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Société - Reportage

À Beyrouth, la fièvre du dernier vendredi soir avant la fermeture des boîtes de nuit

Les Libanais continuent de faire la fête en week-end mais sont plus soucieux de l’hygiène.

Une boîte de nuit, vendredi soir à Beyrouth, bondée. Ici, le coronavirus n’a pas fait baisser la fréquentation.

Malgré la propagation du coronavirus, les Beyrouthins, fidèles à leur réputation de fêtards, semblaient vendredi soir toujours bien décidés à faire la fête malgré les risques potentiels. Mais ce vendredi pourrait bien être le dernier avant un moment, puisque le ministère du Tourisme a annoncé, samedi, la fermeture des boîtes de nuit et cabarets du pays, jusqu’au 15 mars inclus, dans un souci d’endiguer la propagation du Covid-19 à travers le pays. Selon les derniers bilans diffusés dimanche, plus de trente personnes ont été infectées à travers le pays.

Vendredi, dans une boîte un peu cachée au fond d’une ruelle de Hamra, les fêtards étaient toutefois au rendez-vous. Devant une bière au comptoir, discutant sur les divans ou reprenant en chœur des « ya habibi », ils ne semblaient pas outre mesure inquiets de la propagation du coronavirus. En tout cas, pas suffisamment pour rater une soirée de fête. Entre les tables, certains dansent enlacés, beaucoup s’embrassent sur les rythmes endiablés. Seuls les employés portent des masques et des gants.

« On va veiller sur nos clients, au cas où quelqu’un n’irait pas bien, pour pouvoir l’aider au mieux, selon ses symptômes », confie Leila*, la gérante de 27 ans de la boîte « gay-friendly ». Dans une pièce au fond de l’établissement sont stockés des gants et des masques. « Il y a autant de monde que d’habitude. Certaines personnes ont appelé pour vérifier que nous étions ouverts et d’autres ont un peu peur. Mais les Libanais s’adaptent à tout, rien ne peut les empêcher de faire la fête », ajoute-t-elle. Rien, si ce n’est la décision du ministère de fermer les boîtes de nuit et cabarets donc, alors que le Liban est entré dans la phase de « propagation » de la maladie. Dans une circulaire, le ministre Ramzi Moucharrafiyé a appelé à la fermeture de tous ces lieux dès samedi, chargeant la police touristique de s’assurer de la bonne application de cette mesure. La décision du ministère du Tourisme ne s’applique pas aux restaurants.


(Lire aussi : Coronavirus : le Liban renforce ses mesures de précaution)



Cette décision pourrait s’avérer particulièrement néfaste pour les entreprises liées à la vie nocturne beyrouthine déjà bien plombées par la crise économique et financière que traverse le Liban depuis des mois. Près de 800 établissements « servant de la nourriture et des boissons » ont mis la clé sous la porte entre septembre 2019 et fin janvier, dont environ 30 % à Beyrouth, selon le président du syndicat des propriétaires de restaurants, cafés, boîtes de nuit et pâtisseries. « L’impact de la crise va dépendre de la santé économique des bars. Pour le nôtre qui fonctionne bien, cela devrait aller », relativise Leila.

Vendredi soir, les clients se montraient peu, voire pas inquiets outre mesure alors que l’Organisation mondiale de la santé conseille d’« éviter les contacts proches » en « maintenant une distance d’au moins un mètre entre les individus ». « Pour le moment, je pense qu’il y a peu de risques. Et puis, les moyens de protection ne sont pas très efficaces. Comme je vais boire et fumer, je ne peux pas porter un masque toute la soirée », explique Linda*, une jeune femme de 31 ans qui travaille dans la mode. « Je continue de partager mes verres et mes cigarettes », rigole Rodrigue*, un noctambule de 27 ans, colosse de plus de 1 mètre 90 et professeur d’anglais à Beyrouth. « Mais je n’embrasse plus personne », ajoute-t-il, un brin taquin, avant d’embrasser son voisin.

