Dessins divers sur la façade extérieure de l’Œuf. DR
Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour en 2018, il avait déclaré : « Comme les oiseaux qui se déplacent d’un pays à l’autre sans attaches, sans nostalgie et sans rien emporter avec eux que la force créative de leurs chants, je suis devenu cet homme-oiseau, solitaire mais accompli, je suis devenu Birdman. » Sauf qu’aujourd’hui, Semaan Khawam n’est plus seul. Ses ailes se sont déployées pour mieux embrasser la révolution qui balaie depuis onze jours le Liban, et la porter aussi loin que l’art peut porter les hommes. Aussitôt qu’il troque ses pinceaux contre un balai et une serpillière – pour récurer 30 ans de pourriture et de détritus laissés par une classe politique fangeuse – l’espace de l’Œuf, structure iconique et délabrée du centre-ville de Beyrouth, est investi par une foule de volontaires venue s’abriter sous son aile et « porter secours au Liban », chacun à sa manière. Certains participent au nettoyage alors que d’autres dessinent ou font des tags sur les murs intérieurs ainsi que sur la façade extérieure.En accueillant conférences, débats, projections de films (à l’initiative de Nadi li koull el-nass), cours donnés par des profs d’universités, et même soirées rave, l’Œuf est devenu l’un des cœurs battants du centre-ville, en dépit des avertissements qui s’élèvent ici et là, questionnant la solidité du bâtiment et sa sécurité.
(Lire aussi : Dans l’Œuf, une rave-olution)
La guerre civile est terminée
Sleeping with the ennemy est une initiative dans le cadre de laquelle trois artistes partagent, pendant une vingtaine de jours, un même espace ouvert à la création et aux échanges : « On peint, on produit, on discute, on échange entre nous, mais aussi avec le visiteur, car cet espace est ouvert au public. Ce qui devait au départ nous séparer du fait que nous étions trois personnes très différentes dans nos convictions religieuses, dans nos affinités artistiques et dans notre philosophie de vie, nous a rapprochés dans un esprit de solidarité. Les profits de chaque œuvre vendue sont partagés en trois. Il n’y a plus de particuliers, juste une communauté. On ne pensait pas en créant cette dynamique, il y a quelques mois, qu’elle deviendrait la métaphore de cette révolution, où un peuple qui se caractérisait par ses différences religieuses et sociales n’aspire plus qu’à une seule chose, vivre ensemble dans la paix et la sérénité. Et quoi de plus beau comme espace que le Grand Théâtre de Beyrouth que nous avions investi au départ pour perpétuer cet esprit de communauté et permettre à tous les artistes de venir s’exprimer en acte créatifs ou en paroles productives? Sauf que Solidere en a décidé autrement et nous a chassés des lieux », explique Semaan Khawam.
L’art est un formidable agitateur
Et voilà comment l’équipe de Sleeping with the ennemy s’est retrouvée dans l’Œuf, cet espace abandonné depuis la guerre, ce bâtiment de forme ovoïde, dont la construction avait démarré au milieu des années 60 et qui avait pour vocation de devenir un centre commercial moderne. Projet que la guerre a interrompu. Seuls les sous-sols et ce qui devait être un cinéma multisalles ont été terminés.
Représentation de la puissance créatrice de la lumière, la symbolique de l’œuf vient épouser à merveille ce mouvement. Il est la genèse du monde, il est la réalité primordiale qui contient en germe la multiplicité des êtres. Le but de ce mouvement est d’abord de nettoyer, car, pour rebâtir, il faut bien sonder les fondations, ensuite mettre en place une plateforme pour les débats pour tous, et enfin offrir à tous les artistes des murs vierges où chacun viendra apposer son empreinte, mais aussi et surtout réécrire l’histoire. « Aujourd’hui, ajoute Semaan Khawam, lorsque Tripoli soutient Tyr, et Achrafieh soutient Nabatiyé, la guerre civile est bel et bien finie. Il est révolu le temps de l’idolâtrie où chaque Libanais se reconnaissait dans un chef de parti et épousait sa cause. Le polythéisme est terminé, les statues érigées sont au sol et l’on ne s’identifie plus qu’à un seul Dieu, celui de la liberté et de la justice. » Quant à l’avenir, l’artiste avoue être très confiant : « Je ne peux qu’être optimiste. La ville nous ressemble enfin. Elle est revendications, elle est droit à la parole, elle est aussi esprit civique et témoignages authentiques. L’art est agitateur, c’est lui qui aide et soutient le peuple. Ce peuple libanais où chacun à sa façon a fracassé la sculpture du dieu qu’il idolâtrait. Nous vivons une période historique. Ce qui va advenir n’est pas important, car quoi qu’il advienne nous sommes déjà demain. »
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commentaires (5)
Ayez peur pour VOTRE futur, la jeunesse sait se debrouiller elle meme. Quand au haschich c’est pas les hezbo qui en sont chargé de le produire et exporter? Faut arreter les larmes de crocodiles sur des scene “obscene” on disait la meme chose il y a 40 ans. Sauf que maintenant la jeunesse ne demande plus votre avis pour “forniquer” terme des années 30. Allez les anti-modernisme au coin, vous avez assez pourris ce pays ces dernieres decennies pour essayer de nous pourrire notre avenir egalement.
Thawra-LB
15 h 51, le 28 octobre 2019