Le président de la République, Michel Aoun, avec le bloc joumblattiste, hier à Baabda. Photo Dalati et Nohra
Après le retrait du chef du gouvernement sortant Saad Hariri de la course pour le poste de Premier ministre, le groupe parlementaire du Futur s’est abstenu de nommer un candidat à la présidence du Conseil, lors des consultations parlementaires contraignantes tenues hier à Baabda pour désigner un successeur à M. Hariri. Ce n’est pas la même démarche qu’a adoptée le bloc joumblattiste qui a créé la surprise en nommant Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban à l’ONU et juge au sein de la Cour internationale de justice, un candidat qui avait été proposé par Saad Hariri mais qui s’est rapidement heurté à l’opposition du Hezbollah.
Il est vrai que Walid Joumblatt a longtemps plaidé pour la mise sur pied d’un cabinet de spécialistes épuré des figures politiques. Mais le choix de son parti a été interprété, dans certains milieux politiques, comme obéissant à une volonté de faire face au Hezbollah et d’adresser un message critique à l’allié haririen traditionnel. Une impression qu’a confirmée un tweet assassin du leader druze en direction de la Maison du Centre. « Que le 8 Mars réussisse (à imposer) son candidat (Hassane Diab), cela n’est pas étonnant. Au moins, ils (le 8 Mars) possèdent un projet. Mais que les forces du Futur, qui se cachent derrière la “technocratie” comme si elles venaient directement de Silicon Valley, trahissent Nawaf Salam parce qu’elles craignent le changement, cela prouve qu’elles sont stériles et en faillite », a écrit M. Joumblatt, avant d’ajouter : « Nous étions une minorité et nous le demeurerons. Cela est beaucoup mieux. »
« Notre choix est réfléchi et basé sur le profil de Nawaf Salam, idéal pour former un cabinet d’indépendants qui appliquerait la politique de distanciation du Liban par rapport aux conflits des axes qui l’ont détruit », explique Marwan Hamadé, député du Chouf, à L’Orient-Le Jour, tout en soulignant que cette position ne doit pas être interprétée ni comme un défi au Hezbollah ni comme un déni de confiance à Saad Hariri, qui bénéficiait des voix joumblattistes avant qu’il ne décide de se retirer de la course. Interrogé à propos de la prochaine phase, M. Hamadé est catégorique : « Le peuple n’a pas encore dit son dernier mot au sujet de la nomination de Hassane Diab. Et le Liban a besoin d’une nouvelle équipe ministérielle. Nous sommes déjà dans l’opposition. Et nous ne participerons pas avant la mise en application de réformes fondamentales en accord avec la vague et les aspirations populaires. »
Tout comme les joumblattistes, les trois députés Kataëb ont accordé leurs voix à Nawaf Salam, comme l’avait clairement annoncé le chef du parti, Samy Gemayel, le 9 décembre. Mais si le parti était l’un des premiers à plaider pour la formation d’un cabinet de spécialistes, il s’abstient de commenter la nomination de Hassane Diab avant une réunion de son bureau politique, dans les prochaines 24 heures, apprend-on de source informée.
(Lire aussi : Hassane Diab promet qu’il n’y aura pas de retour à l’avant-17 octobre)
Les FL : Non à un cabinet monochrome
Quant aux Forces libanaises, elles se sont abstenues de nommer un candidat pour le poste de Premier ministre. Expliquant cette prise de position, un responsable FL rappelle, dans une déclaration à L’OLJ, que le parti avait déjà annoncé qu’il attendait la formation du gouvernement et ne nommerait aucune personnalité lors des consultations parlementaires. D’autant que ce qui importe reste la forme de la future équipe et non l’identité du Premier ministre.
Loin de toute volonté de confrontation avec Saad Hariri, les FL semblent se diriger, tout comme Walid Joumblatt, vers une posture d’opposition au prochain gouvernement. « Il est évident que Baabda et les protagonistes qui gravitent dans son orbite tiennent à un cabinet à dominante politique, d’où le retrait de Saad Hariri », analyse le cadre FL qui estime que le gouvernement Diab sera monochrome. Il ne pourra donc pas inspirer confiance ni à la rue en ébullition ni aux partenaires arabes et à la communauté internationale. « Pour toutes ces raisons, nous sommes contre le cabinet en gestation », conclut-il.
Ce sont donc trois piliers du 14 Mars qui se rangent désormais dans le camp de l’opposition. S’agit-il d’une renaissance de l’alliance ? Pour Marwan Hamadé, « le mouvement du 17 octobre est un new-look du 14 Mars ».
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C'est juste si c'est un gouvernement monochrome le Liban est fichu surtout qu'il y aura la main des Ayattollahs come vous dites il n'y aura la confiance de personne
17 h 50, le 20 décembre 2019