Des partisans du Hezbollah suivant un discours du secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, le 11 novembre 2019 dans la banlieue sud de Beyrouth. AFP
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a appelé lundi la justice libanaise à mener la lutte contre la corruption "avec courage et sans céder à aucune pression", alors que les Libanais sont mobilisés par dizaines de milliers depuis le 17 octobre pour réclamer le départ de la classe dirigeante, accusée de corruption. Le leader chiite, qui a tenu un discours télévisé lors d'une cérémonie à l'occasion de la "Journée du martyr", a très brièvement abordé la question du prochain gouvernement, se contentant d'affirmer que le Hezbollah gardait "les portes ouvertes pour aboutir au meilleur résultat" dans les tractations relatives à ce dossier.
"Depuis le début du mouvement de contestation, j'explique qu'il faut bâtir sur les choses positives. La nécessité de lutter contre la corruption et le recouvrement des avoirs volés sont des revendications partagées par l'ensemble des manifestants. Aujourd'hui, je pense que plus personne - ni un parti, ni un dignitaire, ou une communauté - ne peut protéger les corrompus", a déclaré le chef du Hezbollah. "Cela n'est pas lié à la formation du gouvernement, car cela relève de la justice", a-t-il ajouté.
"Il faut juger les corrompus et recouvrer les fonds volés. Pour cela, nous avons besoin d'une justice et de juges indépendants, courageux et ne cédant pas aux pressions politiques, a lancé Hassan Nasrallah. Il s'agit d'une opportunité historique. La révolution passe par la justice et les juges. Il faut des procès justes, des peines de prison prononcés et des instruments pour récupérer les fonds volés", a-t-il ajouté, avant de lancer à l'adresse des juges : "En tant que secrétaire général du Hezbollah je vous dis commencez par nous et ne cédez à aucune pression".
"Les lois et les dossiers existent. Nous demandons aux juges d'agir de manière à user vos prérogatives et à faire preuve de courage. Le peuple libanais est avec vous et vous regarde. Cette tâche leur revient, ils doivent prendre toutes leurs responsabilités", a poursuivi le leader chiite, soulignant que "la lutte contre la corruption n'a pas de communauté ou de religion".
Plus tôt dans la journée, le bloc parlementaire du Hezbollah avait présenté au président du Parlement, Nabih Berry, une proposition de loi, revêtue du caractère de double urgence, qui prévoit la levée de l'immunité de tous les ministres des gouvernements formés depuis 1992 en vue de poursuites en justice pour corruption et gaspillage des deniers publics, demandant à ce qu'elle soit incluse à l'ordre du jour de la prochaine séance.
Dans l'après-midi, le président du Parlement, Nabih Berry, a annoncé que la séance parlementaire de mardi au menu de laquelle figurait, entre autres, la proposition de loi d'amnistie générale qui suscite un tollé, a été reportée au 19 novembre prochain, assurant que "la seule raison pour lui de décider de reporter cette séance est la question sécuritaire".
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Crise économique
Par ailleurs, le leader du Hezbollah a de nouveau pointé du doigt la responsabilité des Etats-Unis dans la profonde crise économique dont souffre le Liban, appelant le prochain gouvernement à prendre langue avec la Syrie, l'Irak, mais aussi la Chine.
"En économie, comme sur le plan militaire, vous devez savoir qui est votre allié et votre ennemi. Aujourd'hui, les Etats-Unis interdisent au Liban de sortir de sa crise économique", a estimé Hassan Nasrallah, insistant notamment sur l'importance du secteur agricole libanais.
Soulignant que les sanctions américaines sur le secteur bancaire "ont eu une influence néfaste sur l'économie du pays", le leader du Hezbollah a estimé que ces sanctions avaient pour objectif de "provoquer la sédition du peuple libanais, en faisant assumer la responsabilité de cette situation au Hezbollah". "Les expatriés libanais, qui ont massivement investi ces dernières années au Liban, ont du mal à transférer leur argent au Liban", a déploré le chef du Hezbollah.
