On l’attendait jeudi, mais désormais nul n’est sûr qu’il naîtra dans les prochains jours. Le gouvernement du Premier ministre désigné, Hassane Diab, se heurte chaque jour à de nouveaux obstacles. Le Premier ministre désigné avait toutefois annoncé, lorsqu’il avait été choisi par une majorité de députés pour former le nouveau gouvernement, que le processus devrait prendre entre quatre et six semaines. Or Diab a été désigné le 19 décembre. Il est donc toujours dans les délais qu’il s’est lui-même fixés.
Les informations publiées dans les médias sur les négociations au sujet du prochain gouvernement ne semblent néanmoins pas encourageantes, même si toutes les parties concernées insistent sur le fait que les obstacles qui restent ne sont pas de nature à empêcher la naissance de ce cabinet et sont solubles avec de la patience et du calme. Jusqu’à hier soir, on parlait encore de quatre nœuds.
Le premier porte sur les portefeuilles qui doivent être attribués aux druzes, l’émir Talal Arslane demandant qu’ils soient les mêmes que ceux du précédent gouvernement et le leader du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt réclamant un droit de regard sur le choix de la personnalité pressentie.Le second obstacle concerne la communauté grecque-catholique qui ne serait représentée dans le gouvernement en gestation que par un ministre, Manal Moussallem, de Zahlé, alors que la communauté estime avoir droit à deux.
Le troisième obstacle tient dans la position du chef des Marada Sleiman Frangié qui estime avoir droit à deux ministres si le Courant patriotique libre doit obtenir sa part en plus de celle qui revenait aux Forces libanaises (qui avaient annoncé ne pas vouloir participer). Le quatrième obstacle est la soudaine revendication du Parti syrien national social (PSNS) qui a récemment demandé à obtenir un ministre.
Un rapide examen de ces revendications montre d’abord qu’elles ne semblent pas vraiment relever de questions de fond, et ensuite qu’elles proviennent pour la plupart de parties qui s’inscrivent dans la ligne du 8 Mars. Ce qui place le Premier ministre désigné devant une alternative : soit il peut faire appel aux parties influentes au sein du 8 Mars (comme Amal et le Hezbollah) pour convaincre leurs alliés de modifier leurs positions, soit le problème véritable serait en fait avec ces deux formations qui se cachent derrière les revendications de leurs alliés.
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Quoi qu’il en soit, dans les circonstances économiques, financières et sociales actuelles très difficiles, et face à la colère de la rue, il semble étonnant de bloquer le gouvernement pour de telles revendications. Or, c’est après la rencontre cruciale de jeudi entre Nabih Berry et Hassane Diab que ces nœuds sont apparus au grand jour, alors qu’ils auraient dû être réglés au cours de cette rencontre qui a duré près de deux heures et demie.
Y aurait-il donc un maillon caché dans toutes ces tractations ? Selon des sources politiques qui suivent le dossier, le véritable point de conflit tournerait autour du nombre de ministres. Amal, le Hezbollah et le Courant patriotique libre de Gebran Bassil (bref, les principaux blocs qui ont nommé Hassane Diab) souhaiteraient un gouvernement de 24 membres, ou a minima de 20 ministres. Ce qui permettrait de résoudre le nœud dit grec-catholique en donnant deux ministres à cette communauté, et le nœud druze en donnant aussi deux ministres à la communauté druze. Mais selon toute vraisemblance, au cours de leur rencontre de jeudi, M. Berry n’a pas réussi à convaincre M. Diab de se rallier à cette option, ce dernier insistant pour présider un gouvernement de 18 membres. C’est d’ailleurs le ministre des Finances du gouvernement démissionnaire Ali Hassan Khalil qui l’a annoncé à la fin de la rencontre en déclarant à la presse : « Nous sommes très proches de la formation d’un gouvernement de 18 membres. »
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Face à la détermination du Premier ministre désigné, les autres ont donc dû s’incliner et tenter de convaincre leurs alliés de revenir sur leurs revendications. Apparemment, le nœud dit grec-catholique pourrait se régler par l’octroi de deux portefeuilles cumulés au ministre de cette confession. Pour les druzes, le candidat choisi par M. Joumblatt, l’industriel Walid Assaf, a lui-même décidé de ne pas être candidat et le ministrable druze Ramzi Moucharrafiyé devrait obtenir deux portefeuilles qui ne sont pas encore définitivement décidés. Quant au nœud des Marada, le chef de cette formation Sleiman Frangié devrait s’exprimer aujourd’hui. Mais les sources politiques qui suivent le dossier de la formation du gouvernement précisent que le fait d’accorder deux ministres à ce courant est injustifié. D’autant que comparée à la part des autres formations politiques, la part de ce courant est confortable. Il avait le portefeuille des Travaux publics dans un gouvernement de 30 membres, il le conservera dans un gouvernement de 18 membres. De plus, dans ce contexte, accuser le chef du CPL d’avoir une part trop importante est aussi injustifié, selon ces sources. M. Bassil avait en effet déclaré qu’il compte faciliter au maximum la formation du gouvernement, et il a tenu parole. Sur les 9 ministres chrétiens d’un gouvernement de 18, au moins 5 ne sont pas choisis par le CPL et la présidence de la République : Damien Kattar et Amal Haddad, l’ancienne bâtonnière des avocats de Beyrouth, sont choisis par le Premier ministre désigné ; Marie-Claude Najm pressentie pour la Justice aurait été sollicitée par des parties universitaires proches de M. Diab ; Lamia Yammine-Doueihy a été désignée par les Marada ; et le parti Tachnag devra choisir son candidat pour être ministre. Même le candidat pressenti pour le ministère des Affaires étrangères, l’ancien ambassadeur de la Ligue arabe à Paris Nassif Hitti, n’est pas un proche du CPL ou de la présidence.
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Un des problèmes qui existent encore est justement le fait que le camp du 8 Mars et alliés propose Aymane Haddad, un proche du PSNS, à la place d’Amal Haddad. Mais le premier est maronite alors que la bâtonnière est grecque-orthodoxe. Ce qui devrait entraîner des changements dans toute la composition du gouvernement. Il est en tout cas inapproprié d’accuser M. Bassil d’entraver la formation du gouvernement par ses prétendues exigences...En principe, donc, les nœuds ne sont pas insolubles et la balle est dans le camp de Hassane Diab. Mais s’il ne parvient pas à trouver de solution au cours des prochains jours, cela signifierait qu’il existe, en fait, un autre problème dont personne ne parle.
Jeudi, les apparitions presque simultanées dans les médias de trois personnalités proches du Premier ministre démissionnaire Saad Hariri (le ministre des Télécommunications Mohammad Choucair, la ministre de l’Intérieur Rayya el-Hassan et le chef des Forces de sécurité intérieure, le général Imad Osmane) ont été considérées par certains comme l’illustration d’une possible volonté du courant du Futur d’entraver la formation du gouvernement. Mais les proches du Premier ministre désigné affirment au contraire que les relations avec le courant du Futur se sont améliorées et assurent même que Dar el-Fatwa aurait fait un pas en sa direction...
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Après un décryptage exhaustif démontrant encore une fois la pourriture de cette classe politique surnommée moumanaaa, qui forme le gouvernement de 18, 20 ou 24 patates, Scarlett ne pouvait résister à la tentation de citer hariri pour le blâmer du retard de la formation de cette salade immonde!! Bien sûr du même coup on détourne le blâme loin, bien loin, de ceux qui ont provoqué la colère du peuple et l'on envoyé dans la rue... Kell décryptage wou into bkheyr
20 h 44, le 18 janvier 2020