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Liban - Fêtes

Les Libanais n’ont jamais été aussi pauvres, ni non plus aussi solidaires

Pour les fêtes, les initiatives se multiplient, comme celle des Anges de Noël, pour soutenir ceux qui commencent à manquer de tout.

En attendant le père Noël. Photos DR

Depuis le début de la crise financière, les initiatives se multiplient pour aider ceux qui commencent à manquer de tout. Le soulèvement populaire et les fêtes n’ont fait que rapprocher les Libanais, les plus nantis aidant ceux qui sombrent petit à petit dans la pauvreté.

Du Sud au Nord, en passant par Beyrouth et la Békaa, les initiatives se sont multipliées à l’approche des fêtes : caisses alimentaires, cotisation pour paiement de loyers et, surtout, en cette période de fin d’année, cadeaux pour les tout petits.

Dans presque toutes les localités libanaises, des particuliers partant d’une initiative personnelle se sont joints à des associations civiles et religieuses pour toucher le plus grand nombre de personnes. Depuis le week-end dernier, pour Noël, des distributions de cadeaux se sont tenues dans tout le Liban.


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Le père Noël à Karm el-Zeitoun

Dimanche après-midi, c’est à Karm el-Zeitoun, l’un des quartiers les plus pauvres d’Achrafieh, que le père Noël est arrivé, dans une voiture habillée en locomotive par une compagnie de taxis, distribuant des cadeaux à quelques centaines d’enfants qui l’attendaient.

Luna, 7 ans, première de sa classe, toute habillée de rouge, l’attendait de pied ferme avec sa mère Angèle, 45 ans, centraliste dans un hôpital.

« Depuis le début de la crise, j’encaisse la moitié de mon salaire. Mon mari est journalier et nous arrivons à peine à joindre les deux bouts. Je n’ai jamais eu recours à une caisse alimentaire de ma vie, en pensant toujours qu’il y a des personnes qui en ont plus besoin que moi. Là je rêve que quelqu’un me donne des aides en vivres, mais comme on n’est plus en période électorale, les hommes politiques sont aux abonnés absents », dit-elle.

Élie est son voisin à Karm el-Zeitoun, un entrelacs de ruelles étroites bordées d’immeubles décrépits. Il attend la distribution des cadeaux avec sa fille Mabelle. Il a aussi un fils de 16 ans. Depuis le début de la crise, ce chauffeur employé par une compagnie privée encaisse 60 % de son salaire, alors que sa femme ne travaille pas. « Mon salaire actuel me permet de payer mon loyer. Pour le reste, je tente de me débrouiller. Hier par exemple j’ai eu la tristesse de me disputer avec mon fils… Je lui avais passé 20 000 livres, il les a dépensées avec ses copains. Je le lui ai reproché. Une telle somme nous aurait nourris plusieurs jours durant », confie Élie, les yeux tristes, ajoutant que cette année pour des raisons financières, il a été obligé de changer l’école de ses deux enfants.


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Pire que la guerre

Georges attend sur la chaussée avec ses deux enfants âgés de deux et de trois ans. Il souligne qu’il est membre de la Sécurité de l’État et qu’il encaissait l’équivalent de 800 dollars, avant la chute de la livre. « Je n’aurais jamais imaginé que je serai un jour dans cette situation, attendant dans la rue pour recevoir des cadeaux gratuitement offerts à mes enfants. Notre situation actuelle est pire que tout ce que nous avons vécu durant la guerre », soupire-t-il.

À côté de lui, Rand, la trentaine, venue avec sa fille de trois ans, raconte : « Jusqu’à présent la compagnie d’assurances où je travaille me paie un salaire entier, mais c’est la banque qui ne me donne pas mon argent. J’en ai pourtant besoin pour le repas de Noël. »

Un peu plus loin, Nisrine, 41 ans, est venue avec ses jumeaux, Michel et Gabriel, deux garçons roux aux yeux verts, âgés de 8 ans.

