C’est un discours pondéré qu’a prononcé hier le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui s’est dit en faveur d’un gouvernement de partenariat national dans lequel toutes les parties politiques sans exception devraient, selon lui, assumer leurs responsabilités pour trouver une issue à la crise. Lors de ce discours retransmis à la télévision trois jours avant les consultations parlementaires contraignantes pour la nomination d’un futur Premier ministre, le chef du parti chiite s’est toutefois abstenu de se prononcer sur la forme que devrait prendre le prochain cabinet ou en faveur de quel candidat le bloc parlementaire issu de son parti se prononcera, même s’il a exprimé son soutien à la candidature du Premier ministre sortant Saad Hariri. S’il s’est abstenu de commenter la décision annoncée la veille par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, de ne pas intégrer le prochain gouvernement, quelle que soit sa mouture, Hassan Nasrallah a quand même insisté sur la nécessité que le courant aouniste puisse être représenté au sein du prochain cabinet, quelle que soit la forme de cette représentation. « Nous appelons à un gouvernement qui puisse être le plus représentatif possible, qui ne contrevienne pas à l’esprit du pacte national », a affirmé Hassan Nasrallah, soulignant par ailleurs qu’aucune composante du pays ne doit être exclue.
Le chef du Hezbollah a justifié ce choix par le fait notamment que les parties politiques dans leur ensemble doivent assumer la responsabilité de la gestion de la crise. « Cette situation requiert la solidarité et la coopération entre toutes les parties, y compris le CPL », a-t-il insisté.
Un gouvernement d’union nationale reste, pour Hassan Nasrallah, le seul susceptible de protéger les intérêts du pays, ce qui n’est pas le cas pour un cabinet monochrome à un moment aussi sensible où le pays a besoin de « stabilité interne », a-t-il laissé entendre.
En mettant en garde contre le risque de tension qu’un tel scénario pourrait générer, notamment dans le cas de figure d’un gouvernement uniquement composé du camp du 8 Mars (avec principalement le CPL, les Marada, le Hezbollah et le mouvement Amal), le chef du parti de Dieu faisait allusion au risque d’un affrontement sunnito-chiite que son parti cherche à éviter à tout prix, notamment depuis que la rue sunnite s’est mobilisée à plusieurs reprises en faveur de M. Hariri.
(Lire aussi : Fumant !, l'éditorial de Issa GORAIEB)
« Un gouvernement du Hezbollah »
Un cabinet monochrome serait par ailleurs considéré par la communauté internationale comme « un gouvernement du Hezbollah, ce qui n’est pas dans l’intérêt du peuple libanais », a encore précisé Hassan Nasrallah. C’est le même principe qui s’applique pour un gouvernement uniquement composé des forces du 14 Mars, une option également impensable selon lui, étant donné que la majorité, aux mains du camp adverse, devrait encore donner sa confiance à un tel cabinet. « Comment un gouvernement monochrome pourrait-il faire face à une crise de cette ampleur ? Cette situation requiert la solidarité et la coopération entre toutes les parties. Un gouvernement monochrome, qu’il soit celui de notre partie ou celui de l’autre, serait un mauvais choix et n’aiderait pas à sauver le pays », a-t-il insisté.
Ayant affirmé avoir éliminé d’emblée ce choix, Hassan Nasrallah a précisé que l’option restante était celle d’un gouvernement de partenariat national qui pourrait inclure des représentants du mouvement de contestation que présiderait soit M. Hariri, soit quelqu’un d’autre, a-t-il laissé entendre. En laissant la porte ouverte à une alternative à M. Hariri, sans trop y croire cependant, le chef du Hezbollah a vraisemblablement voulu sauver la face en démontrant son respect du libre choix laissé aux députés et éviter d’empiéter sur le processus constitutionnel.
Il a toutefois saisi l’occasion pour lancer un message dosé à M. Hariri qui, a-t-il dit, « a posé une série de conditions jugées impropres par notre camp, et dont certaines aboutiraient à l’exclusion d’autrui », exhortant le Premier ministre sortant « à jeter du lest » pour pouvoir parvenir à un compromis. Il a affirmé avoir accepté l’option de la candidature de M. Hariri ou d’une personnalité avalisée par lui, rappelant que dans ce cadre, les noms de plusieurs candidats sunnites avaient été proposés, ceux de Mohammad Safadi, Bahige Tabbara et Samir Khatib, des noms que le parti a acceptés tour à tour. « Le plus important, c’est que le cabinet puisse réaliser les réformes requises », a-t-il déclaré.
« Si le gouvernement (sortant) était resté en place, et que le mouvement de contestation s’était poursuivi, le cabinet aurait été tout à fait prêt à préparer et mettre en œuvre des réformes », a-t-il indiqué en rappelant qu’il s’était opposé dès le départ à la démission de M. Hariri.
(Lire aussi : Consultations : comment se présentent les positions des partis chrétiens ?)
Évoquant les exigences du Groupe international de soutien au Liban, réuni mercredi dernier à Paris, qui avait conditionné l’aide à apporter au Liban par un gouvernement capable de mettre en place des réformes, Hassan Nasrallah a affirmé que cela n’induit pas nécessairement la forme que devrait prendre le prochain cabinet.
« Cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agit d’un gouvernement de technocrates ou techno-politique, mais plutôt d’un cabinet de sauvetage », a précisé Hassan Nasrallah. S’abstenant de se prononcer dans un sens ou un autre, il a laissé entendre qu’il n’y a pas lieu de brûler les étapes, et qu’il faudra d’abord passer le cap de l’échéance de la désignation avant de passer à celle de la composition, une prérogative qui revient au Premier ministre désigné et au chef de l’État.
Aucune indication non plus sur la personnalité que le bloc du Hezbollah compte nommer lundi, le chef du parti chiite ayant laissé entendre qu’il en sera décidé en temps voulu. Certaines informations de presse avaient laissé entendre que bien qu’ayant avalisé la candidature de M. Hariri, le Hezbollah pourrait s’abstenir de le nommer, de sorte à ne pas le faire bénéficier d’une majorité confortée, pour mieux négocier la composition du gouvernement par la suite.
Lire aussi
«Ya aayb el-choum», Un peu plus, de Médéa AZOURI
La folie c'est de répéter les mêmes erreurs et espérer des résultats différents
19 h 59, le 14 décembre 2019