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Société - Justice

Jreissati à « L’OLJ » : Le dossier Ghosn n’a pas de bases légales pour des poursuites au Liban

L’ambassadeur du Japon au Liban Takeshi Okubo a été reçu hier à Baabda par le ministre d’État pour les affaires présidentielles.

Des journalistes, toujours postés, hier, devant la maison, dans laquelle se trouverait Carlos Ghosn, à Beyrouth. Joseph Eid/AFP

L’affaire Carlos Ghosn était hier au cœur d’une rencontre au palais de Baabda entre le ministre d’État sortant pour les Affaires présidentielles, Salim Jreissati, et l’ambassadeur du Japon au Liban, Takeshi Okubo. Et ce alors que le magnat de l’automobile déchu, arrivé au Liban le 30 décembre dernier depuis Osaka via Istanbul, a fui, dans des circonstances qui demeurent floues, la justice nippone qui l’accuse de malversations financières. La rencontre a eu lieu « sur demande de l’ambassadeur du Japon, qui a évoqué le problème de l’escapade de Carlos Ghosn », révèle à L’Orient-Le Jour le ministre Jreissati. « M. Okubo a compris que le gouvernement libanais n’était en rien complice ; que M. Ghosn est entré au Liban avec des documents justificatifs légaux, un passeport français et une carte d’identité libanaise, souligne le ministre d’État pour les Affaires présidentielles. C’est un citoyen libanais qui rentrait chez lui. » L’ambassadeur japonais s’est aussi renseigné sur la conférence de presse que Carlos Ghosn envisage de tenir la semaine prochaine, mercredi ou jeudi plus exactement. « Il a essayé de savoir s’il y aurait une attaque frontale contre la justice japonaise, explique M. Jreissati. Je lui ai répondu que nous n’avions pas pris contact avec M. Carlos Ghosn à ce propos, que la liberté d’expression existe au Liban et que si M. Ghosn voulait tenir une conférence de presse, ce serait probablement devant une multitude de médias internationaux, japonais et libanais. »


(Lire aussi : Affaire Carlos Ghosn : les jets privés utilisés "illégalement" pour la fuite, selon la compagnie MNG Jet)


Beyrouth avait réclamé l’extradition de Ghosn pour le juger au Liban

Après une demande d’arrestation d’Interpol visant l’ancien patron de Renault-Nissan, le Liban a indiqué avoir reçu jeudi une « notice rouge » de cette organisation. Comme l’impose la procédure, et alors qu’il n’existe pas d’accord d’extradition avec le Japon, M. Ghosn devrait être convoqué la semaine prochaine par le parquet général, mardi ou mercredi probablement, ont affirmé certaines sources judiciaires à l’AFP. Contrainte de l’entendre, la justice pourrait décider de l’arrêter ou de le laisser en liberté. Le ministre Jreissati a toutefois affirmé à l’ambassadeur Takeshi Okubo que sur le plan juridique, « le dossier Ghosn n’a pas de bases légales pour d’éventuelles poursuites au Liban ». « Je lui ai aussi rappelé que du temps où j’étais ministre de la Justice, mais également via les Affaires étrangères, le Liban avait adressé au Japon des lettres officielles requérant l’extradition de Carlos Ghosn pour être jugé au Liban des faits dont il était accusé ou qui faisaient l’objet d’une enquête qui n’a que trop duré. J’ai précisé que nous n’avons jamais reçu de réponse à nos lettres, soutient le ministre à ce propos. Ces demandes avaient été faites en vertu de la Convention des Nations unies contre la corruption à laquelle nos deux pays avaient adhéré. » De plus, à la question de l’ambassadeur du Japon concernant la plainte présentée par trois avocats libanais contre Carlos Ghosn, Salim Jreissati a répondu « que le motif de la plainte serait le contact qu’aurait entrepris Carlos Ghosn, alors président de Nissan Renault, avec l’ennemi israélien et que c’était une affaire diligentée par le procureur général de la République ».

