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Le nécessaire parallèle

Un policier français a été jugé et condamné la semaine dernière à trois mois de prison avec sursis pour avoir lancé un pavé en direction de manifestants à Paris, le 1er mai. Le projectile n’avait atteint personne. Le policier faisait partie d’un groupe restreint de CRS qui étaient violemment agressés, dans une atmosphère d’insurrection, au moyen de toutes sortes de projectiles. Plus près de nous (du moins géographiquement…), les autorités iraniennes et irakiennes – plus précisément les pasdaran, les bassidj et la milice irakienne inféodée à Téhéran – se sont livré ces derniers jours à des massacres en bonne et due forme contre les manifestants pacifiques, tuant froidement à bout portant de jeunes contestataires et tirant aveuglément dans le tas, à balles réelles et sans état d’âme, sur les rassemblements de masse organisés dans des dizaines de villes dans les deux pays.

Les deux cas de figure ne sont certainement pas comparables. Le parallèle est certes naïf, mais, malgré tout, il ne serait pas superflu de le relever afin d’essayer d’interpeller ceux qui se refusent toujours à admettre que nous nous trouvons aujourd’hui, plus que jamais, face à deux mondes, deux projets de société, deux visions de la personne humaine. Et sans verser dans un manichéisme primaire, les Libanais sont appelés à choisir entre ces deux modes de vie, entre ces deux conceptions de la dignité de l’individu. Ils l’ont fait dans leur écrasante majorité en s’appropriant depuis près de cinq semaines les places publiques, aux quatre coins du pays, à la faveur de cet historique mouvement de soulèvement non violent entretenu avec détermination dans une atmosphère joyeuse, bon enfant, pleine d’humour et d’enthousiasme, qui contraste fortement avec la répression sauvage, dans le sang, de la contestation en Iran et en Irak – sans compter, à l’évidence, les crimes contre l’humanité perpétrés depuis huit ans par le régime Assad.

Une réalité, toute simple, sans discours idéologique, émerge clairement des bouleversements qui secouent la région. Les intifadas au Liban, en Iran et en Irak ont chacune sans conteste une dimension macropolitique liée à une conjoncture internationale qui n’échappe à personne. Mais elles ont aussi, sur fond de crise socio-économique aiguë, un dénominateur commun qui en constitue le ferment : la volonté exprimée publiquement par les jeunes et les citoyens lambda de vivre désormais une vie normale, sereine, paisible, plutôt que d’être otages et de faire les frais de la politique expansionniste à laquelle se livrent les gardiens de la révolution iraniens dans l’ensemble du Moyen-Orient. Aussi bien en Iran qu’au Liban, en passant par l’Irak et d’autres pays, nombre de jeunes tiennent en substance sur les réseaux sociaux et dans les rues un même langage : pourquoi, pour qui, au nom de quel idéal, au nom de quel projet et jusqu’à quand devrait-on continuer à subir les retombées multiples d’aventures guerrières, sans horizons et dont on n’a cure, au Yémen, en Irak, en Syrie ou au Liban ?

Le bras armé du régime des mollahs à Téhéran a réussi à réprimer et à mater dans le sang « par miracle » – pour reprendre le terme d’un haut responsable des bassidj – la vaste révolte populaire qui a englobé, de l’aveu même des autorités, une centaine de villes et de localités dans 28 provinces. Mais au profond malaise social qui ne manquera pas de resurgir du fait de l’inévitable flambée des prix (après la hausse du prix de l’essence) est venu aujourd’hui se greffer un sentiment de haine et de rancune, dû à la répression sauvage et aux rafles à grande échelle effectuées un peu partout dans le pays. Cette réaction de type stalinien de la part du pouvoir aura en tout cas montré les limites et le caractère chimérique d’une certaine politique occidentale, notamment américaine, qui souligne, dans le cadre du traitement du dossier iranien, que l’objectif recherché est « non pas un changement de régime, mais la modification de sa ligne de conduite » dans le but de mettre un terme à sa stratégie expansionniste dans la région. Sauf qu’un loup ne saurait être transformé en agneau…

Au plan libanais, le Hezbollah ne peut plus, à moyen terme, occulter l’impact du mouvement de soulèvement enclenché le 17 octobre et qui a atteint le public du parti. L’étalage de force hier soir et dans la nuit de dimanche sur le Ring et à Beyrouth, la répression des manifestations à Nabatiyé, Kfarremmane et Tyr, l’inexcusable blocage de « l’autobus de la révolution » à Saïda pour l’empêcher d’atteindre les fiefs du tandem Amal-Hezbollah ou l’absurde boycott par les chaînes al-Manar et NBN du « défilé civil », le jour de la fête de l’Indépendance à la place des martyrs, n’y feront rien. Une dynamique libaniste, souverainiste, transcommunautaire, incluant (contrairement à 2005) une partie de la rue chiite est en marche. Contre vents et marées, elle s’avérera plus forte que la politique de l’autruche. Et elle ne manquera pas de supplanter tôt ou tard l’option « Iran d’abord »…

Un policier français a été jugé et condamné la semaine dernière à trois mois de prison avec sursis pour avoir lancé un pavé en direction de manifestants à Paris, le 1er mai. Le projectile n’avait atteint personne. Le policier faisait partie d’un groupe restreint de CRS qui étaient violemment agressés, dans une atmosphère d’insurrection, au moyen de toutes sortes de projectiles....

commentaires (9)

En 1940, les Français vaincus par Hitler ont appelé le maréchal Pétain au pouvoir, il avait 80 ans. Son premier geste fut d'aller le 24/10/1940 serrer la main de Hitler à la gare de la ville de Montoire. Michel Aoun, 84 ans, après avoir accepté que Saad Hariri forme un gouvernement de techniciens, change d'avis, par ordre de qui vous savez, et exige un gouvernement techno-politique afin d'incorporer son gendre Gebran Bassil et les anciens ministres du tandem Amal/Hezbollah. Saad Hariri refusant la capitulation, est parti. Toute la honte au signataire de l'Accord de Chiyah/Canossa et toute la gloire à celui qui a refusé la mainmise de l'étranger sur notre Patrie.

