Jusqu’au bout le Premier ministre démissionnaire Saad Hariri a maintenu le suspense au sujet des consultations parlementaires contraignantes. Il a commencé par ne pas révéler sa décision au sujet de sa succession jusqu’au rendez-vous de son groupe parlementaire avec le chef de l’État dans la matinée d’hier. Ensuite, il s’est gardé de désigner un nom pour sa succession, jetant à la face des deux formations chiites et du CPL la question du respect de la Constitution et de la participation de toutes les composantes communautaires et confessionnelles aux décisions importantes. En s’abstenant de nommer un candidat pour former le nouveau gouvernement, Saad Hariri et son groupe ont donné le ton aux anciens présidents du Conseil, notamment Tammam Salam et Nagib Mikati, pour suivre cet exemple, et ils ont privé le candidat qui a été retenu d’une couverture politique sunnite confortable.
D’ailleurs, la réaction dans la rue dans plusieurs régions à majorité sunnite, notamment le Akkar, Tripoli et la Békaa, ne s’est pas fait attendre, puisque des protestataires ont coupé plusieurs routes.
Enfin, tout au long de la journée d’hier, les milieux proches du courant du Futur ont lancé des commentaires sceptiques tantôt en évoquant l’absence de couverture sunnite politique au Premier ministre désigné Hassane Diab, et tantôt en affirmant que cette désignation détruit toute la théorie sur laquelle s’est basé le chef de l’État pour justifier son élection à la présidence de la République, à savoir le concept qui veut que c’est la personnalité la plus forte dans sa communauté qui occupe le premier poste de cette même communauté au sein de l’État. Ces commentaires qui ont commencé à être relayés par les chaînes de télévision ont pris leur ampleur à travers les réseaux sociaux et suscitent un certain malaise populaire suite à la désignation du nouveau Premier ministre chargé de former le gouvernement.
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Les milieux proches du CPL et des deux formations chiites répondent à ces critiques en rappelant que depuis le déclenchement de la révolte populaire, les trois parties n’ont cessé de déclarer ouvertement leur appui au gouvernement présidé par Saad Hariri. Puis lorsque ce dernier a décidé de présenter la démission du cabinet sans les consulter, le CPL, Amal et le Hezbollah n’ont cessé de l’appeler soit à accepter une nouvelle désignation, soit à proposer une personnalité de son choix. Jusqu’à la dernière minute, mercredi soir, le président de la Chambre essayait même de pousser les députés à le désigner. Mais c’est lui qui a annoncé sa volonté de se retirer de la course. Dans ces conditions, les trois parties ne peuvent pas être accusées d’avoir porté un coup au principe de la participation de toutes les composantes confessionnelles aux grandes décisions politiques, ni d’avoir bafoué le concept de l’homme fort dans sa communauté. De plus, en proposant un technocrate, les parties concernées ont voulu donner un signe positif à la rue et montrer qu’elles tiennent compte de ses revendications. Mais il est clair qu’un technocrate ne peut pas avoir la même couverture politique qu’un politicien...
Face au refus de Saad Hariri d’être dans la course et de désigner un successeur sans chercher à le griller, il a donc bien fallu se mettre à la recherche d’une personnalité compétente, qui n’est pas dans la provocation et aucunement susceptible de susciter la colère de telle ou telle autre partie, tout en essayant de calmer la rue et de rassurer les parties internationales et régionales. Une personnalité sans coloration politique, respectable, ayant une carrière professionnelle brillante. C’est ainsi que le choix s’est porté sur Hassane Diab, ancien ministre de l’Éducation et professeur à l’Université américaine.
Le Premier ministre désigné avait été ainsi pressenti il y a quelques jours et il s’est montré réceptif, prêt à relever le défi dans une période aussi délicate et difficile. Pourtant, le chemin de la formation du gouvernement reste semé d’embûches.
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Sans compter l’obstacle sunnite qui s’annonce et qui pourrait être réglé de deux façons : d’abord par une déclaration publique du courant du Futur et de son chef, notamment dans le cadre des consultations parlementaires que Hassane Diab compte entamer à partir de samedi. Ensuite par une déclaration de Dar el-Fatwa qui avait déjà annoncé mercredi qu’elle était ouverte à toute personnalité sunnite qui obtiendrait le plus grand nombre de voix parlementaires.
Il y a aussi la réaction du mouvement de protestation que le choix de Hassane Diab était destiné à satisfaire. Le discours qu’il a prononcé juste après sa désignation, depuis le palais de Baabda, était d’ailleurs dirigé essentiellement vers les protestataires dans la rue, en voulant montrer qu’il les a entendus et qu’il tient compte de leurs demandes et qu’il souhaite avant tout arrêter l’effondrement économique et commencer à régler la crise actuelle. Mais cela suffira-t-il à convaincre le mouvement de lui accorder une chance, comme il l’a lui-même demandé, voire de dialoguer avec lui pour s’entendre sur des noms de ministres qui représenteraient le mouvement ?
La désignation de Hassane Diab et son discours insistant sur le fait qu’il n’y aura pas de retour « à la situation d’avant le 17 octobre » sont destinés à ouvrir une nouvelle page avec le mouvement. Cette initiative sera-t-elle accueillie favorablement ? Il est sans doute encore trop tôt pour se prononcer, mais il est clair que le Premier ministre désigné a déjà quelques idées sur le gouvernement qu’il compte former. Aura-t-il la possibilité de les mener à terme, et surtout d’inspirer suffisamment confiance au mouvement pour qu’il entame un dialogue sérieux avec lui ? Le temps presse et la crise s’amplifie de jour en jour. S’il y a des agendas cachés, l’aventure Hassane Diab pourrait s’arrêter rapidement et il pourrait s’excuser, mais hier une brèche a été ouverte dans le mur de la crise.
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Pour les esprits en carence de matière grise, si les yanky sont désormais exportateurs de OIL, pourquoi continuent ils à VOLER le pétrole syrien, alors même qu'ils ont déclaré vouloir quitter le M.O ? L'ignorance n'est pas dans la limite des connaissances, elle est dans la limite d'un esprit réfractaire à l'expression la VÉRITÉ.
16 h 16, le 20 décembre 2019