Les deux parties ont enfin abordé les relations libano-japonaises. Selon M. Jreissati, l’ambassadeur du Japon a émis « le souhait de voir les relations libano-japonaises hors de tout risque de dégradation ». « Je lui ai dit que nous partageons le même souhait et que nous avons exprimé à M. Suzuki, le vice-ministre japonais des Affaires étrangères, lors de sa dernière visite au Liban, le souhait de voir nos relations se développer au mieux », dit-il encore à L’OLJ. L’entrevue entre les deux personnalités s’est terminée sur une promesse de se revoir la semaine prochaine, « à la demande de l’ambassadeur Okubo, pour essayer d’évaluer encore plus la situation ».

Sur un autre plan, l’ambassadeur du Japon a ensuite été reçu par le leader druze Walid Joumblatt.

Carlos Ghosn, chef d’entreprise qui fut le mieux payé au Japon, y a été arrêté en novembre 2018. Aujourd’hui âgé de 65 ans, le patron franco-libano-brésilien fait l’objet de quatre inculpations dans ce pays : deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi sur ce volet) et deux autres pour abus de confiance aggravé. Fin avril, après 130 jours sous les verrous, il a obtenu une libération sous caution sous de strictes conditions, avec l’interdiction de quitter le pays dans l’attente de son procès. « Je n’ai pas fui la justice, je me suis libéré de l’injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les médias, ce que je ferai dès la semaine prochaine », avait indiqué M. Ghosn dans un communiqué après son arrivée au Liban.


(Lire aussi : Ghosn a quitté seul sa résidence à Tokyo, montre la vidéosurveillance)


Deux passeports français

Si les zones d’ombre demeurent importantes sur les détails de la fuite de l’homme d’affaires au Liban, la vidéosurveillance a révélé hier que Carlos Ghosn a quitté seul sa résidence à Tokyo, dimanche dernier, selon des sources proches de l’enquête citées par des médias japonais, reprises par l’AFP. Captées dimanche vers 12h00 (03h00 GMT), ce sont les dernières images de l’ancien patron de Renault-Nissan à avoir été saisies par une caméra placée près de l’entrée de son domicile pour surveiller ses entrées et sorties, selon la chaîne NHK. La vidéo n’a pas révélé de présence suspecte à ses côtés à ce moment-là. La police japonaise soupçonne qu’il aurait alors rejoint quelqu’un d’autre pour prendre l’avion, toujours selon la télévision nippone. De son côté, M. Ghosn a assuré jeudi avoir organisé « seul » son départ au Liban, sans toutefois livrer de détails sur cette fuite rocambolesque.

Imad Ajami, un ami libanais de M. Ghosn installé au Japon, a suggéré jeudi à l’agence japonaise Kyodo News qu’il avait pu s’enfuir en se cachant dans une caisse d’instrument de musique après un concert donné chez lui, aidé par deux agents de compagnies de sécurité privées se faisant passer pour des musiciens. Mais une autre source de son entourage interrogée par l’AFP a démenti ce scénario. La dissimulation de l’ex-grand patron dans une caisse d’instrument de musique « est une spéculation », a nuancé M. Ajami vendredi. « Je ne suis pas au courant de comment il est parti » du Japon, a-t-il confessé à l’AFP, précisant n’avoir pas eu d’échanges directs avec lui depuis sa fuite.

Quoi qu’il en soit, l’homme d’affaires est soupçonné d’avoir employé un moyen illégal de sortie du Japon, soit sous une fausse identité ou en échappant aux contrôles. Ses trois passeports français, libanais, brésilien étaient conservés dans un coffre par ses avocats japonais pour limiter les risques de fuite. M. Ghosn détenait cependant un second passeport français dans un étui scellé et dont le code d’ouverture était seulement connu de ses avocats japonais, a précisé jeudi à l’AFP une source proche du dossier. La justice japonaise l’avait autorisé à posséder ce document pour lui servir de visa de court séjour dans l’archipel. Il devait donc toujours l’avoir à portée de main pour ses déplacements dans le pays, selon cette même source. Si ce second passeport français ne lui a pas servi à quitter le territoire japonais, il a pu théoriquement lui servir lors de son escale turque.


