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À La Une - Liban

Jour 41 : face à face tendu entre partisans du CPL et manifestants sur la route du palais de Baabda

Inhumation dans la colère des deux victimes de l'accident de Jiyé.

Un face à face tendu a eu lieu mardi en début de soirée sur la route du palais présidentiel de Baabda, entre des protestataires répondant à l'appel du parti Sabaa et des partisans du Courant patriotique libre, fondé par le chef de l’État Michel Aoun. Photo Ani

Au 41e jour d'une contestation inédite contre la classe dirigeante, un face à face tendu a eu lieu mardi en début de soirée sur la route du palais présidentiel de Baabda, entre des protestataires répondant à l'appel du parti Sabaa et des partisans du Courant patriotique libre, fondé par le chef de l’État Michel Aoun et dirigé par son gendre Gebran Bassil. Des échauffourées ont éclaté entre les deux camps et les forces de sécurité et l'armée, fortement déployées sur place, sont intervenues pour les séparer, interdisant dans le même temps à d'autres personnes à venir grossir les rangs des deux groupes.

Les activistes de Sabaa ont appelé le président Michel Aoun à lancer les consultations parlementaires contraignantes en vue de désigner un Premier ministre et accélérer la formation d'un nouveau gouvernement. Cette mobilisation intervient alors que Baabda avait annoncé quelques heures plus tôt que les consultations parlementaires se tiendront jeudi et pourraient s'étendre jusqu'à vendredi après-midi. Cette décision a suivi l'annonce faite par le Premier ministre sortant Saad Hariri qu'il ne sera pas candidat à sa propre succession.

Le mouvement de contestation, qui dénonce depuis le 17 octobre une classe dirigeante jugée incompétente et corrompue, a obtenu sa première victoire avec la démission du gouvernement Hariri le 29 octobre et réclame une équipe de technocrates et d'indépendants qui ne seraient pas issus du sérail politique. Quatre semaines après cette démission et en dépit d'une mobilisation populaire qui ne faiblit pas, le processus constitutionnel devant aboutir à la nomination d'un nouveau Premier ministre puis la formation d'un gouvernement n'a toujours pas été enclenché par le président Aoun. L'impasse est totale et le pays est au bord de l'effondrement économique.



(Lire aussi : Samir Khatib se dit prêt à former un nouveau gouvernement)


"Attaques, apparemment coordonnées"
En attendant un règlement de la crise, la tension est montée dans la rue ces deux dernières nuits, avec des attaques de partisans des deux partis chiites Amal et Hezbollah contre des rassemblements du mouvement de contestation à Beyrouth, à Tyr (sud) et mardi soir encore à Baalbeck (Békaa). "Les attaques, apparemment coordonnées, pourraient signaler une escalade dangereuse", a mis en garde Amnesty international, appelant les autorités à "agir immédiatement pour protéger les manifestants".

Sur la place Alam à Tyr, où des partisans d’Amal et du Hezbollah ont brûlé la veille plusieurs tentes installées par les protestataires depuis le début du mouvement, un rassemblement de soutien aux manifestants anti-gouvernement s'est tenu mardi en fin d'après-midi. Les incidents de la veille n'ont pas découragé les intrépides manifestants de la place Alam qui ont remplacé les quelques tentes brûlées dès ce matin.  Les manifestants ont distribué des fleurs aux soldats et policiers déployés sur place et des pâtisseries aux passants, assurant qu'ils poursuivront leur mobilisation jusqu'à la formation d'un gouvernement de salut qui gère la crise économique dont souffre le pays.


Des manifestants ont distribué des fleurs aux soldats et policiers déployés sur la place Alam à Tyr, mardi 26 novembre 2019. Photo Ani



A Baalbeck, une dispute a éclaté en début de soirée entre des protestataires contre le pouvoir politique et des partisans du tandem chiite (Amal-Hezbollah), sur la place al-Moutran. L'armée est intervenue pour s'interposer entre les deux groupes. En outre, l'Agence nationale d'information (Ani, officielle) a rapporté que des "jeunes opposés à la fermeture des routes ont fermé un bureau mis en place par des manifestants". L'armée est alors intervenue pour ouvrir la permanence et évacuer les personnes qui étaient restées enfermées à l'intérieur.


