Sleiman Frangié (Omar Ibrahim/photo d’archives Reuters) et Gebran Bassil (photo Dalati et Nohra).
Il s’en est fallu de peu pour que le gouvernement Diab voie le jour. Mais il semble que des règlements de comptes présidentiels prématurés entre le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, et le chef des Marada, Sleiman Frangié, dont les rapports sont pratiquement gelés, entravent encore, entre autres, la genèse de la future équipe.
C’est ainsi que l’on pourrait interpréter la décision du leader zghortiote de tenir une conférence de presse ce matin dans son fief de Bnechii pour s’exprimer au sujet des tractations gouvernementales.(Rq : samedi matin, il a été annoncé que la conférence de presse était reportée sine dié, ndlr)
Une source proche du dossier confie à L’Orient-Le Jour qu’après avoir réussi à conserver le portefeuille des Travaux publics pour la troisième fois consécutive, M. Frangié devrait plaider pour décrocher un second ministre chrétien (outre Lamia Yammine) au sein de la future équipe ministérielle. « Une façon pour lui de réduire le lot relevant du leader du CPL », estime la source.Cette escalade de revendications de la part du chef des Marada aurait pour but de faire barrage à ce qu’une source politique contactée par L’OLJ appelle « les tentatives du binôme Baabda-CPL d’accaparer le tiers de blocage (7 ministres au sein d’une mouture de 18) ». « Gebran Bassil et son parti n’œuvrent que pour assurer leur hégémonie au sein du futur cabinet Diab, et veulent y monopoliser la représentation chrétienne, d’où le différend les opposant aux Marada, mais aussi au Premier ministre désigné, dans la mesure où ce dernier a réduit la quote-part chrétienne réservée au tandem Baabda-CPL », ajoute cette source. Elle explique que « Damien Kattar, ex-ministre des Finances, est donné favori pour le portefeuille du Travail cumulé avec celui d’État pour le Développement administratif », et qu’il est proche de M. Diab. Pour cette même source, « Gebran Bassil veut contourner Sleiman Frangié et son action politique pour des raisons liées aussi bien à la politique politicienne qu’à la présidentielle de 2022 ». Elle considère que le Hezbollah pourrait intervenir pour permettre à Hassane Diab de surmonter cet obstacle, et accélérer par là même la mise sur pied de son équipe. Un gouvernement dont le parti chiite a besoin dans les plus brefs délais au vu notamment des développements survenus dans la région suite à l’assassinat du chef de la brigade al-Qods au sein des pasdaran, Kassem Soleimani, le 3 janvier à Bagdad.
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« La bataille n’est pas encore ouverte »
De son côté, le CPL réfute naturellement toutes les accusations lancées contre Gebran Bassil au sujet du tiers de blocage, même si ce dernier compte imposer au sein du futur gouvernement ses candidats, notamment pour les portefeuilles-clés de l’Énergie et de l’Environnement. À L’OLJ, une source au sein de la direction du parti, qui a requis l’anonymat, rappelle que le binôme présidence-CPL bénéficiait du tiers de blocage au sein du gouvernement sortant, mais qu’il ne l’a pas utilisé, soulignant que le courant aouniste avait déclaré à plusieurs reprises, par la bouche de Gebran Bassil lui-même, qu’il était prêt à se ranger dans le camp de l’opposition si cela pouvait accélérer la formation du gouvernement. « Nous n’avons donc nommé aucune personnalité à aucun portefeuille. Mais le Premier ministre désigné nous a demandé notre avis concernant quelques noms, notamment les chrétiens », assure la source, dans ce qui sonne comme une réponse à tous ceux qui accusent le parti fondé par le chef de l’État de mettre des bâtons dans les roues à Hassane Diab.
Mais le responsable aouniste ne manque pas de décocher ses flèches en direction du leader des Marada, laissant entendre que ce dernier désire une quote-part ministérielle qui ne correspond pas à son poids politique et populaire. Selon lui, « ce n’est pas le moment de retarder la formation du gouvernement pour des calculs prématurés, d’autant que la bataille pour la présidentielle n’est pas encore ouverte ».
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Cette nouvelle confrontation entre Gebran Bassil et Sleiman Frangié ne saurait être dissociée de leur querelle devenue chronique, notamment depuis la présidentielle de 2016 qui a vu le fondateur du CPL accéder à la magistrature suprême. Mais elle prouve que les parrains mêmes de Hassane Diab l’empêchent de former un cabinet monochrome en faveur du 8 Mars, comme le soulignent plusieurs observateurs, même s’il inclurait des spécialistes, comme le veut le mouvement de contestation.
En attendant l’issue des contacts en cours pour que le cabinet soit mis sur pied prochainement, on apprend de source bien informée que la communauté internationale attend surtout la déclaration ministérielle de la future équipe, dans la mesure où elle devrait s’engager clairement à respecter la politique de distanciation du Liban par rapport aux conflits régionaux.
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commentaires (15)
Aasfourieh... c'est là où tout nos politiciens doivent être jetés vite fait avant qu'on n'y soit nous-mêmes mis sous clé!!!
Wlek Sanferlou
01 h 25, le 19 janvier 2020