En prévision des séances parlementaires prévues mardi et mercredi pour voter la confiance au gouvernement Hassane Diab, le président Michel Aoun a réuni hier à Baabda le Conseil supérieur de défense pour débattre des mesures de sécurité à prendre face à la contestation. L’accent a été mis sur la nécessité de « contrôler la situation sécuritaire », à l’heure où les protestataires, qui rejettent le nouveau cabinet, se disent déterminés à empêcher les députés d’accéder à l’hémicycle.Lors de la réunion à Baabda, le chef de l’État a « insisté sur l’importance de contrôler la situation sécuritaire, afin de protéger la paix civile et la stabilité du pays », selon un communiqué publié par le Conseil. Il a également mis l’accent sur « l’importance de renforcer la coopération entre les différents appareils sécuritaires et militaires ».
M. Aoun a en outre appelé à pratiquer une politique de « tolérance zéro » envers toute tentative de « porter atteinte au prestige de l’État, de ses institutions et de ses responsables ». Une déclaration qui intervient alors que les dernières manifestations aux alentours du Parlement ont été particulièrement violentes, faisant nombre de blessés et causant d’importants dégâts matériels, notamment après le saccage des devantures de plusieurs commerces. Le chef de l’État faisait également référence aux altercations ayant eu lieu ces dernières semaines entre des manifestants et des hommes politiques se trouvant dans des lieux publics, notamment le député Ziad Assouad, selon des sources sécuritaires.
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Coordination entre les différents services sécuritaires
S’il n’est pas fait mention dans le communiqué des mesures de sécurité qui seront mises en place lors de la séance de mardi, et d’une autre qui pourrait se tenir mercredi, une source bien informée a assuré à notre correspondante Hoda Chédid que « la réunion a porté sur la sécurité des sessions parlementaires et la nécessité de prendre certaines mesures pour assurer un climat de sécurité propice à la tenue de ces séances ». « Les responsables sécuritaires présents ont passé en revue des informations sur certains fauteurs de troubles désormais identifiés. Ils ont discuté des mesures à prendre à ce sujet », ajoute la source.
Lors de la réunion du Conseil supérieur de défense, le chef du gouvernement, Hassane Diab, a évoqué pour sa part l’importance de la mise en place de mesures de sécurité préventives et la nécessité de mettre un terme à tout conflit sectaire ou confessionnel, selon la même source.Contacté par L’Orient-Le Jour, un responsable sécuritaire a assuré, sous le couvert de l’anonymat, s’attendre « à une forte mobilisation du mouvement de contestation », en parallèle aux séances parlementaires. « Les mesures sécuritaires que nous comptons mettre en place viseront à empêcher de s’en prendre aux biens publics et privés. Il s’agira de mesures similaires à celles prises lors de la séance pour le vote du budget 2020 (fin janvier) », indique le responsable. Lors de cette séance, les accès au centre-ville de Beyrouth avaient été entièrement bloqués par des barrages des Forces de sécurité intérieure.
« Il y aura coordination sur le terrain entre les différents services sécuritaires afin d’épauler les forces antiémeute. Les mesures sécuritaires commenceront à être appliquées à partir de mardi matin et seront annoncées auparavant », assure le responsable.
C’est dans ce cadre que le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, s’est réuni hier avec la ministre de la Défense, Zeina Acar, à Yarzé. Les discussions ont porté sur les défis sécuritaires auxquels fait face le pays et les mesures qui seront prises par l’armée pour préserver la sécurité et la stabilité en marge des manifestations.
« Listes de la honte »
Du côté de la contestation, les militants sont sur le pied de guerre. Plusieurs d’entre eux, interrogés par L’OLJ, ont indiqué qu’ils avaient l’intention d’empêcher les députés d’accéder à l’hémicycle et d’empêcher la tenue de la séance par tous les moyens. « Nous prévoyons de publier sur les réseaux sociaux des » listes de la honte « concernant chaque député qui se sera rendu au Parlement, indépendamment du vote de confiance », indique un militant qui a requis l’anonymat.
« Nous allons tenter de bloquer les routes qui mènent au Parlement. Nous y serons tôt le matin, mais nous savons que les députés vont essayer de se rendre à l’hémicycle en passant par le quartier de Khandak el-Ghamik (sous contrôle des partis chiites, vers le Sérail puis vers le Parlement), indique-t-il. On s’attend à une très longue journée et à de la répression de la part des forces de sécurité. »
Plusieurs manifestants ont par ailleurs lancé, sur les réseaux sociaux, un appel à la grève générale mardi. « Nous essayons de mobiliser les gens, et surtout les étudiants, pour qu’ils observent une journée de grève et qu’ils se dirigent vers la capitale pour encercler le centre-ville de tous les côtés », révèle à L’OLJ un autre manifestant, sous le couvert de l’anonymat. « Ils comptent bloquer tout Beyrouth en décrétant une situation d’urgence. Ils vont essayer de faire rentrer les députés par tous les moyens. On ne sait pas encore s’ils vont dormir dans les hôtels de la capitale », souligne-t-il.
Le mouvement de contestation avait réussi à empêcher la tenue d’une réunion du Parlement le 19 novembre dernier pour l’adoption d’une loi d’amnistie générale en bloquant l’accès aux députés. Il n’avait par contre pas pu empêcher la tenue de la séance de vote du budget le 27 janvier, d’une part parce que les contestataires étaient moins nombreux, et de l’autre en raison des mesures de sécurité. Depuis la formation du nouveau gouvernement, les autorités ont érigé des murs de plus en plus hauts autour du Parlement, dont l’un des accès, par le Sérail, est désormais sécurisé. Le militant estime par ailleurs que s’il parvient à obtenir la confiance de l’hémicycle, le gouvernement Diab « sera pire que celui de Saad Hariri ». « Ce cabinet est pareil à celui formé par Nagib Mikati, en 2011, avec la crise économique et la répression en plus, analyse le militant. Ils sont en train de mettre Hassane Diab en face-à-face avec les manifestants, et sa chute sera pire que celle de Saad Hariri. »
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"... M. Aoun a en outre appelé à pratiquer une politique de « tolérance zéro » envers toute tentative de « porter atteinte au prestige de l’État, de ses institutions et de ses responsables ». ..." Mon Dieu que le temps passe vite. Nous sommes déjà le 1er avril?
13 h 32, le 08 février 2020