Le Premier ministre sortant Saad Hariri, qui avait démissionné le 29 octobre dernier sous la pression de la rue, a annoncé mardi qu'il ne sera pas candidat à sa propre succession, ouvrant la voie à la tenue dès jeudi des consultations parlementaires contraignantes pour nommer un nouveau président du Conseil. L'annonce de M. Hariri est intervenue alors que ces deux derniers jours, les tensions s'étaient exacerbées après des attaques de partisans du Hezbollah et du mouvement Amal contre les manifestants mobilisés depuis 41 jours pour obtenir notamment la formation d'un cabinet de technocrates indépendants.
"Plus de 40 jours après le mouvement de contestation et près d'un mois après la démission du gouvernement, en réponse au cri fort de la rue, et afin de permettre que l'on réponde aux revendications légitimes, il est devenu évident que ce qui est aujourd'hui plus dangereux que la grande crise nationale et la crise économique, et ce qui empêche de commencer à résoudre ces deux crises qui sont liées entre elles, c'est le déni chronique (face au mouvement de contestation) exprimé ces dernières semaines à plusieurs occasions", indique un communiqué publié par M. Hariri, affirmant vouloir "ouvrir la porte aux solutions (...) afin d'éviter le pire sur les plans politique, social, économique et sécuritaire". "J'ai estimé que seul un gouvernement d'experts constituait la solution pour sortir de la crise. Et lorsque je soutiens la candidature de quelqu'un d'autre pour présider un gouvernement techno-politique, on me dit que je me comporte selon la règle 'Moi, et personne d'autre', en sachant que les Libanais savent parfaitement qui utilise et applique ce slogan", poursuit M. Hariri, en référence au 8 Mars. "Face à ces comportements irresponsables, j'annonce aux Libanaises et aux Libanais que je suis attaché au principe du 'Pas moi, mais quelqu'un d'autre' pour la formation d'un gouvernement répondant aux aspirations des jeunes (...) permettant de régler la crise".
Quelques heures plus tard, Samir Khatib, dont le nom circulait en soirée comme candidat potentiel à la tête du prochain gouvernement, s'est dit prêt à devenir Premier ministre si un consensus a lieu autour de sa personne.
(Lire aussi : Violences sur le Ring : le Hezbollah envoie des messages sans les signer)
La réaction de Baabda
Quelques minutes après la publication du communiqué de M. Hariri, Baabda a annoncé que les consultations parlementaires se tiendront jeudi et pourraient s'étendre jusqu'à vendredi après-midi. Le programme des consultations n'a toutefois pas encore été rendu public.
Des sources de Baabda citées par notre correspondante Hoda Chedid indiquent que le palais présidentiel reproche à Saad Hariri de se départir de ses responsabilités dans la crise actuelle, assurant toutefois que les discussions se poursuivront avec lui à la recherche d'une alternative. Ces sources indiquent qu'un accord avec M. Hariri sur le nom du prochain Premier ministre est le bienvenu. En cas de non accord, d'autres noms sont sur la table, ajoutent ces sources. Ces sources indiquent également que le prochain cabinet ne sera pas un "gouvernement de confrontation", mais un cabinet de "salut et de réformes", dont la mission sera de "lutter contre la corruption et d'affronter la crise économique". "Tout le monde doit assumer l'héritage de ces 30 dernières années de crise", insistent ces sources de Baabda.
Plus tôt dans la journée, des sources de Baabda avait indiqué que le chef de l'Etat ne signera qu'un décret de formation du gouvernement servant les intérêts du pays, particulièrement en cette période délicate qui nécessite un consensus.
La contestation réclame un renouvellement de la classe politique - inchangée depuis des décennies et dominée par les mêmes clans familiaux-, en commençant par un gouvernement de technocrates indépendants des partis. Or si M. Aoun s'est dit ouvert à une équipe ministérielle incluant des représentants de la contestation, il avait proposé un gouvernement "techno-politique" en insistant sur la nécessité d'avoir des représentants des partis. De son côté, le Hezbollah a balayé l'idée d'un gouvernement exclusivement formé de technocrates.
Dans une tentative de prévenir une escalade dans la rue après l'annonce de M. Hariri, la formation de ce dernier n'a pas tardé à appeler ses partisans au calme. "Le communiqué du chef du courant du Futur est une brèche face à l'impasse (...) pour prévenir la sédition et affronter la crise économique", indique le secrétaire général de la formation de M. Hariri, Ahmad Hariri, dans une circulaire à l'intention des partisans du Futur. "Conformément aux orientation de Saad Hariri, nous appelons tout le monde à rester dans les limites de la loi et de la paix civile, et à éviter toute réaction dans la rue", poursuit ce texte.
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commentaires (12)
Exellent choix pour Saad Hariri. Qu'ils se débrouillent tous seuls , au lieu qu'ils vous fassent subir les effets de leurs excès et de leurs entêtements.
Esber
18 h 42, le 26 novembre 2019