« Cette année j’ai dit aux enfants : je vous achète des vêtements et pas de cadeaux. Quand j’ai appris la nouvelle de la distribution des cadeaux, à Karm el-Zeitoun, j’ai enregistré leurs noms et je suis venue de Jounieh. »

Nisrine n’était pas la seule dimanche à se déplacer du Metn ou du Kesrouan jusqu’à Karm el-Zeitoun pour que ses enfants reçoivent des cadeaux. Elle n’était pas la seule non plus à prendre part pour la première fois à ce genre de distribution. À l’origine de l’initiative, un groupe de 200 femmes qui se sont fait appeler les Anges de Noël et qui se sont associées pour la réaliser avec « Mourouj al-Mahabba ». Cynthia Sabbagh, l’une de ces bénévoles, confie : « Tout a commencé avec des personnes qui ne voulaient pas rester les bras croisés face à la misère. Nous avons collecté de l’argent et acheté des cadeaux pour les distribuer aux quatre coins du Liban, notamment à Karm el-Zeitoun, Nabaa, Bsalim, Hammana, Broummana, ainsi que Tyr et ses alentours. »


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Rations alimentaires

D’autres groupes ont choisi de distribuer des rations alimentaires. À Tripoli, une avocate, Amani Mallat, a mobilisé ses amis au Liban et à l’étranger pour préparer des aides à 40 familles qui vivent dans Khan al-Tamthilia, dans des conditions précaires et insalubres.

D’autres groupes de femmes se réunissent pour des initiatives diverses, comme Paola Rebeiz et un groupe de volontaires, qui distribueront des pots de Nutella et des friandises aux personnes qui campent depuis le soulèvement populaire au centre-ville de Beyrouth.

Des dizaines et des dizaines d’initiatives ont été annoncées sur les réseaux sociaux, dépendant de groupes, de particuliers et d’ONG. Certaines distribuent des vêtements, d’autres des colis alimentaires, d’autres encore des cadeaux pour Noël. Certaines aident au paiement des loyers ou à restaurer des maisons.

Parmi elles, Beit el-Baraka, qui cible surtout les retraités qui ont épuisé leurs économies. Le week-end dernier, sa fondatrice, Maya Chams Ibrahimchah, s’est rendue avec deux camions remplis de vivres à Tripoli. « Je n’ai jamais vu autant de pauvreté de ma vie. Je n’ai jamais autant pleuré que durant ces trois derniers jours », confie-t-elle à L’Orient-Le Jour.

Aujourd’hui, les familles qui sont prises en charge par l’association viendront des quatre coins du Liban pour recevoir un colis de Noël, comprenant une dinde, une bouteille de vin et une bûche. Au programme également, un concert de flûte et de piano.

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commentaires (5)

"La Charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas. Ça n’est pas étonnant. Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu’à moins d’avoir un cœur de pierre, comment n’auraient-elles point charité les unes des autres" (Ch. Péguy. "Le mystère du porche de la deuxième vertu")

Yves Prevost

09 h 04, le 25 décembre 2019

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Commentaires (5)

  • "La Charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas. Ça n’est pas étonnant. Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu’à moins d’avoir un cœur de pierre, comment n’auraient-elles point charité les unes des autres" (Ch. Péguy. "Le mystère du porche de la deuxième vertu")

    Yves Prevost

    09 h 04, le 25 décembre 2019

  • AUSSI PAUVRES... C,EST COMPRIS. MAIS AUSSI SOLIDAIRES C,EST OCCASIONNEL JE CROIS. DES MEMES REVENDICATIONS LES UNISSENT AUJOURD,HUI. QU,EN SERAIT-PIL DE DEMAIN ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 32, le 24 décembre 2019

  • Vraiment formidable!!! Bravo!!!!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 17, le 24 décembre 2019

  • Heureusement que cette révolution s'est produite pou que finalement la misère du peuple, tout le peuple, soit exposée. Depuis des années que la crise se pointait à cause de politiques et de décisions biscornues en plus de la pourriture chez les puissants de ce pays. Allah karim

    Wlek Sanferlou

    03 h 04, le 24 décembre 2019

  • Et viva la revolucion !

    FRIK-A-FRAK

    01 h 11, le 24 décembre 2019

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