Tension à Baalbeck. Photo an-Nahar



Sit-in de 24h devant la BDL
A Beyrouth
, des protestataires ont entamé mardi soir un sit-in devant le siège de la Banque du Liban à Beyrouth, qui doit durer 24 heures. Ils protestent contre le fait que la Banque centrale continue "de prendre la défense des banques et non du peuple et n'assume pas la responsabilité de la dette publique et l'effondrement du taux de change de la livre". Les manifestants ont appelé à la démission du gouverneur de la BDL, Riad Salamé.

Depuis le 17 octobre, des centaines de milliers de Libanais de tous bords sont dans les rues pour dénoncer la dégradation de la situation économique et réclamer le départ d’une classe politique jugée incompétente et corrompue. Une contestation en marge de laquelle les banques libanaises ont fermé leurs portes à deux reprises pour plus de trois semaines au total, avant de mettre en place un contrôle des capitaux de facto, sur fond de crise de liquidités.

Dans ce contexte, des étudiants de l'Université américaine de Beyrouth (AUB) ont organisé un sit-in sur le campus de l'université pour réclamer de pouvoir payer leurs scolarité en livres libanaises, alors que des restrictions ont été imposées sur la circulation du dollar.


"Nous ne paierons pas le prix!", peut-on lire sur cette banderole, déployée à l'AUB. REUTERS/Andres Martinez Casares


Les contestataires étaient également particulièrement mobilisés au Liban-Nord.  Des manifestants se sont ainsi rassemblés devant la branche locale de l'Office des eaux du Liban-Nord à Mina et appelé les employés à quitter leur bureau, provoquant de vifs échanges verbaux. D'autres contestataires ont forcé la fermeture du central téléphonique de la ville. A Halba, dans le Akkar, les protestataires ont fermé la branche locale de la compagnie de téléphonie publique Ogero, du service postal LibanPost et d’Électricité du Liban, alors que l'armée s'est déployée en masse devant le Sérail abritant le conseil municipal de la localité.



Colère à Taraflayssé
Parallèlement, la colère des partisans du tandem chiite Hezbollah-Amal était toujours palpable mardi lors de l'inhumation des victimes d'un accident de la route, la veille à Jiyé, après que leur voiture a percuté des barricades installées par l'armée pour dévier la route bloquée par des manifestants.

Des centaines de personnes ont assisté à Taraflayssé, dans le caza de Tyr, au Liban-Sud, à l'inhumation de Hussein Chalhoub et Sana al-Jundi, qui avaient péri dans cet accident sur l'autoroute reliant Beyrouth au Sud, après que leur voiture a percuté une grille métallique et un poteau renversé non signalés, installés là semble-t-il par l’armée pour dévier la circulation vers l’ancienne route côtière. L’autoroute était bloquée un peu plus loin par des manifestants. Entre tristesse et colère, les personnes présentes lors de la cérémonie s'en sont pris aux "bandits" et aux "criminels" qui bloquent les routes, tout en exprimant leur fidélité au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et au leader du mouvement Amal, le président du Parlement, Nabih Berry.

Des étudiants se sont en outre rassemblés à Nabatiyé pour rendre hommage à Hussein Chalhoub et Sana al-Jundi. Ils ont réclamé l'ouverture d'une enquête sur cet accident et appelé à garder l'autoroute reliant Beyrouth au Liban-Sud ouverte. Un rassemblement en hommage aux victimes a également eu lieu sur la place Moutran, à Baalbeck, dans la Békaa.


