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Culture - Street Art

« Je suis chez moi dans chaque rue révolutionnaire »

À Beyrouth, particulièrement place des Martyrs et place Riad el-Solh, des caricatures de politiciens, des représentations de la révolution, des slogans ou encore des références à la pop culture fleurissent un peu partout. Les murs sont devenus le terrain d’expression de la « révolution ».

« Je suis chez moi dans chaque rue révolutionnaire », peut-on voir inscrit sur un mur en face de la mosquée al-Amine. En dessous figurent les noms des pays qui connaissent d’importantes mobilisations : « De Beyrouth au Yémen, Syrie, Palestine, Irak, Amazone, Équateur, Brésil, Libye, Égypte, Soudan. »

À l’instar des événements du Soudan, d’Algérie ou au Chili, les rassemblements des derniers jours à travers le pays ont vu fleurir de très nombreux tags et graffitis sur les murs. À Beyrouth, particulièrement sur la place des Martyrs et la place Riad el-Solh, ce sont des caricatures de politiciens, des représentations de la révolution, des slogans ou encore des références à la pop culture... Les murs sont devenus le terrain d’expression de la révolution.

Comme le témoigne l’Œuf, ce vieil espace abandonné devenu un véritable lieu de vie en quelques jours, les places occupées dans le centre-ville depuis le début du mouvement, vendredi 17 octobre, ont été complètement réappropriées par la population. Pour Spaz, graffeur issu du mouvement hip-hop libanais, « nous reprenons ce qui est nôtre. Chaque pierre ici est au peuple libanais, et dessiner dessus est un moyen de nous rappeler que cette place comme ce pays ne leur appartient pas ». Un de ses collègues, Mo, estime, quant à lui, que les graffitis sont la traduction du cri de colère du peuple tout entier. La réappropriation de ces espaces symboliques est un premier message, les suivants sont inscrits sur les murs comme pour ancrer les revendications des foules au cœur du Liban. « C’est bien que tout le monde ait soudain accès à cet espace d’expression. Pas besoin d’être un artiste reconnu pour écrire sur les murs, c’est à la portée de tout le monde.

Je regrette parfois quelques graffitis puérils, mais je suis globalement heureux de ce qui se passe et heureux de pouvoir y contribuer. »


(Lire aussi : La « révolution » culturelle ne sera pas tuée dans l’Œuf)


Tous les Libanais

Si c’est un message adressé aux dirigeants, c’est aussi un support visuel de la révolution pour tous les Libanais : « Quand je dis tous les Libanais, je ne parle pas que des habitants du Liban. Il s’agit aussi d’illustrer la révolution pour nos frères et sœurs qui nous soutiennent dans le monde entier. Nous sommes une des plus grandes diasporas au monde, et nos actions ici ont une répercussion sur toute la planète. Le graffiti est un moyen d’envoyer des images fortes pour leur dire ce qu’on fait ici, comme nos collègues l’ont fait dans les mouvements révolutionnaires au Soudan, au Chili, en Algérie, en Équateur... » confie Spaz. Comme dans ces pays, « la révolution est spontanée : il n’y a pas de dirigeants, de partis, d’institutions qui organisent la mobilisation ». D’après Mo, le graffiti symbolise cette autonomie : « Personne ne nous dit quoi écrire ou quoi représenter. Chacun vient avec ce qu’il veut et apporte sa propre pierre à l’édifice. La nôtre, c’est le graffiti, nous n’avons pas à en être fier, c’est juste la forme que prend notre contribution à toute cette énergie collective. »


C’est écrit sur les murs

Pour Exist, un autre graffeur, l’écriture reste toutefois cruciale dans les messages peints sur les murs. « Si mes camarades sont spécialisés dans des représentations graphiques, je suis pour ma part très attaché à l’usage des mots. Le langage, les mots, la culture, c’est ce qui nous réunit, c’est ce qui nous définit et c’est plus accessible pour ceux qui veulent s’initier aux graffitis que les dessins figuratifs. Ils expriment le sens de la révolution. » Le lien entre graphie et graffiti est très fort dans son approche, et toucher les gens par des mots est son principal objectif. « L’écriture, c’est un peu notre histoire commune. La première chose qu’on apprend à écrire, c’est son nom ; et la raison pour laquelle on apprend à écrire, c’est pour communiquer avec tout le monde. C’est à la fois très personnel et très collectif. » Mais si les approches sont différentes au sein du groupe, elles ne sont pas contradictoires : cela amène à des débats profonds qui amènent à une richesse dans les graffitis exposés sur les murs, conclut-il.


(Lire aussi : Dans l’Œuf, une rave-olution)



La voix du peuple

Le groupe de graffeurs estime en outre que les événements actuels sensibilisent à l’art. Les personnes qui descendent dans les rues sont si nombreuses que les interactions sociales se créent forcément entre des gens complètement différents les uns des autres. « La culture hip-hop est très présente : graffeurs mais aussi rappeurs sont des artistes issus des classes populaires dont l’objectif est de faire entendre la voix du peuple. C’est pour cela que l’on écrit des phrases de rappeurs sur les murs; elles sont parfaitement adaptées à ce moment », explique Exist. « Cette culture hip-hop est opposée à la classe bourgeoise, à un art bourgeois », rajoute Spaz. Pour un autre graffeur indépendant, tout le monde a l’occasion de devenir un artiste dans ces moments-là. Cette effervescence collective rend accessible des choses qui semblent éloignées : « Maintenant, tout le monde fait de la politique, tout le monde danse, peint sur les murs… Les tabous de la société volent en éclats : la révolution est dans tous les domaines. »



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