’histoire du Liban. Aujourd’hui, je vous invite à faire preuve de patience car la résilience exceptionnelle du peuple libanais constitue le principal pilier de notre succès", a déclaré le Premier ministre, soulignant que "le Liban a fait beaucoup mieux que de nombreux autres pays malgré sa capacité financière très limitée".
Le chef du gouvernement a confirmé que la seconde phase du plan de rapatriement des Libanais bloqués à l’étranger reprendrait le 27 avril, précisant que 1,3 % des 2 656 Libanais rapatriés avaient été testés positifs au Covid-19 et que, sur les 16 000 tests effectués au Liban, la proportion de cas confirmés atteint 4,5 %.
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Pour lutter contre la pandémie, le gouvernement a décidé de prolonger jusqu'au 26 avril la période de mobilisation générale, décrétée le 15 mars et renouvelée une première fois jusqu'au 12 avril. La mobilisation générale prévoit la fermeture de tous les commerces non-essentiels, de l'aéroport de Beyrouth et des établissements scolaires et universitaires. Le gouvernement a également imposé depuis le 26 mars un couvre-feu de 19h à 5h et, dernière mesure en date, la circulation alternée des véhicules a été instaurée. Ce renforcement des mesures a été décidé après qu'un certain relâchement du respect des consignes de confinement a été constaté dans plusieurs régions du pays. Plus tôt dans la journée, M. Diab avait démenti que le gouvernement allait alléger ces mesures, évoquant au contraire la possibilité d'une nouvelle prolongation de deux semaines de la période de mobilisation générale.
"Malheureusement, de telles mesures auront un coût économique important ; c'est pourquoi nous avons commencé à débattre d'un plan de relance économique et de l’assouplissement progressif du confinement", a-t-il déclaré, assurant que le gouvernement ne se précipitera pas les choses au détriment de la santé des Libanais "qui ont fait preuve d'un engagement fort". "Cette épidémie a frappé les économies mondiales dans le monde entier. Au Liban, les crises économiques, financières et sociales qui durent depuis des décennies se sont aggravées et ont rendu la situation plus difficile et plus critique", a-t-il déploré.
En complément de la distribution d'aides aux plus démunis qui a débuté aujourd'hui, M. Diab a dans ce cadre annoncé "un plan de relance et de sécurité sociale d'une valeur de 1 200 milliards de livres libanaises". "Ce montant sera versé pour couvrir le coût du fardeau supplémentaire généré par l'épidémie de coronavirus, aider les travailleurs journaliers du secteur public, soutenir le secteur de la santé et les agriculteurs, et accorder aux petites entreprises industrielles des prêts subventionnés pour stimuler l'industrie nationale", a-t-il précisé.
Sur un autre plan, M. Diab a confirmé avoir signé aujourd'hui les décrets de nomination des notaires, des trésoriers pour le ministère des Télécommunications, des gardes forestiers et des pêcheurs pour le compte du ministère de l'Agriculture, promettant qu'il signera les décrets de nomination des lauréats des différents examens du Conseil de la fonction publique. "La logique de l'État doit prévaloir, puisque l'État préserve les droits des personnes et protège les citoyens, quelles que soient leurs affiliations sectaires", a souligné M. Diab, affirmant que l’État s'efforcera de "créer des opportunités d'emploi pour les jeunes Libanais (...) afin que le pays ne perde pas ses compétences et que la frustration ne devienne un facteur les forçant à émigrer.
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Les 2% se composent de deux parties: 1. Les "gros" déposants qui font et dopent l'économie et qui possèdent 500'000$ et plus 2. Les "très gros" mafieux qui sucent le sang de l'économie et qui possedent 100'000'000$ et plus Puisque la deuxième catégorie sera de facto épargnée, parceque c'est comme ça, tout le poids de la restructuration pèsera donc sur la première catégorie. Ce qui signifie la fin de l'entreprenariat qui a fait la gloire du Liban.
03 h 40, le 18 avril 2020