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À La Une - Liban

La justice libanaise interdit à Carlos Ghosn de quitter le pays

"Je coopérerai pleinement avec la justice libanaise, avec qui je suis plus à l'aise que je ne l'étais avec la justice japonaise", affirme l'ancien PDG de Renault-Nissan.

Le patron déchu de l'automobile Carlos Ghosn, le 8 janvier 2020 lors de sa conférence de presse à Beyrouth. Photo AFP / JOSEPH EID

La justice libanaise a interdit jeudi au magnat de l'automobile déchu Carlos Ghosn de quitter le pays suite à une demande d'arrestation d'Interpol, le Japon réclamant l'extradition de l'homme d'affaires accusé de malversations financières. La décision a été prise par le procureur général de la République, Ghassan Oueidate, après une audition par des enquêteurs libanais à l'issue de laquelle M. Ghosn a promis de "coopérer pleinement avec la justice libanaise, avec qui je suis plus à l'aise que je ne l'étais avec la justice japonaise".

Ces développements interviennent au lendemain d'une spectaculaire conférence de presse de l'ancien PDG de Renault-Nissan à Beyrouth, sa première apparition publique depuis qu'il a fui le Japon fin décembre. Il a déclaré avoir pris la fuite pour laver son nom face à une "campagne" orchestrée à son encontre au Japon et il s'est dit prêt à être jugé là où il aurait la garantie de bénéficier d'un procès équitable.  De son exfiltration mystérieuse, racontée dans les médias comme un film d'espionnage hollywoodien, il n'a rien dévoilé, pour protéger, a-t-il dit, les personnes impliquées.


Beyrouth réclame à Tokyo le dossier judiciaire
Jeudi, sans être vu par les journalistes postés devant le Palais de justice de Beyrouth, l'homme d'affaires de 65 ans s'est rendu discrètement à son interrogatoire au parquet général. Il a été interrogé au palais de justice de Beyrouth devant un représentant du département d'investigation criminelle, le général Maurice Abou Zeidan, et sous la supervision du procureur, ont rapporté une source judiciaire et l'Agence nationale d'information (Ani). Il a été interdit de voyage, son passeport français a été confisqué et les procureurs ont demandé à Tokyo l'envoi de son dossier judiciaire, ont indiqué deux sources judiciaires à l'AFP. "En fonction du contenu du dossier, s'il est avéré que les crimes dont il est accusé au Japon imposent des poursuites judiciaires au Liban, il sera jugé", a précisé l'une des sources. "Si aucune poursuite judiciaire ne s'impose en vertu de la législation libanaise, il sera alors libre", a-t-elle ajouté.

Interrogé par la chaîne libanaise MTV, M. Ghosn a estimé que son interdiction de voyager était une "procédure" de routine, indiquant qu'il avait remis son passeport.
"Je coopérerai pleinement avec la justice libanaise, avec qui je suis plus à l'aise que je ne l'étais avec la justice japonaise", a-t-il promis sur la chaîne LBC. "Le système judiciaire (japonais) est totalement rétrograde", a-t-il encore asséné.




(Lire aussi : Carlos Ghosn a assuré un show sans lever les doutes, estime la presse française)



Après l'arrivée de M. Ghosn au Liban le 30 décembre, Le Liban, qui a indiqué ne pas avoir d'accord d'extradition avec le Japon, avait annoncé avoir reçu une notice rouge d'Interpol à son encontre. Détenteur des nationalités française, libanaise et brésilienne, M. Ghosn fait l'objet de quatre inculpations au Japon : deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi sur ce volet), et deux autres pour abus de confiance aggravé. Interpellé en novembre 2018 à la descente de son jet au Japon, l'homme d'affaires qui fut le chef d'entreprise le mieux payé au monde avait été libéré sous caution en avril 2019, au terme de 130 jours d'incarcération. Assigné à domicile, il avait interdiction de quitter le Japon dans l'attente de son procès, dont la date n'a pas été fixée.