Un Libanais

21 h 16, le 26 novembre 2019

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Commentaires (9)

  • En 1940, les Français vaincus par Hitler ont appelé le maréchal Pétain au pouvoir, il avait 80 ans. Son premier geste fut d'aller le 24/10/1940 serrer la main de Hitler à la gare de la ville de Montoire. Michel Aoun, 84 ans, après avoir accepté que Saad Hariri forme un gouvernement de techniciens, change d'avis, par ordre de qui vous savez, et exige un gouvernement techno-politique afin d'incorporer son gendre Gebran Bassil et les anciens ministres du tandem Amal/Hezbollah. Saad Hariri refusant la capitulation, est parti. Toute la honte au signataire de l'Accord de Chiyah/Canossa et toute la gloire à celui qui a refusé la mainmise de l'étranger sur notre Patrie.

    Un Libanais

    21 h 16, le 26 novembre 2019

  • Les manifestants sont appelés "mercenaires" en Iran. Les manifestants sont appelés "terroristes" au Bunker. Dans les deux cas, ils ne sont que des citoyens libres et pacifiques plus citoyens que d'autres. C'est là toute la différence. Liberté, Liberté chérie, combats avec tes défenseurs !

    Un Libanais

    16 h 07, le 26 novembre 2019

  • Ceux qui font le parallèle entre la crise des gilets jaunes qui d'ailleurs dure depuis un an à coup de destructions, d'incendie par cocktail Molotov lancés contre les forces de l'ordre et le saccage de tous les commerces du pays la comparaison des morts et blessés me semble un peu légère puisqu'en Iran le soulèvement n'a duré que 3 jours, que la raison de leur révolte était l'augmentation du prix de l'essence de 6 dollars contre dix centimes en France et sans oublier que les mieux lotis des deux peuples ne sont pas les iraniens. Ni liberté, ni salaires, ni infrastructures ni sécurité ni même médicaments. C'est quoi le but de la comparaison inappropriée? L'article parle de manque de discernement de la part des Mollahs qui veulent regner par la peur quite a tuer son propre peuple. Ça vous rappelle quelqu'un ? Suivez mon regard. C'était ca le parallèle.

    Sissi zayyat

    15 h 16, le 26 novembre 2019

  • cette vision decriee est celle qui veut faire accroire que son but sacre est la liberation de jerusalem. l'autre, celle qui veut VIVRE, apres tant de deception, apres y avoir cru trop longtemps. pt't qu'une UNION SACREE, UNE COORDINATION entre les révolutionnaires de ces 3 nations serait utile, aiderait a l'emporter ?

    Gaby SIOUFI

    12 h 07, le 26 novembre 2019

  • Au sujet des gilets jaunes , Au 27 janvier 2019, onze personnes sont décédés en France et trois en Belgique, ce qui fait un total de quatorze décès pour les deux pays réunis (dont treize sont en rapport avec une manifestation française). En France, le ministère de l’Intérieur a recensé 3 100 blessés : 1 900 civils (manifestants ou non) et 1 200 agents des forces de l’ordre). Ca ne veut pas se dire manichéen , mais c'est doublement manichéen . Si on veut être réaliste en plus , on admet que ce rêve-illusion a fait chou blanc.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 07, le 26 novembre 2019

  • MEN TEMMAK LA BEB EL SAMA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 55, le 26 novembre 2019

  • Seigneur pardonne leur ils ne savent pas ce qu’ils font !

    PROFIL BAS

    06 h 23, le 26 novembre 2019

  • Nous aurons irrémédiablement deux cantons : - Du nord au Litani le canton de Pheniciie - Du Litani à Israël le canton de Bergerie On se donne cinq ans et les demandes d’asile vont pleuvoir

    PROFIL BAS

    05 h 08, le 26 novembre 2019

  • En effet, Mr Touma, bien dit et bien analysé.... Mais il faudrait se rendre à l’évidence: ces deux mondes qui s’affrontent, où les Libanais doivent choisir entre ces deux modes de vie et ces deux conceptions de la dignité de l’indIvidu, sont aux antipodes de la réalité du pays... En face de ce mouvement spontané de la rue, pacifique, civilisé, ultra-communautaire, séculaire, le Hezbollah a été pris de court: après une période de flottement et d’hésitation, un peu déséquilibré entre ses dialogues populistes sur fond théocratique et son alignement sur une ligne iranienne belliqueuse et régionale,il se ressaisit, comme un animal blessé et coincé dans un coin, et n’a plus d’autre choix qu’une réaction de survie violente car il se sent atteint au cœur de sa propre communauté, et de contre-attaquer... Nous assistons au début de ce réveil: on politise la rue, on joue sur les antagonismes communautaires, on attaque les manifestants, on détruit, on brûle, on provoque l’armée, le sang coule, la terreur s’installe, tout le monde rentre chez lui et ils pensent que le tour sera joué... D’autant que le monde civilisé et l’ONU vont condamner énergiquement, mais vont rester les bras croisés... D’accord avec vous que le HB ne peut plus occulter l’impact de ce mouvement historique, mais j’ai peur de réaliser qu’il va y avoir beaucoup de souffrances, de violences et de désillusions avant qu’on atteigne la République idéale et un peu utopique à laquelle les gens rêvent!

    Saliba Nouhad

    03 h 01, le 26 novembre 2019

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