(Lire aussi : Carlos Ghosn à Beyrouth : une épopée qui reste entourée de mystère)


Les jets privés utilisés illégalement

Le trajet aérien de M. Ghosn semble en revanche plus certain. Il est soupçonné d’avoir d’abord embarqué dans un jet privé à l’aéroport international du Kansai, près d’Osaka (ouest du Japon), dimanche 29 décembre tard dans la soirée, à destination d’Istanbul. Après une brève escale lundi aux aurores à l’aéroport Atatürk, utilisé par les avions cargo et pour des vols privés, M. Ghosn a pris un autre jet privé pour gagner Beyrouth peu après.

Dans ce contexte, la compagnie aérienne privée turque MNG Jet a dénoncé hier l’utilisation « illégale » de deux de ses appareils pour permettre à l’ancien patron de Nissan-Renault de fuir le Japon pour le Liban via Istanbul, ajoutant avoir porté plainte. Selon MNG Jet, deux jets privés ont été loués en décembre à deux clients : l’un des appareils pour un vol Dubaï-Osaka, puis Osaka-Istanbul, et l’autre pour un vol Istanbul-Beyrouth. « Ces deux locations n’avaient en apparence aucun lien entre elles. Le nom de M. Ghosn n’est apparu dans les documents d’aucun des deux vols », a affirmé MNG Jet, ajoutant que la compagnie opère les appareils mais n’en est pas propriétaire. La compagnie rejette la faute sur l’un de ses employés qui a été arrêté par la police turque et qu’elle accuse d’avoir agi de sa propre initiative et d’avoir « falsifié des documents ».

Jeudi, le domicile de Carlos Ghosn à Tokyo était perquisitionné par les enquêteurs japonais, et sept personnes, dont quatre pilotes, étaient interpellées en Turquie dans le cadre d’une enquête ouverte sur place pour comprendre les circonstances de son transit par ce pays.



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commentaires (4)

BONNE NOUVELLE !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 59, le 04 janvier 2020

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Commentaires (4)

  • BONNE NOUVELLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 59, le 04 janvier 2020

  • Carlos pourra intelligemment utiliser son temps, actuellement libre de ses mouvements, mais je lui recommande VIVEMENT DE NE JAMAIS SE RENDRE EN FRANCE POUR QUELQUES RAISONS QUE SE SOIT, JE DIRAI MÊME QU"AU BESOIN QU'IL SE DEBARASSE VITE FAIT DE SON PASSEPORT FRANÇAIS. No place like home.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 45, le 04 janvier 2020

  • J'espère que M. Ghosn remettra à plus tard sa conférence de presse afin de donner une chance à la diplomatie et aux négociations pour régler son problème avec le Japon.

    Shou fi

    11 h 50, le 04 janvier 2020

  • Je crois que même dans la prison de Roumieh les détenus ne subissent pas les sévices qu’à imposé la justice Japonaise à Carlos Ghosn, Toue le monde en connaît les détails. Fautif Carlos Ghosn l’est sans doute. Criminel jamais. Le Japon aurait dû avoir envers lui la reconnaissance du ventre, il l’a bien engraissé à Nissan qui était mort de faim. Le jalousie est un vilain défaut, les cabales montées de toutes pièces en sont la preuve. Soyons justes et équitables. Un moment Carlos Ghosn a personnifié le rêve Libanais. À ce titre laissons le tranquille et protégeons le. Georges Tyan

    Lecteurs OLJ 3 / BLF

    11 h 46, le 04 janvier 2020

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