"Les sociétés chinoises sont très riches et sont prêtes à investir des milliards de dollars pour des projets d'infrastructure, à relancer l'activité économique et assurer des opportunités d'emploi. Selon mes informations, les Etats-Unis interdisent au Liban de laisser les sociétés chinoises investir au Liban", a-t-il déclaré, encourageant le prochain gouvernement à "s'ouvrir à la Chine". Washington "interdit également les sociétés iraniennes, et peut-être les sociétés russes d'investir au Liban", a-t-il ajouté, déplorant que "les sociétés libanaises qui veulent participer à la reconstruction de la Syrie ne le peuvent pas car elles risquent des sanctions américaines".
"L'Irak représente une opportunité historique pour les agriculteurs et les industriels libanais, a estimé Hassan Nasrallah. Il suffit que le gouvernement libanais s'entende avec le gouvernement syrien pour que les marchandises libanaises puissent passer en Irak via le poste-frontière de Boukamal, que les Etats-Unis ont tout fait pour garder fermé".
"Aux investisseurs qui souhaitent s'implanter au Liban, on leur dit que le pays n'est pas sûr. C'est un mensonge américain. Je l'affirme, le Liban est plus sûr que Washington et l'ensemble des Etats américains. En comparaison, le Liban est un paradis", a déclaré le leader du parti chiite, avant de lancer : "Nous avons besoin d'un gouvernement souverain qui puisse dire aux Etats-Unis que c'est nous qui décidons".
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Gouvernement
Sur le plan politique, le secrétaire général du Hezbollah a refusé de parler "du dossier du gouvernement, de la formation du cabinet ou de la désignation du Premier ministre parce que les discussions sont en cours". "Nous gardons nos portes ouvertes afin de parvenir au meilleur résultat", s'est-il contenté de déclarer sur ce plan.
Sous la pression de la rue, révoltée contre la classe dirigeante accusée de corruption et de mauvaise gestion, le gouvernement de Saad Hariri avait démissionné le 29 octobre. Mais depuis, la situation n'a pas évolué, le chef de l’État Michel Aoun n'ayant pas encore lancé les consultations parlementaires contraignantes pour la nomination d'un futur président du Conseil. La présidence évoque pour justifier ces atermoiements "la situation exceptionnelle" du pays et poursuit ses contacts afin de trouver la forme que devrait prendre le futur cabinet.
Selon le député Alain Aoun, membre du Courant patriotique libre, cité par l'AFP, la formation du gouvernement est retardée par "les préoccupations du Hezbollah, qui craint d'être écarté du pouvoir, et les conditions du Premier ministre démissionnaire, qui refuse de diriger un gouvernement qui ne soit pas formé exclusivement de technocrates". Lors de ses dernières prises de parole, le leader du parti chiite avait balayé l'idée d'un cabinet exclusivement formé de technocrates, réclamé par la rue.
Par ailleurs, Hassan Nasrallah est revenu sur les récentes déclarations du secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo. Abordant la question des manifestations anti-gouvernementales au Liban, ce dernier avait appelé à "soutenir ces personnes partout où nous le pouvons (...) pour mettre un terme à l'influence de l'Iran". "Où est-elle, son influence ? En réalité, pour M. Pompeo, l'influence de l'Iran, c'est la résistance. Les Etats-Unis veulent couper la main de la résistance qui protège le Liban", a-t-il déclaré, avant de conclure : "Le Liban ne doit permettre à personne de l'entraîner dans le vide, le chaos ou la guerre civile".
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commentaires (22)
V'la autchose, il veut nous brader comme une camelote aux chinois, ses frères ouïgours, il s'assoie dessus, faut pas vexer Xi jinping, ses frères Rohingyas il pouvait parler, ça ne vexait personne, de la fine diplomatie, sinon.
Christine KHALIL
22 h 33, le 13 novembre 2019