L'avocat de M. Ghosn s'adressant aux médias. REUTERS/Mohamed Azakir



L'affaire de la visite en Israël
L'ancien patron automobile a ensuite été interrogé dans le cadre de la plainte déposée contre lui la semaine dernière par trois avocats libanais qui l'accusent d'être entré en Israël, ce qui est interdit par la loi libanaise. Ces avocats ont basé leurs poursuites sur des photos remontant à 2008 d'une réunion entre l'ex-patron automobile et les anciens président et Premier ministre israéliens Shimon Peres et Ehud Olmert. Selon l'Ani, le juge Oueidate a décidé de le relâcher sous caution d'élection de domicile. L'enquête à ce sujet se poursuit, selon l'AFP.

Alors qu'il était encore président de Renault-Nissan, M. Ghosn s'était rendu en Israël en 2008, dans le cadre d'un partenariat pour le lancement d'une voiture électrique. Interrogé sur le sujet mercredi lors de sa conférence, il s'était "excusé" auprès des Libanais. "J'y suis allé en tant que directeur général de Renault, sur demande de la direction", a-t-il précisé. "J'y suis allé en tant que Français, en raison d'un contrat entre Renault et une compagnie israélienne".



(Lire aussi : Ghosn en Israël : que dit la loi libanaise et que risque l'ancien PDG de Renault-Nissan)



"Qu'il présente ses arguments"
Les autorités japonaises ont multiplié les déclarations pour dénoncer la fuite rocambolesque de M. Ghosn.

"Je veux qu'il vienne affronter réellement la justice japonaise, mais il a fui, alors même qu'il n'était pas enfermé, qu'il pouvait voir librement ses avocats", a fustigé la ministre de la Justice Masako Mori. "Si l'accusé Ghosn a quelque chose à dire sur son affaire pénale, qu'il présente ses arguments ouvertement devant un tribunal japonais et apporte des preuves concrètes", a-t-elle poursuivi.

Mercredi, s'exprimant pour la première fois depuis plus d'un an, M. Ghosn avait dénoncé la "collusion, partout" entre Nissan et le procureur japonais, notamment pour son arrestation.

Les responsables de Nissan nommément mis en cause par l'homme d'affaires ont fustigé sa conférence de presse. "Je n'ai pas de temps à perdre avec quelqu'un qui joue un drame écrit par lui-même, après avoir fui un pays en violant la loi", a lancé à la chaîne de télévision NTV Masakazu Toyoda, un administrateur extérieur du groupe automobile.
"Si le contenu de la conférence de presse se limite à ça, il aurait pu la faire au Japon", a ironisé l'ancien directeur général de Nissan Hiroto Saikawa, dénoncé par le capitaine d'industrie comme étant un de ses fossoyeurs.




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commentaires (4)

Intelligence libanaise. Ghosn ne risque rien ,quoiqu'il arrive.. Entretemps, essayons d'engager son expérience et ses conseils pour un éventuel processus de redressement économique urgent.

Esber

21 h 47, le 09 janvier 2020

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Commentaires (4)

  • Intelligence libanaise. Ghosn ne risque rien ,quoiqu'il arrive.. Entretemps, essayons d'engager son expérience et ses conseils pour un éventuel processus de redressement économique urgent.

    Esber

    21 h 47, le 09 janvier 2020

  • Un beau roman policier . A suivre .

    Antoine Sabbagha

    20 h 10, le 09 janvier 2020

  • Génial. Ainsi M. Ghosn n'a plus besoin d'excuses pour ne pas se présenter au tribunal populaire des gilets jaunes et en plus, il va pouvoir enfin avoir accès à son dossier. le Japon qui par le passé avait méprisé et ignoré les interventions du gouvernement libanais va sûrement nous envoyer un pavé en ... japonais. De quoi justifier 20 ans de procédure ici et quelques bonne blagues! Il va se passer au moins 2 empereurs avant qu'ils ne remettent la main sur M. Ghosn, ces pirates.

    El moughtareb

    15 h 44, le 09 janvier 2020

  • Bravo à la justice libanaise qui protégera Carlos en l'empêchant de voyager en France où un gros piège l'attendait. D'un autre côté on pourra craindre une négociation entre le Liban et le Japon où la tête de Carlos sera mise sur le billard.

    FRIK-A-FRAK

    13 h 34, le 09 janvier 2020

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