Au 30ème jour d'un mouvement inédit de contestation populaire contre la classe dirigeante, des axes routiers dans certaines régions libanaises étaient encore bloquées vendredi, après un accord des composantes de la majorité sortante sur la désignation de l'ancien ministre des Finances Mohammad Safadi comme futur Premier ministre, qui a mis la rue en colère.
Ainsi, l'autoroute côtière est encore coupée à hauteur de Tripoli, l'"icône de la révolution" au Liban-Nord, où les protestataires ont fermé plusieurs institutions publiques sur la place al-Nour et dans les secteurs du pont de Palma, de Beddaoui et de Bohsas. Dans le Akkar, la route est fermée à hauteur de Halba, où les manifestants ont bloqué plusieurs institutions publiques, et de Abdé. Un peu plus au Sud, plusieurs routes étaient bloquées dans la région de Zghorta, à hauteur de Minié, Aïrounié, Miriata et Aqbé. D'autres axes ont été coupés par des pneus brûlés et des gravats dans la Békaa-Ouest, à hauteur de Jdita, Kab Élias, Taalabaya, Saadnayel, Jeb Jennine jusqu'à Zahlé, Ghazé et Masnaa.
Dans la matinée, les routes un temps rouverte, ont été à nouveau barrées à hauteur de Khaldé, dans le caza de Aley, où Ala' Abou Fakhr, un manifestant affilié au Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt, avait été tué dans la nuit de mardi à mercredi. Il s'agissait de la deuxième victime du mouvement visant une classe politique jugée corrompue et accusée de népotisme, sur fond de difficultés économiques. Jeudi, dans la localité voisine de Choueifate d'où il était originaire, des milliers de Libanais avaient participé aux funérailles du "martyr" de la révolution.
Dans la matinée de vendredi, l'armée a fini par rouvrir l'autoroute côtière à hauteur de Jal el-Dib, dans le Metn, et à Zouk, dans le Kesrouan, que les manifestants avaient réussi à bloquer complètement dans les deux sens, au prix d'échauffourées entre eux et les militaires, faisant un blessé et qui se sont conclues par plusieurs arrestations.
Jeudi, l'armée avait réussi à ouvrir la quasi-totalité des routes, obstruées à l'aide de bennes à ordures parfois incendiées, de barrières, ou de bidons et pneus brûlés.
En soirée, un convoi de voitures est parti de Bourj al-Murr jusqu'à Bourj el-Ghazal. Les voitures se sont arrêtées au niveau du Ring pour couper la route quelques instants provoquant des embouteillages monstres. Elles ont fait de même à Jal el-Dib.
Sur la place Riad el-Solh, haut lieu de la contestation dans le centre-ville de Beyrouth, les fortes pluies ont inondé la place où des manifestants se relaient jour et nuit.
Photo Ahmad Azakir
En outre, des dizaines d'employés des compagnie de téléphonie mobile Alfa et Touch ont poursuivi leur grève ouverte devant le siège d'Alfa, sur le croisement dit de Chevrolet, afin de protester contre une éventuelle réduction de leurs salaires.
Photo ANI
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Les manifestants remontés contre l'accord sur Safadi
Sur le plan politique, les principales composantes de la majorité sortante - le Hezbollah, Amal, le Courant patriotique libre et le Courant du Futur du chef du gouvernement sortant Saad Hariri sont parvenus jeudi soir à une entente pour désigner Mohammad Safadi en tant que Premier ministre à la tête d'un cabinet "techno-politique".
Après cet accord, le calendrier devrait s'accélérer. Le président Michel Aoun doit mener dans les prochains jours les consultations parlementaires contraignantes qui déboucheront sur la nomination de l’ancien ministre des Finances à la tête du nouvel Exécutif. Selon certaines sources à L'Orient-Le Jour, le nouveau gouvernement, qui ne comprendrait pas de figures dites "provocatrices", devrait voir le jour mercredi au plus tard. Selon l'agence al-Markaziya, le prochain gouvernement pourrait être formé de 18 ministres technocrates et de 4 ou 6 ministres politiques.
Le choix de M. Safadi et celui de former une équipe "techno-politique" ne semblent pas du tout répondre aux revendications de la rue qui souhaite la formation d'un cabinet de technocrates.
Selon notre correspondant à Saïda, Mountasser Abdallah, les informations sur un accord sur le nom de Mohammad Safadi ont provoqué la colère et l'indignation dans la nuit dans la grande ville du Liban-Sud, et les protestataires sont venus passer la nuit sur la place Elia, baptisé "place de la révolution du 17 octobre", fermant à nouveau tous les accès y menant malgré un déploiement important de l'armée. Ce matin, ils scandaient "Tous sans exception, y compris Safadi". "C'est un corrompu, qui fait partie de la classe politique que nous rejetons. Nous n'accepterons jamais sa nomination et nous resterons sur la place", déclare Ahmad, un manifestant. "Nous voulons un gouvernement neutre qui prépare des élections afin de nous débarrasser de toute la classe politique. Nous n'accepterons rien de moins", affirme Waël, un autre manifestant qui a passé la nuit sur place. Salim dit être venu en pleine nuit également après avoir entendu les informations sur l'accord sur le nom de M. Safadi et passé la nuit sur place avec ses amis. "Nous ne partirons pas, même si l'armée tente de nous déloger. Hors de question d'accepter Safadi", a-t-il lancé.
En début d'après-midi, l'armée libanaise a procédé à l'ouverture de deux des quatre routes qui mènent au carrefour Elia.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, des manifestants se sont rassemblés devant la maison du candidat pressenti à Tripoli, où l'armée était massivement déployée, criant "Dégage Safadi !".
Jeudi, le président Michel Aoun avait affirmé que le nouveau gouvernement pourrait être formé "dans les jours à venir", soulignant que les revendications des Libanais, qui manifestent depuis 29 jours pour réclamer entre autre la lutte contre la corruption et le départ de la classe politique, feront partie des "premiers objectifs" du futur cabinet.
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Un ministère de 24, plus ou moins, et technopoliticiens! Merci au pouvoir de nous prendre pour des ignares, des stupides et des demeurés. En fait les nommés pouvoir est stupide car ils ne peuvent rien autre que se courber devant leurs maitre l'iran qui leur donne les instructions à travers ses fusées clever et ses dollars hallal! Politiciens au liban est synonyme de bandit et ceci dixit nos politiciens eux mêmes quand ils parlent tous de leurs confrères. Que Dieu soit avec el Saoura.
13 h 29, le 15 novembre 2019