Le drame des pays décolonisés trop tôt est que non seulement ils sont ingouvernables, mais qu’avec le temps il devient inutile de les gouverner. Au fil des années, chaque échéance institutionnelle devient un véritable chemin de Golgotha charriant son lot guilleret de bouseux agités, chapeautés par un chefaillon vociférant, le sourcil sombre, l’index levé tel un onaniste contrarié.
Comme le fond du bavoir est désespérément vide, force est de se rabattre sur les succédanés subsidiaires des accessoires secondaires. À l’instar de ces chaînes télé, les unes plus foireuses que les autres, qui tiennent en otage des téléspectateurs désœuvrés au regard torve, pour leur servir tous les soirs un jus de crâne bien frappé, avec en vedette le sempiternel expert compassé qui sait beaucoup de choses qu’il faudrait connaître mieux que lui pour vérifier s’il n’est pas un âne.
Autre insignifiance : ce suspense virtuel entretenu par le Mollasson à long terme et aux moyens ternes du Sérail, avant qu’il ne décide de s’auto-éjecter. Le Futuroscope se voyait déjà pilotant un nouveau gouvernement de pioupious biberonnés aux start-up, qu’il mettrait au boulot pendant qu’il s’en irait se détendre les doigts de pieds auprès du prince héritier saoudien dont il est le voisin de palmier. Son décrochage était censé faire des vagues, il n’a provoqué qu’un piteux clapotis.
Enfin, dernière futilité : le Planqué de Aïn el-Tiné qui n’en finit pas de jouer les entremetteurs en alignant les clignotants les plus farfelus. Un coup il engage des chuchotis honteux avec l’ex-Premier sinistre, un autre il va casser du sucre sur son dos auprès de Michel du Château. Que diable ! Avec maintenant un Diab si peu diablotin, Istiz Nabeuh rêve déjà d’un caravansérail gouvernemental d’une cinquantaine de ministres, surchargés de portefeuilles dopés au diesel syro-iranien. On ne boude pas la recette d’un fromage politique aussi nourrissant. De toute façon, ses gesticulations n’engagent que ceux qui y croient. Le vieux déshérité est d’autant plus prêt à toutes les combines, qu’il sait qu’il appartiendra au Premier d’entre les barbus de les valider.
Ouf ! On nous en aura fait avaler des boas (Boa constrictor imperator, 3 m, 15 kg) depuis plus d’un demi-siècle ! Sinistrés d’un pays-bulle suspendu dans l’espace-temps, nous sommes le seul peuple au monde à ne pas savoir où nous allons.
Si nous le savions… nous n’irions peut-être pas.
gabynasr@lorientlejour.com
"Nous sommes le seul peuple au monde à ne pas savoir où nous allons". L'archisympathique Gaby Nasr. - Otto d'Habsbourg, Archiduc d'Autriche (1912-2011) avait dit : "Celui qui ne sait pas d'où il vient, ne peut savoir où il va car il ne sait pas où il est" - Un proverbe chinois dit : "Oublier ses ancêtres, c'est être un ruisseau sans source et un arbre sans racine". Bonne Année 2020 à tous les lecteurs de l'Orient-Le Jour du Liban, de France et de Navarre.
15 h 39, le 20 décembre 2019