Procession dans le cadre de l'inhumation de Hussein Chalhoub et Sana al-Jundi à Taraflayssé, dans le caza de Tyr. Photo Ahmad Mantache



Le Hezbollah et Amal avaient mobilisé lundi soir des centaines de leurs partisans dans la banlieue sud de Beyrouth, mais également dans le Liban-Sud et la Békaa pour dénoncer ce qu’ils ont qualifié de "crime terroriste". Certains manifestants ont même scandé "Le peuple veut un 7 mai", en référence à la prise de contrôle par le Hezbollah de Beyrouth-Ouest en 2008. Le même soir, des partisans du tandem chiite ont jeté de l’essence sur les tentes des protestataires installés sur la place Alam à Tyr, avant d'y mettre le feu, et une dispute avait éclaté sous le pont de Cola, à Beyrouth, entre partisans du courant du Futur d'une part, et fidèles du tandem chiite de l'autre. L'armée a dû intervenir à chaque fois. Dans la nuit, le leader du Futur, le Premier ministre démissionnaire, Saad Hariri, a appelé ses partisans à ne pas se laisser entraîner dans des provocations.



(Lire aussi : « A Tyr, on sentait l’agression venir dès l’après-midi »)




"Renforcement de l'unité"
"Les derniers développements et événements ont montré que le pays avait besoin de se réveiller et commencer à véritablement œuvrer à régler les problèmes du Liban qui menacent son existence et son destin", a réagi mardi le Conseil supérieur sunnite chérié, ajoutant que Dar el-Fatwa "ne peut être que du côté du renforcement de l'unité des Libanais". Exhortant tout le monde à "assumer ses responsabilités nationales pour sortir le pays de ses crises", le Conseil a appelé à "revenir au respect de la Constitution", insistant sur la nécessité de lancer les consultations parlementaires contraignantes en vue de désigner un Premier ministre. "Le Liban a besoin d'un gouvernement compétent de salut", a estimé le Conseil.

Après l'escalade dans la rue ces deux derniers jours, une réunion sécuritaire s'est tenue au siège du commandement de l'armée à Yarzé, regroupant des représentants de l'ensemble des institutions sécuritaires du pays. Selon un communiqué publié à l'issue de la réunion, les participants ont confirmé la liberté de manifester et discuté des moyens de préserver la sécurité des manifestants tout en mettant en garde contre les actes de vandalisme ciblant des propriétés publiques et privées et les blocages de routes. Le texte a appelé toutes les parties à faire de preuve de responsabilité et à ne pas se livrer à des actes de nature à porter atteinte à la stabilité, la paix civile et la coexistence.




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Au 41e jour d'une contestation inédite contre la classe dirigeante, un face à face tendu a eu lieu mardi en début de soirée sur la route du palais présidentiel de Baabda, entre des protestataires répondant à l'appel du parti Sabaa et des partisans du Courant patriotique libre, fondé par le chef de l’État Michel Aoun et dirigé par son gendre Gebran Bassil. Des échauffourées ont...

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UN ACCIDENT COMME TANT D,AUTRES QU,ON ESSAIE D,EXPLOITER POLITIQUEMENT.

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 37, le 26 novembre 2019

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Commentaires (2)

  • UN ACCIDENT COMME TANT D,AUTRES QU,ON ESSAIE D,EXPLOITER POLITIQUEMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 37, le 26 novembre 2019

  • "un compromis avait été trouvé autour de l'ancien ministre Bahige Tabbara, pour diriger un gouvernement techno-politique" Je ne connais pas Bahige Tabbara, mais je suis étonné que l'on n'ait pas trouvé un homme de moins de 90 ans comme chef de l'exécutif. Par ailleurs,on parle d'un "compromis ", entre qui et qui? L'opinion publique qui réclame un gouvernement apolitique n'a pas été prise en compte. Il s'agit donc, une fois de plus d'un marchandage entre les différentes factions politiques. Donc retour à la case départ !

    Yves Prevost

    14 h 16, le 26 novembre 2019

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