Photo Carla Henoud
Il y a une chose qui me dépasse. Me dépasse totalement. Au début de la révolution, le peuple libanais s’est mobilisé en masse, envahissant les grandes villes du pays, se retrouvant main dans la main pour faire tomber le régime en place depuis plus de 30 ans. Au début de la révolution, le désir de se libérer du joug politique des anciens chefs de guerre était intense. Saad Hariri démissionne. On empêche les députés de se réunir pour voter une loi d’amnistie, Melhem Khalaf remporte les élections à l’ordre des avocats, une chaîne humaine immense couvre le Liban et l’espoir reste palpable. Puis le temps passant, les Libanais s’essoufflent et désertent petit à petit les places et les rassemblements. Et c’est ce qui me dépasse.
La situation est encore plus catastrophique. Bien plus catastrophique qu’à l’aube du 17 octobre. La livre libanaise a dévalué de facto, les forces de l’ordre deviennent de plus en plus violentes. Les arrestations et les blessés augmentent. Les banques n’en font qu’à leur tête, humiliant leurs clients jour après jour, leur interdisant d’accéder à leur argent, les limitant dans leurs dépenses, les empêchant de voyager pour voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Les banques sont dans l’illégalité la plus totale. Leur contrôle du capital devrait être voté par le Parlement. Ce même Parlement où lors de la première session la semaine dernière, on a vu son président et d’autres députés ricaner et faire de l’humour lors d’une séance non retransmise à la télévision, alors que le pays continue de s’effondrer.
On se serait attendu à voir plus de gens descendre dans les rues. À voir les places se remplir à nouveau. À voir les gens manifester pour recouvrer leurs droits. Et pourtant, rien ne se passe. Le peuple a plié une fois de plus face au système, alors que les demandes de mobilisation sont régulières et se font de plus en plus urgentes. Et pourtant, rien ne se passe.
Les Libanais, enragés, ne bougent plus. Ils restent cloîtrés chez eux, se plaignant inlassablement de la situation, gémissant à qui veut l’entendre qu’ils n’en peuvent plus. Et pourtant rien ne se passe. Ils ne répondent pas aux appels des groupes d’activistes conscients de cette nouvelle phase dans laquelle se trouve la thaoura en s’organisant et non pas en s’opposant uniquement, en unifiant leurs demandes pour l’indépendance de la justice et le retour des fonds volés, jouant le jeu des politiciens. Et honnêtement, c’est désolant. Bloqués face au mur virtuel, qui n’est pas sans rappeler ceux construits au centre-ville, imposé par les dirigeants, ils ne font rien.
Mais où êtes-vous ! ? Jusqu’à quand resterez-vous impassibles ? Impassibles devant ces nouvelles taxes sur le pain, les communications téléphoniques, l’essence et qui vont ronger une fois de plus vos finances, vous obligeant à payer les vols successifs de ces crapules ? Jusqu’à quand allez-vous geindre sans lever le petit doigt ? Sans lever le poing de la thaoura ? Les prix flambent dans les supermarchés, l’inflation est à son comble, les nouvelles taxes vont vous écraser et user le peuple. Et pourtant, rien ne se passe. Et les raisons que donnent certains Libanais sont moyennement valables. Perte d’espoir, fatigue, attente d’un programme, donner une chance à Diab, manque d’organisation, peur des confrontations. Du foutage de gueule. Pensez-vous qu’en l’espace de quelques semaines, nous allions pouvoir bousculer et anéantir 30 ans de corruption ? Pensez-vous que trois mois, c’est trop long ? Qu’est-ce que trois mois (et bientôt quatre) dans l’histoire d’un pays ? Qu’est-ce qu’une centaine de jours pour atteindre cette liberté tant attendue ? Vous êtes fatigués ? Fatigués de quoi ? Fatigués de vous battre, alors que vous avez trop longtemps subi ce joug ? Et au lieu d’agir, de vous mobiliser, de mettre la pression, de manifester, de vous révolter, vous demandez une fois de plus pourquoi les Libanais ne sont pas dans la rue. Mais vous êtes les Libanais ! Chacun d’entre vous. Chacun d’entre vous a un devoir moral envers votre pays. Ce pays que vous rêvez de quitter à nouveau. Ce pays que vous abandonnerez dès que l’occasion se présentera. Dès que les portes d’autres pays s’ouvriront à vous. Qu’en est-il de votre patriotisme ? N’a-t-il existé que lors des premiers rassemblements à la Woodstock ? Ou finalement ce patriotisme n’aura-t-il jamais été incarné ?
La semaine prochaine, après un énième report, la confiance en ce nouveau gouvernement va être votée par un Parlement qui ne représente pas l’ensemble des Libanais. Qu’allez-vous faire ? Attendre paisiblement, malgré la rage au ventre, que les choses s’arrangent d’elles-mêmes ? Attendre que d’autres prennent la rue, en les regardant depuis votre canapé, se battre pour ce pays qui est également le vôtre ? Notre et votre destin sont entre vos mains. Ne les laissez pas détruire nos/vos vies. Il est encore temps.
Il y a une chose qui me dépasse. Me dépasse totalement. Au début de la révolution, le peuple libanais s’est mobilisé en masse, envahissant les grandes villes du pays, se retrouvant main dans la main pour faire tomber le régime en place depuis plus de 30 ans. Au début de la révolution, le désir de se libérer du joug politique des anciens chefs de guerre était intense. Saad Hariri...
commentaires (7)
M. Rifi pas fifi
Hitti arlette
17 h 51, le 08 février 2020