L’ambiance est aussi au beau fixe dans une boîte de nuit de Mar Mikhaël, non loin du quartier de... la Quarantaine. Un quartier ainsi baptisé car au XIXe siècle, c’est là que les passagers et marchandises des bateaux étrangers étaient immobilisés à leur arrivée dans le port de Beyrouth pour éviter toute propagation de maladies, notamment la peste. Mais en ce vendredi, sous la boule à facettes et les stroboscopes de la boîte de nuit, pas un masque à l’horizon.

« Oui, je continue à venir malgré le virus. Pour l’instant, il y a encore peu de cas à Beyrouth. Le gel pour les mains est clairement nécessaire, mais les masques ne sont pas très efficaces et sont surtout utiles si ceux qui sont malades les portent pour qu’ils évitent de propager le virus. Même si la situation s’aggrave, je continuerai à faire la fête. Mais peut-être entre amis et plus dans les clubs », commente Christian, 23 ans, étudiant français en architecture.


(Lire aussi : Coronavirus : quatre nouveaux cas au Liban, le bilan monte à 32)


Jusqu’au bout de la nuit, le DJ de la boîte, coiffure afro, cravate rouge et cigarette au coin des lèvres, enchaîne les vinyles, alors que les serveurs, comme Zoé, 30 ans, remplissent les verres comme d’habitude. Certaines habitudes ont quand même changé. « On se lave tout le temps les mains et dès qu’on touche un objet, on le lave sans tarder. Nous avons changé nos règles d’hygiène dans les bars. C’est bien que le gouvernement ait décidé de prendre des précautions, alors que d’habitude il n’en prend jamais », affirme la jeune serveuse.

« Les gens parlent beaucoup du coronavirus, mais il y a toujours autant de monde. Beaucoup ont des gels hydro-alcooliques sur eux, des masques, ou vérifient que les objets sont bien propres. Mais dès que l’alcool est servi, même les plus hypocondriaques arrêtent d’y penser », ajoute-t-elle avant de retourner prendre des commandes.

Dans la boîte, alors que la nuit est déjà bien avancée, les symptômes sont les mêmes que partout dans le monde et semblent particulièrement contagieux : les danseurs, bière ou cocktail à la main, twistent frénétiquement, et la température continue de grimper.

Samedi, des clubs phares de Beyrouth ont bien annulé leurs événements. Les bars, eux, restent ouverts, et dans certains, on prend la température des clients !

*Les noms ont été changés


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Malgré la propagation du coronavirus, les Beyrouthins, fidèles à leur réputation de fêtards, semblaient vendredi soir toujours bien décidés à faire la fête malgré les risques potentiels. Mais ce vendredi pourrait bien être le dernier avant un moment, puisque le ministère du Tourisme a annoncé, samedi, la fermeture des boîtes de nuit et cabarets du pays, jusqu’au 15 mars inclus,...

commentaires (3)

NON MAIS CA CONTINUE ? LES DECISIONS IMPOSSIBLES A AVALER CONTINUENT MALGRE LA REVOLUTION, MALGRE L'EPIDEMIE, SURTOUT CONTRE TOUTE LOGIQUE : FERMETURE DES BOITES DE NUIT MAIS PAS DU CASINO ? C QUOI CETTE STUPIDITE, CETTE IGNOMINIE, CE CRIME ?

Gaby SIOUFI

10 h 15, le 09 mars 2020

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Commentaires (3)

  • NON MAIS CA CONTINUE ? LES DECISIONS IMPOSSIBLES A AVALER CONTINUENT MALGRE LA REVOLUTION, MALGRE L'EPIDEMIE, SURTOUT CONTRE TOUTE LOGIQUE : FERMETURE DES BOITES DE NUIT MAIS PAS DU CASINO ? C QUOI CETTE STUPIDITE, CETTE IGNOMINIE, CE CRIME ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 15, le 09 mars 2020

  • C'était ou la fièvre du week-end ou la fièvre du Corona. On choisit la santé du peuple.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 25, le 09 mars 2020

  • FALLAIT PAS S,Y AVENTURER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 45, le 09 mars 2020

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