Les deux cas de figure ne sont certainement pas comparables. Le parallèle est certes naïf, mais, malgré tout, il ne serait pas superflu de le relever afin d’essayer d’interpeller ceux qui se refusent toujours à admettre que nous nous trouvons aujourd’hui, plus que jamais, face à deux mondes, deux projets de société, deux visions de la personne humaine. Et sans verser dans un manichéisme primaire, les Libanais sont appelés à choisir entre ces deux modes de vie, entre ces deux conceptions de la dignité de l’individu. Ils l’ont fait dans leur écrasante majorité en s’appropriant depuis près de cinq semaines les places publiques, aux quatre coins du pays, à la faveur de cet historique mouvement de soulèvement non violent entretenu avec détermination dans une atmosphère joyeuse, bon enfant, pleine d’humour et d’enthousiasme, qui contraste fortement avec la répression sauvage, dans le sang, de la contestation en Iran et en Irak – sans compter, à l’évidence, les crimes contre l’humanité perpétrés depuis huit ans par le régime Assad.
Une réalité, toute simple, sans discours idéologique, émerge clairement des bouleversements qui secouent la région. Les intifadas au Liban, en Iran et en Irak ont chacune sans conteste une dimension macropolitique liée à une conjoncture internationale qui n’échappe à personne. Mais elles ont aussi, sur fond de crise socio-économique aiguë, un dénominateur commun qui en constitue le ferment : la volonté exprimée publiquement par les jeunes et les citoyens lambda de vivre désormais une vie normale, sereine, paisible, plutôt que d’être otages et de faire les frais de la politique expansionniste à laquelle se livrent les gardiens de la révolution iraniens dans l’ensemble du Moyen-Orient. Aussi bien en Iran qu’au Liban, en passant par l’Irak et d’autres pays, nombre de jeunes tiennent en substance sur les réseaux sociaux et dans les rues un même langage : pourquoi, pour qui, au nom de quel idéal, au nom de quel projet et jusqu’à quand devrait-on continuer à subir les retombées multiples d’aventures guerrières, sans horizons et dont on n’a cure, au Yémen, en Irak, en Syrie ou au Liban ?
Le bras armé du régime des mollahs à Téhéran a réussi à réprimer et à mater dans le sang « par miracle » – pour reprendre le terme d’un haut responsable des bassidj – la vaste révolte populaire qui a englobé, de l’aveu même des autorités, une centaine de villes et de localités dans 28 provinces. Mais au profond malaise social qui ne manquera pas de resurgir du fait de l’inévitable flambée des prix (après la hausse du prix de l’essence) est venu aujourd’hui se greffer un sentiment de haine et de rancune, dû à la répression sauvage et aux rafles à grande échelle effectuées un peu partout dans le pays. Cette réaction de type stalinien de la part du pouvoir aura en tout cas montré les limites et le caractère chimérique d’une certaine politique occidentale, notamment américaine, qui souligne, dans le cadre du traitement du dossier iranien, que l’objectif recherché est « non pas un changement de régime, mais la modification de sa ligne de conduite » dans le but de mettre un terme à sa stratégie expansionniste dans la région. Sauf qu’un loup ne saurait être transformé en agneau…
Au plan libanais, le Hezbollah ne peut plus, à moyen terme, occulter l’impact du mouvement de soulèvement enclenché le 17 octobre et qui a atteint le public du parti. L’étalage de force hier soir et dans la nuit de dimanche sur le Ring et à Beyrouth, la répression des manifestations à Nabatiyé, Kfarremmane et Tyr, l’inexcusable blocage de « l’autobus de la révolution » à Saïda pour l’empêcher d’atteindre les fiefs du tandem Amal-Hezbollah ou l’absurde boycott par les chaînes al-Manar et NBN du « défilé civil », le jour de la fête de l’Indépendance à la place des martyrs, n’y feront rien. Une dynamique libaniste, souverainiste, transcommunautaire, incluant (contrairement à 2005) une partie de la rue chiite est en marche. Contre vents et marées, elle s’avérera plus forte que la politique de l’autruche. Et elle ne manquera pas de supplanter tôt ou tard l’option « Iran d’abord »…
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En 1940, les Français vaincus par Hitler ont appelé le maréchal Pétain au pouvoir, il avait 80 ans. Son premier geste fut d'aller le 24/10/1940 serrer la main de Hitler à la gare de la ville de Montoire. Michel Aoun, 84 ans, après avoir accepté que Saad Hariri forme un gouvernement de techniciens, change d'avis, par ordre de qui vous savez, et exige un gouvernement techno-politique afin d'incorporer son gendre Gebran Bassil et les anciens ministres du tandem Amal/Hezbollah. Saad Hariri refusant la capitulation, est parti. Toute la honte au signataire de l'Accord de Chiyah/Canossa et toute la gloire à celui qui a refusé la mainmise de l'étranger sur notre Patrie.
Un Libanais
21 h 16, le 26 novembre 2019